La littérature en espéranto

par André CHERPILLOD
(membre de l'Académie d'espéranto)

 

La littérature en espéranto

Les traductions
Il est impossible de dresser la liste de toutes les œuvres traduites en langue internationale depuis cent ans. Citons quand même quelques auteurs : Alain-Fournier, Andersen, Balzac, Baudelaire, Beaumarchais, Brecht, Camus, Cervantès, Dante, Daudet, Dickens, Goethe, Gogol, Goldoni, Grimm, Heredia, Homère, Hugo, Ibsen, Lagerlöf, Lu Xun, Madâch, Maupassant, Mickiewicz, Molière, Nerval, Pagnol, Pouchkine, Prus, Racine, Sade, Saint-Exupéry, Sartre, Schiller, Shakespeare, Tagore, Tolstoï, Tourgueniev, Vazov, Vildrac, Virgile, Voltaire.
Ajoutons pêle-mêle : la Bible, Tintin, Le Manifeste Communiste, le Kalevala, le Petit Livre rouge, Astérix le Gaulois, le Coran, la Déclaration des Droits de l'Homme, l'Imitation de Jésus-Christ…
A titre d'exemple,voici la célèbre Chanson d'Automne, de Verlaine, dans le texte original et dans la géniale traduction qu'en fit le poète hongrois Kálmán Kalocsay (1891-1976).

          Chanson d'automne                                      Aŭtuna kanto 

           Les sanglots longs                                       La velksezon'  
           Des violons                                                 Per violon' 
           De l'automne                                               Ĝemo sona
           Blessent mon coeur                                     Vundas ĉel'kor
           D'une langueur                                             Min per langvor'
           Monotone.                                                  Monotona.

           Tout suffocant                                            Sufoke nun
           Et blême quand                                           Kaj pale dum
           Sonne l'heure,                                             Tintoj horaj
           Je me souviens                                            Memoras mi
           Des jours anciens                                        Kaj ploras pri
           Et je pleure.                                                Tagoj foraj

           Et je m'en vais                                             Mi vagas, jen
           Au vent mauvais                                          Zigzagas en
           Qui m'emporte                                            Vento forta
           Deça, delà,                                                  Kun svena fal'
           Pareil à la                                                    Simile al
           Feuille morte.                                              Branĉo morta.

Évidemment, c'est un truisme que de dire qu'il vaut mieux lire une poésie française …en français. Mais une poésie russe, quand on ne sait pas le russe, un poème japonais lorsqu'on ignore tout du japonais, le Cantique des cantiques quand on ne connaît pas un mot d'hébreu ? On peut lire tout cela en français, bien sûr (et encore, à condition que ce soit traduit). Mais il est bien préférable de la lire en espéranto. Car la traduction d'une œuvre littéraire en espéranto est toujours meilleure que la traduction en une langue ethnique, et cela pour deux raisons parfaitement objectives l'une et l'autre.
a) La souplesse de l'espéranto fait qu'il rend mieux que toute autre langue les nuances de l'original. Comparons une phrase hébraïque de la Bible (l'hébreu biblique est remarquablement concis) avec ses traductions en espéranto et en français. Il s'agit du psaume 117, verset 1 :
-Hébreu : Halelü et -Adonaï kol- goyim ŝabbe huhu kol-ha'ummim (8 mots).
-Espéranto : Gloru Dion ĉiuj popoloj (ĉiuj) , laŭdu lin ĉiuj gentoj (trad. Zamenhof : 9 mots).
- Français : Louez l'Eternel, vous tous, ô peuples, glorifiez-le, vous toutes, ô nations ! (trad. Z. Kahn : 13 mots).
- On voit que la phrase espéranto est plus courte que la phrase française. Et avec des connaissances même élémentaires d'hébreu, on voit qu'elle est bien plus proche du texte original.
- Second exemple. Le proverbe chinois composé de quatre mots : fù fù zi zi (transcription en pin yin), que le Dictionnaire Classique de la Langue Chinoise, de Couvreur (p 563), traduit par " Que le père remplisse ses devoirs de père, et le fils ses devoirs de fils " (15 mots !). En espéranto, Claude Piron a fort biel rendu ce proverbe par patro patru, filu fil' (patro= " père ", ; patri = " être père, agir en père "; u = terminaison du mode volitif indiquant un souhait ; filo ou fil' " fils "; fili " être, agir en fils "). Quatre mots, comme dans l'original : cette traduction colle bien plus au chinois que la longue périphrase française.
b) Une œuvre française est toujours traduite en anglais par un Anglais, en allemand par un Allemand, etc. Autrement dit, le traducteur connaît de façon parfaite la " langue d'arrivée "; en revanche la " langue de départ " est pour lui une langue acquise. On pourrait écrire un recueil des erreurs cocasses dont même un bon traducteur n'est pas à l'abri. En voici trois petits exemples.
- " Du jambon cru " a été traduit en anglais par "what was thought to be ham" (ce qui était cru être du jambon).
- " L'abbé était gras, car il aimait la bonne chère " a été traduit en anglais par "…for he loved the dear housemaid" (la chère bonne, la chère servante).
- " Il entra en soulevant la portière ", dans un roman de Paul Morand , a été rendu en anglais par une phrase signifiant " il entra en portant la concierge dans ses bras ". Le traducteur a cru que la portière était la femelle du portier !
- En revanche, une œuvre française est traduite en espéranto par un Français, une œuvre anglaise par un Anglais, etc. autrement dit, le traducteur connaît de façon parfaite la " langue de départ ", qui n'est pas pour lui une langue acquise, mais sa langue maternelle. Il est donc à l'abri de ce genre de contresens.
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La littérature originale.
- L'espéranto ne serait pas une vraie langue s'il ne possédait pas sa littérature originale. Un excellent panorama de la littérature originale en langue internationale se trouve dans le Que sais-je ? " l'Espéranto ", de Pierre Janton, ancien professeur d'anglais et d'espéranto à l'université de Clermont-Ferrand.
- Il serait cependant dommage de ne pas citer quelques noms.
- La poésie fut cultivée dès la fin du XIXème siècle avec plusieurs poètes polonais, russes, lituaniens. Mais c'est avec les Hongrois Kálmán KALOCSAY et Julio BAGHY qu'elle reçut vraiment ses lettres de noblesse. Il faut citer aussi Gaston WARINGHIEN (France), poète et linguiste. Après la guerre, la parution de l'épopée La Infana Raso, de William AULD (Ecosse) fut, dans le monde de l'espéranto, l'événement poétique majeur des années cinquante.
- Dans le domaine du roman, l'un des premiers fut Henri VALLIENNE (France), avec La Kastelo de Prelongo, où l'auteur tient le lecteur en haleine avec une imagination de feuilletoniste ; puis Julio BAGHY (Hongrie), romancier de la guerre et des camps de prisonniers, avec Viktimoj et Sur Sanga tero ; Sándor SZATHMARI (Hongrie), avec Vojago en Kazohinio, où un nouveau Gulliver découvre un pays inconnu, où un peuple pousse le rationnel à un degré inimaginable, tandis que l'autre est dans l'irrationnel total.
- Mentionnons encore un écrivain hongrois, Istvan NEMERE, très connu dans son pays pour ses romans en langue hongroise, qui a écrit également quatorze autres romans en langue internationale.
- Plus récemment, quelques chefs-d'œuvre du roman à la fois policier et psychologique sont dus à Johán VALANO (Suisse) et à Sergo ELGO (France).
- Il faudrait citer également le théâtre, la poésie érotique, les chansons. Y-a-t-il beaucoup de langues qui puissent s'enorgueillir d'un tel palmarès après seulement un siècle d'existence ?

Pour avoir une plus grande connaissance du catalogue de la littérature espéranto cliquer sur le lien:

 

Pourquoi l'espéranto est si mal connu?

1-l'espéranto ne dispose d'aucun soutien politique ou financier.

La publicité coûte évidemment beaucoup trop cher pour que les associations d'espérantistes puissent l'envisager sérieusement. Pour diffuser un produit, fût-il le meilleur du monde, il faut tout d'abord être riche. C'est désespérant, mais c'est ainsi. L'U.E.A. a un budget annuel d'environ 2 400 000 francs. Mais l'essentiel est affecté à la gestion et aux divers services offerts aux membres; il en reste peu pour l'information du grand public.
Quant aux États, ne comptons pas sur eux Tout État, du plus démocratique au plus totalitaire, cherche essentiellement à renforcer sa puissance. Et l'un des meilleurs moyens est de tout faire pour imposer sa langue. L'attitude des États-Unis depuis la fin de la guerre est tout à fait révélatrice à ce sujet.

D'ailleurs, l'espéranto a toujours été persécuté par les régimes autoritaires. Le régime hitlérien l'accusait d'être "la langue de la conspiration juive et des francs-maçons", tandis que Staline le considérait comme "la langue du cosmopolitisme bourgeois". L'espéranto était donc interdit et pourchassé par Hitler et par Staline. Ainsi que par Salazar et par Franco.

2- L'espéranto fait l'objet d'une désinformation sérieuse.
Le 6 octobre 1966, était déposée à l'ONU une pétition internationale en faveur de l'espéranto. Elle réunissait 920 954 signatures individuelles, dont 114 signatures de chefs d'État et membres de gouvernements. En plus, les signatures de 3843 organisations, représentant un total de 71 millions d'adhérents répartis dans 80 pays. Eh bien, que croyez-vous que fit l'ONU? C'est très simple: elle ne fit rien. Si: un vin d'honneur et un petit baratin poli. À côté de la volonté têtue d'un quarteron de dirigeants de la planète, les aspirations de 72 millions d'humains pèsent bien peu... Et combien de journaux, chaînes detélévision en ont parlé? Mais zéro, voyons. Ce n'était pas un scoop.
Car pour la plupart des directeurs de journaux et de chaînes de télévision, seul compte le scoop, comme ils disent dans leur patois. Ce qui est important, c'est le chiffre du tirage pour la presse écrite, l'Audimat pour la presse parlée. Rien d'autre. En juin 1995, sur Arte, une émission de Pierre Thivolet avait trait au problème des langues en Europe: elle a consisté en une heure de bavardages stériles, avec un détour d'un quart d'heure sur le catalan, et pas un mot sur le problème annoncé par le titre. Pas un! mot d'ordre: ne pas réveiller le téléspectateur.

 

 

 

(sujet en cours de rédaction)

 

 


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