UNIVERSITÉ NANCY 2


INSTITUT RÉGIONAL DU TRAVAIL


L’INSERTION SOCIALE DE JEUNES EN DIFFICULTÉ PSYCHIQUE

AU MOYEN DE L’ESPÉRANTO



MÉMOIRE

en vue de l’obtention du

DIPLÔME SUPÉRIEUR D’ÉTUDES SOCIALES

présenté et soutenu publiquement par

Claudie DEMONGEOT

le Lundi 29 septembre 2003 à 14h00

MEMBRES DU JURY


Monsieur Henri OLDACHE, Enseignant à l’IRT, Président

Monsieur Thierry CHOFFAT, Maître de Conférences à l’IRT

Monsieur Thierry SALADIN, Docteur en Médecine,
Directeur de l’Association Réinsertion et Espéranto de Montpellier

 

 

 

 

 

SUJET : L’INSERTION SOCIALE DE JEUNES EN DIFFICULTÉ
PSYCHIQUE AU MOYEN DE L’ESPÉRANTO




REMERCIEMENTS

À la mémoire de Monsieur Jean-Paul COLNOT qui m’a enseigné l’espéranto.
J’adresse tous mes remerciements :
- Aux adolescents du Centre de Soins des Glacis sans qui ce mémoire n’aurait
 jamais vu le jour,
- À l’Association Réinsertion et Espéranto de Montpellier,
- À l’Association Espéranto Nancy 54,
- Au Centre de Soins des Glacis,
- À tous ceux qui m’ont aidée et soutenue dans la réalisation de ce projet.

AVEC L’ESPOIR QUE CE TRAVAIL CONTRIBUERA AU DÉVELOPPEMENT DE L’ESPÉRANTO.


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PLAN

 

INTRODUCTION p.6
Première partie : L’INSERTION DES JEUNES EN DIFFICULTÉ DANS LA POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE : ÉTAT DES LIEUX

Chapitre 1 : L’INSERTION SOCIALE : DÉFINITIONS ET HISTORIQUE
Section 1 - Définitions de l’insertion p.10
Section 2 - Le rapport Schwartz de 1981 : préconisations,
résultats et limites p.11
Section 3 - Le rôle social et économique de l’école p.22

Chapitre 2 : LA CATÉGORIE « JEUNES »
Section 1 - Différents aspects p.25
Section 2 - Une autre approche de la notion de jeunes :
l’adolescence p.28

Chapitre 3 : LE CADRE JURIDIQUE DE PRISE EN CHARGE DE L’INSERTION
Section 1 - Les hôpitaux : principe de gestion et
organisation actuelle p.35
Section 2 - Le Centre Psychothérapique de Nancy et
le Centre de Soins des Glacis p.41

Deuxième partie : L’INSERTION SOCIALE AUX GLACIS

Chapitre 1 : L’ESPÉRANTO COMME MOYEN D’INSERTION PAR LE LANGAGE
Section 1 - Définitions et rôle du langage dans l’insertion p.52
Section 2 - L’espéranto : historique et action pédagogique p.57

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Chapitre 2 : DISPOSITIF PÉDAGOGIQUE D’INSERTION : L’ESPÉRANTO AU CENTRE DE SOINS DES GLACIS
Section 1 - Difficulté scolaire et marginalisation sociale p.72
Section 2 - La pédagogie aux Glacis : le jeune est un acteur p.75

Chapitre 3 : PERSPECTIVES
Section 1 - L’espéranto dans la mondialisation p.94
et dans la construction européenne
Section 2 - Notre projet p.95

CONCLUSION p.97

BIBLIOGRAPHIE p.99

ANNEXES p.102

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INTRODUCTION

Notre étude concernait au départ la présentation de l’espéranto comme moyen d’apprentissage en faveur d’un public en difficulté, accueilli au Centre de Soins des Glacis à Nancy. Cette formulation générale a été délimitée de la façon suivante :
Une première délimitation du sujet, de nature administrative, nous a obligé à rattacher notre travail à une discipline juridique appartenant au Diplôme d’Études Sociales,
Une deuxième délimitation concernait le moyen d’insertion à étudier dans un dispositif public, multiple, et en constante évolution. Dans notre étude, nous avons choisi la langue internationale espéranto comme outil pédagogique d’insertion sociale,
Enfin, une troisième délimitation du sujet nous a conduit à préciser le public concerné. Il s’agit d’un public de « jeunes », de jeunes dits « en difficulté psychique ».

Le public que nous étudierons ici se situe dans une tranche d’âge allant de 13 à 19 ans. À cet âge, il est théoriquement scolarisé, car il n’est pas encore en âge de travailler. La question de l’insertion professionnelle ne sera donc pas traitée ici. Nous nous limiterons à celle de l’insertion sociale et plus particulièrement à l’insertion
scolaire du public étudié, à savoir les jeunes hospitalisés en psychiatrie.

Ce public est en souffrance psychique. À Nancy, Il est pris en charge en milieu hospitalier spécialisé, au Centre de Soins pour Adolescents des Glacis.

Ce centre dépend du Centre Psychothérapique de Nancy (CPN) et accueille des adolescents présentant des pathologies de type psychose, névrose, phobie scolaire, dépression, troubles alimentaires… La plupart de ces jeunes sont en difficulté scolaire. Une des finalités de ce centre est de les rescolariser.


Le public retenu dans notre étude nous amène à considérer la catégorie sociale appelée « jeunes », comme des « adolescents ».

L’insertion est une question préoccupante. En attestent les très nombreux travaux réalisés depuis une vingtaine d’années en France sur ce thème. Au début des années 1980, la vie économique de ce pays connaît une situation de crise qui, par son ampleur et sa durée révélait que les jeunes étaient plus particulièrement victimes du chômage. L’objectif visé jusque là par les pouvoirs publics, à savoir l’insertion professionnelle est apparu alors comme un objectif insuffisant.

En effet, lorsqu’une personne, et pour ce qui nous intéresse, un jeune, a connu une longue période d’inactivité ou de recherche infructueuse d’emploi, elle perd peu à peu ses repères et les habitudes élémentaires de la vie quotidienne et n’est plus en phase avec la société. Cela rend l’insertion professionnelle très précaire. C’est pourquoi, comme nous le verrons dans ce mémoire, la question de l’insertion professionnelle est bien concomitante de l’insertion sociale de ce public.

À ce stade de notre présentation, il s’agit d’énoncer la problématique du sujet. Nous présenterons tout d’abord un état des lieux de la politique des pouvoirs publics menée en matière d’insertion avec ses résultats et son évaluation.

Nous avons choisi d’étudier la période allant de 1981 à 2003. Le choix de 1981 est symbolique. En effet, cette année-là fut marquée par l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement socialiste. Du point de vue social tous les espoirs étaient permis.

Sur le plan économique, le chômage, développé dans les années 1970, s’était transformé peu à peu. Au départ conjoncturel, il était devenu structurel de par sa durée et son ampleur, et il touchait principalement les jeunes.

Le gouvernement de l’époque commanda alors une étude à Monsieur le Professeur Bertrand Schwartz. Le rapport remis par celui-ci servit par la suite de référence dans ce domaine. Il concernait les jeunes de 16 à 18 ans. Fort logiquement, le gouvernement s’inspira de certaines des solutions préconisées pour mettre en place tout un dispositif institutionnel et juridique sous la forme de mesures nombreuses et variées.

Mais au cours des années 1990-2000, le développement du chômage en France fut tel que les pouvoirs publics furent amenés à multiplier les mesures pour répondre à cette question, à l’évidence prioritaire, l’insertion des jeunes dans la société. En effet, il ne s’agissait plus de se limiter à la seule tranche d’âge 16-18 ans, mais bien d’étendre le champ d’application de ces mesures à tous les jeunes, de 16 à 29 ans.

En mars 2001, le rapport de Dominique Charvet, « Jeunesse, le droit d’avenir » prit acte de la durabilité du phénomène et proposa à son tour des mesures d’insertion. Il reprenait certaines des mesures préconisées dans le rapport Schwartz et montrait surtout qu’il ne fallait plus voir les jeunes, catégorie par catégorie mais dans leur globalité, comme des individus à part entière.
Malgré cela, les pouvoirs publics semblent de nos jours persister dans l’attitude qui consiste à empiler mesures sur mesures selon l’âge des jeunes. Une telle méthode ne pourrait-elle pas être qualifiée de bureaucratique ?
Dans un second temps, notre exposé relatera une expérience différente et originale, menée au Centre de Soins pour Adolescents des Glacis, à Nancy. Il s’agit de l’enseignement de la langue internationale espéranto.
L’espéranto est une langue construite à partir d’un vocabulaire européen. En revanche sa structure ressemble à celles des langues non européennes.
En outre, l’espéranto est une langue facile à apprendre et est porteur de valeurs comme :
- L’universalité,
- La fraternité,
- Le pacifisme,
- L’égalité,
- L’amitié entre les peuples.

Autant de valeurs qui séduisent les jeunes.

En matière d’insertion, nous pouvons noter une première différence avec les solutions préconisées par les pouvoirs publics. Cet enseignement n’est pas un enseignement classique de formation initiale ou professionnelle. Il est spécialisé et présuppose l’adhésion de l’adolescent et de sa famille.
La deuxième différence consiste dans le fait que le jeune est au cœur du dispositif. Enfin, la pédagogie de l’espéranto est organisée de telle façon que le jeune soit acteur de son apprentissage.

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Les cours d’espéranto sont par certains aspects proches de l’enseignement scolaire classique. En effet, il faut aller en cours, apprendre ses leçons et faire ses devoirs. Mais ils s’en éloignent par d’autres aspects.

Les relations enseignant enseigné sont modifiées : l’adolescent ne subit pas la formation mais il se l’approprie. Ainsi, par la structure logique de la langue, il prend très vite plaisir à jouer avec elle en créant des mots et des phrases. Bien qu’il n’ait jamais vu, entendu ou lu ces mots, il s’aperçoit qu’il est capable de les inventer et qu’ils sont justes. Il joue avec la langue et elle ne lui impose aucun interdit. Il s’aperçoit qu’il peut également très vite correspondre par Internet avec des jeunes d’autres pays. Il acquiert ainsi confiance en lui.

Cette confiance retrouvée permet à l’adolescent de pouvoir reprendre une scolarité, une formation, et d’avoir envie d’apprendre, de faire des projets. Il acquiert ainsi une image positive de lui-même et la reconnaissance des autres, ce qui lui permet de mieux vivre au sein du groupe.

L’insertion des jeunes est un problème qui reste d’actualité du fait de la crise économique qui dure, le chômage qui se pérennise et l’échec scolaire très prégnant.

Sur le plan de la recherche, nous voulons montrer que l’insertion ne peut faire l’économie de l’insertion scolaire qui, si elle est bien menée ne peut qu’augmenter les chances du jeune de s’insérer professionnellement.

Notre mémoire se présente donc en deux parties.
La première partie aura pour thème « l’insertion des jeunes en difficulté dans la politique de santé publique : état des lieux ». Elle abordera les points suivants :
Chapitre 1 - l’insertion sociale : définitions, historique
Chapitre 2 - la catégorie « jeunes »
Chapitre 3 - le cadre juridique de prise en charge de l’insertion

La seconde partie portera sur « l’insertion au Centre de Soins des Glacis » et traitera de :
Chapitre 1 - l’espéranto comme moyen d’insertion par le langage
Chapitre 2 - le dispositif pédagogique d’insertion: l’espéranto aux Glacis
Chapitre 3 - les perspectives

 

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Première partie :

INSERTION DES JEUNES EN DIFFICULTÉ DANS LA POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE : ÉTAT DES LIEUX

Chapitre 1 - L’INSERTION SOCIALE : DÉFINITIONS ET HISTORIQUE

Section 1 - Définitions de l’insertion
Le Petit Larousse 2002 définit ainsi le terme « insérer » : « trouver sa place dans un ensemble, se situer. Trouver sa place dans un milieu : s’intégrer, s’introduire. L’insertion est le fait, la manière d’insérer, de s’insérer dans un groupe».

Selon Le Petit Robert édition 2001, « s’insérer » signifie « trouver sa place dans un ensemble », « réinsérer » signifie « insérer à nouveau, réintroduire, réadapter ». « L’intégration » est définie comme « l’opération par laquelle un individu ou un groupe s’incorpore à une collectivité, un milieu ».

Cette première définition générale montre que le terme d’insertion se trouve relié à celui d’intégration, et, quand celle-ci pose problème, elle soulève la question de la réinsertion.
D’après le Petit Robert édition 2001, « la réinsertion » est le « fait de réinsérer quelqu’un dans la société, dans un groupe ».

Gilles Vidon parle de « la notion d’insertion - adaptation réciproque qui pose le problème de l’intégration. Celle-ci sous-entend une notion de réciprocité de la part de la société d’accueil et de l’individu en processus d’insertion. C’est-à-dire que l’insertion ne saurait être superficielle mais doit s’enraciner dans des liens et des identités partagés par tous. C’est soulever le problème de l’appartenance à un moment où nos sociétés génèrent des phénomènes d’exclusion : exclusion professionnelle mais aussi exclusion sociale » (La réhabilitation psychosociale en psychiatrie, Éditions Frison Roche 1995 p.36).

Yves Poirier, représentant de l’État et du ministère de l’Emploi, définit « l’insertion par son contraire, c’est-à-dire par l’exclusion, par le fait d’être en dehors de quelque chose. Il faut amener les personnes concernées vers un intérieur. L’action des politiques est double, elle est préventive et curative. Elle doit également agir localement au niveau du territoire, par une mise en synergie des partenaires susceptibles d’apporter une réponse. Elle doit enfin revêtir un caractère individuel
» (Regards croisés
sur l’insertion, Le magazine du réseau des Greta de Lorraine n°4, info continue octobre - novembre 1991 p.6).

Ces deux exemples sont donnés pour montrer d’une part que la recherche en sciences sociales relie la question de l’insertion au phénomène de l’exclusion sociale, et d’autre part que les pouvoirs publics utilisent la notion d’exclusion pour définir une politique préventive et curative.

Les évaluations faites des résultats de cette politique préventive et curative sont souvent critiques à l’égard des pouvoirs publics :
«L'insertion des jeunes dans la vie professionnelle est très difficile, voire dramatique, conclut une étude du Centre d’Études et de Recherche sur les qualifications (CEREQ) auprès de 1600 jeunes sortis de l'école en 1986 - à un niveau inférieur au Bac - et suivis ensuite pendant 7 ans.
Un premier grief porté à ces dispositifs concerne le manque de personnalisation des dispositifs mis en place, le manque de médiateurs professionnels de l'emploi qui aident les jeunes à s’insérer ou à se réinsérer.

Un deuxième grief concerne les employeurs potentiels qui ne sont pas partie prenante, surtout les PME, et il n’existe pas de politique qui lie le nombre de stagiaires au nombre d'embauches. Car on sait que pour qu'un stage réussisse, il faut qu'il y ait une certaine proportion de stagiaires embauchés, sinon cela devient un stage bidon, qui ne mène à rien
». (Extrait de Info Flash N° 427, 3-18 avril 1995).

Section 2 - Le rapport Schwartz de 1981 : préconisations, résultats et limites
Les années 70 voient la dégradation de l’emploi en général et la montée du chômage chez les jeunes en particulier. Le système scolaire est perçu comme ne répondant pas ou peu aux besoins des entreprises.
Le Premier ministre, Pierre Mauroy, écrit dans sa lettre du 10 juin 1981, adressée à monsieur le Professeur Bertrand Schwartz :

« L’entrée des jeunes dans la vie active, après la fin de la scolarité, est devenue pour beaucoup d’entre eux une véritable course d’obstacles et une période d’incertitude et de déstabilisation. La crise économique et l’ampleur du chômage ne sont pas seuls responsables de cette situation. L’organisation actuelle du système éducatif, de la formation professionnelle et des services d’information, d’orientation et de placement, les dispositifs d’insertion professionnelle mise en place au cours des dernières années, ainsi que les aides au premier emploi ne procèdent pas d’une conception d’ensemble, mais de la juxtaposition de dispositions parfois contradictoires et souvent conjoncturelles…

Votre étude devra aboutir à un ensemble de propositions permettant d’établir une meilleure articulation de tous les services publics concernés, de telle sorte que les jeunes de cet âge ne soient jamais condamnés au chômage, ni à des emplois par trop précaires, qu’ils aient la possibilité d’acquérir la culture et la formation qui leur permettront de s’adapter aux changements à venir et qu’ils bénéficient des moyens d’orienter leur vie professionnelle vers les emplois qui correspondent le mieux à leurs goûts et à leurs capacités
» (Lettre du Premier ministre, l’insertion professionnelle et sociale des jeunes, rapport au Premier ministre, Bertrand Schwartz, la documentation française, 1981).

Pour Bertrand Schwartz, « la crise accroît non seulement les inégalités entre jeunes et adultes, mais aussi les inégalités des jeunes entre eux». Ceux qui sont les moins qualifiés sont exclus. Le sentiment de malaise, les tentatives de suicide chez les jeunes augmentent, avec des problèmes relevant de la justice (délinquance). Le rapport Schwartz souligne que « le nombre des emprisonnements a augmenté de 40% en 3 ans » (L’insertion professionnelle et sociale des jeunes, p.26).

La circulaire du 29 janvier 1975 du Premier ministre de l’époque stipule qu’il faut «utiliser cette période de ralentissement de la croissance pour améliorer la formation professionnelle des jeunes demandeurs d’emploi ».

À cette époque, l’insertion des jeunes s’était traduite par des mesures permettant une intégration professionnelle avec la mise en place des stages Granet, puis celle des trois pactes pour l’emploi entre 1977 et 1980.

L’ordonnance n°82-273 du 26 mars 1982 confirma les mesures du rapport Schwartz destinées à assurer aux jeunes de seize à dix-huit ans une qualification professionnelle et à faciliter leur insertion sociale :

« Article premier - La qualification professionnelle et l’insertion sociale des jeunes gens et jeunes filles de seize à dix-huit ans constituent une obligation nationale. L’État, les collectivités locales, les établissements publics, les établissements d’enseignement, les associations, les organisations professionnelles, syndicales et familiales ainsi que les entreprises y concourent par la mise en œuvre des actions ci-après :

1 Des actions d’accueil, d’information et d’orientation ayant pour objet, notamment, d’informer les jeunes sur les possibilités d’entrée en formation et de proposer à leur choix un processus d’insertion sociale et de qualification professionnelle ;

2 Des actions d’orientation approfondie ayant pour objet d’aider ceux des jeunes dont l’orientation présente des difficultés particulières à choisir les voies les plus appropriées pour leur permettre d’acquérir une qualification professionnelle et d’assurer ainsi leur insertion sociale ;

3 Des actions de formation alternée ayant pour objet l’acquisition d’une qualification, la préparation à un emploi et l’insertion sociale.

Article deuxième - Les actions définies à l’article premier s’adressent aux jeunes de seize à dix-huit ans qui, ne se trouvant pas en cours de scolarité, ne sont liés ni par un contrat d’apprentissage ni par un contrat de travail
».

Ces actions de formation devaient apporter des solutions aux jeunes.

A - Les solutions apportées par le rapport Schwartz

L’idée principale du rapport est la suivante : face au chômage structurel, Bertrand Schwartz propose de développer une action structurelle d'insertion professionnelle qui s'inscrit dans une démarche d'insertion sociale. La démarche d’insertion sociale pour ce qui nous concerne est de responsabiliser les jeunes et les considérer comme des citoyens à part entière.

Le rapport Schwartz contribue à la redéfinition globale des politiques sociales en cherchant à leur faire perdre leur caractère trop exclusivement « assistantiel » et en mettant en question les clivages traditionnels entre l'économique et le social. L’insertion professionnelle permet-elle l’insertion sociale des jeunes ? Il faut qualifier socialement et professionnellement les jeunes :

« Si pour certains privilégiés, l’insertion sociale se règlera d’elle-même aussitôt qu’ils auront un emploi, pour d’autres qui sont nombreux, il n’en est rien, et pour certains, même si on leur « trouvait » un emploi, rien ne serait résolu ». Pour ce faire, le rapport Schwartz propose de « garantir une qualification professionnelle et sociale pour tous les jeunes de 16/18 ans et de favoriser l’insertion professionnelle des jeunes de 18/21 ans » (L’insertion professionnelle et sociale des jeunes, p.33).

Bertrand Schwartz écrit qu’en matière d’insertion sociale, il faut « utiliser les capacités créatrices des jeunes et les préparer à une qualification sociale ». Pour ce faire, il est nécessaire « d’associer les jeunes à toutes les décisions qui concernent la société et agir sur la société dans son ensemble». Pour que cela fonctionne, il faut un investissement personnel du jeune, il faut qu’il réalise une action et qu’il se réalise lui-même afin de retrouver l’estime de soi. L’espéranto au Centre de Soins des Glacis y contribue.

« Il convient d’inventer de nouvelles modalités d’insertion dans une société qui n’est pas fixe et immuable, mais au contraire en voie de bouleversement et de restructuration… Il faut que d’une part, les adultes soient à l’écoute du comportement des jeunes, et d’autre part, qu’on donne à ces derniers les instruments individuels et collectifs nécessaires, au premier rang de ceux-ci, l’autonomie, la gestion d’eux-mêmes, de leur travail, de leur vie» (L’Insertion professionnelle et sociale des jeunes, p.30).

Les jeunes sont perçus ici comme acteurs de leur vie.

Cette nouvelle politique d’ouverture vers les jeunes est également une des finalités de l’espéranto aux Glacis.

Les jeunes en situation d’échec ou en difficulté scolaire sont ceux qui ont le plus de mal à acquérir une formation. Ils ont besoin d’aide et surtout de suivre un parcours le plus individualisé possible. Le jeune est perçu de manière globale et non plus uniquement d’un point de vue économique.

Nous nous proposons de reprendre cette idée et de la développer dans la deuxième partie du mémoire, qui constitue le cœur même de notre travail.

Bertrand Schwartz proposait de rechercher des solutions, non pas avec la création de nouvelles institutions, mais à travers une vaste mobilisation institutionnelle et sociale, et surtout une transformation des d'actions publiques.

Dans cette perspective, la mise en place des Missions Locales manifestait l'intention d’organiser une mobilisation au plus près des jeunes. C’était une démarche locale qui devait permettre à la fois d’instaurer un nouveau type de relations entre les jeunes et les institutions, et d’adopter une plus grande cohérence dans la recherche de réponses globales mieux adaptées à leur situation.

Le rapport Schwartz a donné naissance aux permanences d’accueil, d’information et d’orientation (PAIO) et aux missions locales. Devenues un
véritable choix politique, ces missions locales ont été fondées par l’ordonnance du 26 mars 1982 qui stipule :

« La qualification professionnelle et l'insertion sociale des jeunes gens et jeunes filles de seize à dix-huit ans constituent une obligation nationale. L'État, les collectivités locales, les établissements publics, les établissements d'enseignement, les associations, les organisations professionnelles, syndicales et familiales ainsi que les entreprises y concourent. Les Missions Locales ont pour objet d'aider les jeunes à résoudre l'ensemble des problèmes que pose leur insertion sociale et professionnelle
».

La circulaire du 9 avril 1982 précise le rôle dévolu aux missions locales : « Elles suivent les jeunes pendant leur période de formation ; elles les aident à construire un itinéraire d'insertion sociale et professionnelle et en assurent le suivi. Elles sont un relais entre le jeune et les organismes de formation. Elles se préoccupent de l'ensemble des problèmes d'insertion sociale qui se posent aux jeunes : vie quotidienne, logement, loisirs, santé… Elles recherchent, en relation notamment avec l'ANPE, les organismes de formation et les employeurs, des réponses inédites aux problèmes d'insertion, de formation et d'emploi qui se posent localement aux jeunes ».

« La loi du 19 décembre 1989 intègre les missions locales dans le Code du Travail et institue un Conseil National des Missions Locales auprès du Premier ministre. Aujourd'hui, on dénombre 365 missions locales et 226 permanences d’accueil, d’information et d’orientation (PAIO) réparties sur le territoire français. Juridiquement, elles répondent pour la majeure partie d'entre elles au statut d'association loi 1901. Elles sont cofinancées par l'État et les collectivités territoriales, avec une implantation géographique variable correspondant à une commune (pour les grandes agglomérations), à un ensemble de communes, un district, voire un arrondissement ».

Les missions locales souffrent de certaines difficultés, car l’information est trop générale et certains jeunes ne parviennent pas l’exploiter. Il faut les aider et leur expliquer. Il faut également agir au plus près des jeunes.

Ces structures manquent également de moyens budgétaires et humains dans un contexte de crise économique.

Comme l’insertion doit être globale et non pas uniquement professionnelle, il faut donc également travailler au niveau du logement, de la santé, des loisirs, de la justice, des médias… Il faut aider le jeune à être responsable et citoyen.

B - L’insertion après le rapport Schwartz

L’insertion professionnelle des jeunes représente une des priorités du gouvernement en matière d’emploi. En effet, le taux de chômage des jeunes est d’autant plus élevé qu’ils sont moins qualifiés.

À côté des structures déjà mentionnées, les pouvoirs publics décident de lancer une série importante de programmes et d’actions d’insertion, dont la première caractéristique est la multiplicité et la diversité des dispositifs. Nous rappelons ici quelques unes des mesures prises :

1 - 1985-1997 : l’intensification des politiques et le renforcement des dispositifs en alternance

* Le revenu minimum d’insertion (RMI) est versé sous condition de tentative d’insertion pour les plus de 25 ans. Cette politique d’insertion est définie dans la circulaire du 9 mars 1989. Trois types d’insertion sont prévus :
L’insertion sociale vise à motiver les personnes les plus marginalisées en les alphabétisant, en les encadrant et en leur donnant des conseils pour les démarches juridiques.
L’insertion professionnelle s’adresse aux personnes qui doivent être requalifiées par des stages avant de reprendre une activité.
L’insertion économique concerne les personnes qui sont immédiatement insérables sur le marché de l’emploi. Elles peuvent occuper un emploi d’intérêt général.

* Les fonds d’aides aux jeunes sont créés en 1989 et généralisés par la loi RMI de 1992.

* La préparation active à la qualification et à l’emploi (programme PAQUE) est créée en 1992 pour deux ans et concerne les jeunes de 16 à 25 ans sans emploi, ne maîtrisant pas les savoirs de base, et rencontrant des difficultés d’intégration sociale.
Des incitations financières en direction des entreprises sont instaurées en échange de l’embauche de jeunes.

* Le dispositif Défi jeune est créé en 1987.

* Le contrat Emploi solidarité ou CES est créé en 1989.

* Le contrat Emploi consolidé ou CEC est créé en 1993.

* L’aide au premier emploi des jeunes ou APEJ a été créée en 1994.

* Le contrat initiative emploi ou CIE est créé en 1995.

* L’allocation de remplacement pour l’emploi ou ARPE a été créée en 1995.

* Le crédit de formation individualisé ou CFI
Le CFI est créé en septembre 1989 : il permet à tout jeune demandeur d’emploi sans qualification d’accéder à une qualification reconnue de niveau 5 comme le CAP. Grâce au CFI, 57% des jeunes ont trouvé un emploi.

* Le contrat de qualification est créé en 1991.

* Le programme « nouveaux services-nouveaux emplois »
Il s’agit des Emplois-Jeunes créés en 1997.
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
2 - Le Plan contre l’exclusion (1998-2001)
Le programme « nouveau départ » vise à proposer des emplois à tous les jeunes avant qu’ils n’atteignent 6 mois de chômage.
En matière d’emploi 25 000 contrats de qualification sont créés pour les plus de 25 ans, au chômage depuis plus de 6 mois. 60 000 jeunes en difficulté bénéficieront chaque année du programme TRACE créé en 1998. 40 000 contrats de qualification et 20 000 contrats d’orientation supplémentaires en 3 ans seront consacrés aux jeunes en difficulté. 20% des Emplois-Jeunes seront réservés aux habitants des quartiers sensibles, 70 000 contrats emplois consolidés (CEC) seront pris en charge à 80% par l’État pendant 5 ans, pour les personnes les plus en difficulté.
D’autres mesures s’ajoutent au volet emploi, ce sont :
En matière de logement :
- une meilleure prévention en ce qui concerne les expulsions, les coupures d’eau et d’électricité,
- une réforme de l’attribution des logements sociaux.
En matière d’éducation :
- les zones d’éducation prioritaires vont être plus nombreuses.
En matière de surendettement :
- Les commissions de surendettement de la Banque de France pourront décider d’effacer les dettes de certaines personnes considérées comme insolvables.
En matière d’assurance maladie et de sécurité sociale :
- La couverture maladie universelle (CMU) est créée. Dès 16 ans, l’accès possible à la Sécurité sociale sera ouvert à toutes les personnes et aux familles qui ne relèvent d’aucun régime professionnel. Les personnes les plus démunies seront exonérées du forfait hospitalier et de certaines dépenses spécifiques (soins dentaires, lunetterie) et bénéficieront d’un meilleur accès aux soins (prévention, centre d’accueil de jour…).
3 - Situation actuelle : en 2003
- Le plan d’aide au retour à l’emploi ou PARE a été mis en place.
- La convention UNEDIC a été signée en octobre 2000 et elle fait coïncider les offres et les demandes en matière d’emplois.
- À la suite de la loi du 17 janvier 2002 sur la validation des acquis et de l’expérience, il est possible désormais de faire reconnaître son expérience personnelle en vue d’une formation et/ou d’un changement de travail.
- Le contrat d’insertion dans la vie sociale (CIVIS) concerne les jeunes entre 18 et 25 ans qui possèdent au plus le baccalauréat et qui ont des projets dans les domaines du social ou de l’humanitaire. 25000 contrats seront signés d’ici 2004 et ce, pour une durée de trois ans. À terme, le CIVIS remplacera « le Contrat emploi jeune » et intégrera le programme TRACE pour ce qui concerne les jeunes en difficulté.
Cet empilement de mesures et de structures appelle des remarques sur une stratégie des pouvoirs publics qui a fait l’objet de plusieurs études sur le fonctionnement de l’administration française.
Toutes ces mesures qui ont pour but d’insérer et de réduire le chômage des jeunes ne semblent conduire qu’à la précarisation des jeunes et au développement du travail précaire. Sans cesse de nouvelles formations sont créées pour en remplacer d’autres.
Or, les problèmes demeurent. Le dispositif de formation et d’insertion professionnelle des jeunes présente, en dépit de ses réorientations successives, une efficacité limitée.
- Le rapport Charvet remis en mars 2001 souligne que : « nombre des attitudes et des comportements des jeunes que l’on serait tenté d’imputer à leur âge - l’instabilité, la réversibilité de leurs parcours, leur difficile construction d’identité n’ont rien de « naturels. »
En effet, ils sont le produit à la fois des mouvements de la société, d’arbitrages collectifs qui ont été faits entre générations et entre catégories sociales, de plus ces attitudes et ces comportements existent aussi chez des « adultes » (…) affectés aussi d’une mobilité croissante et de questions identitaires.
Dès lors, peut-on définir la jeunesse comme l’émergence d’un nouvel âge de la vie ? Ne convient-il pas plutôt de reconnaître que la période de la jeunesse révèle les transformations profondes d’une société en mutation ? Les problèmes de jeunesse ne sont plus des questions en soi, ils renvoient
largement à la capacité d’une société à se projeter dans l’avenir, à formuler un projet collectif qui permette à chacun de disposer d’un cadre commun ».

« L’enjeu majeur de la société de la connaissance dans laquelle nous sommes entrés redevient l’éducation qui doit être pensée autour de la perspective de l’éducation et de la formation tout au long de la vie.
C’est autour de cet enjeu que le rapport propose d’organiser le passage de l’école à l’emploi autour d’un droit à l’éducation mieux affirmé adossé à un droit pour tout jeune à l’expérience professionnelle :
- La jeunesse doit être considérée comme un investissement collectif dans l’avenir et non comme une charge, comme des problèmes à gérer. Dès lors, il convient de s’interroger sur la nature des arbitrages intergénérationnels qui sont nécessaires dans l’affectation des ressources publiques
- L ‘efficacité des interventions en direction des jeunes en difficulté suppose d’engager des réformes qui concernent l ‘ensemble des jeunes, tant en ce qui concerne le système éducatif lui-même, que la politique d’insertion professionnelle et d’accès à l’emploi et la politique familiale » (À propos du rapport de Dominique Charvet, Jeunesse, le droit d’avenir mars 2001, Un autre regard sur la jeunesse, Pierre-Jean Andrieu, Sauvegarde de l’enfance, vol 57 n°3, Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS, 2002, p.120 et 121).

Une étude réalisée en 1994 au sein de l’École Nationale d’Administration
montre, par exemple, que : « la mise en place du CFI en 1989, son recentrage sur l’emploi en 1991, puis le lancement du PAQUE en 1992,
ont profondément renouvelé le dispositif de formation professionnelle des jeunes. Il s’agit de le moderniser et de l’utiliser comme un instrument de lutte contre l’exclusion des jeunes sans qualification.
En dépit de ces transformations successives, les résultats en termes de qualification et d’emploi se sont avérés décevants. Aussi, le dispositif de formation et d’insertion professionnelle des jeunes se réoriente vers une logique d’individualisation de la relation avec les jeunes, du parcours et de la formation » (mémoire de recherche « politiques de lutte contre le chômage et l’exclusion et mutations de l’action sociale », recherche et documentation, Documentation française, École Nationale d’Administration, Promotion Saint-Exupéry, 1994, p.136 et 137).
Individualiser au maximum les formations peut sans doute aider les jeunes mais ne faudrait-il pas également assouplir la bureaucratie française ?
D’autres études, notamment en sociologie des organisations, avec ce que l’on appelle l’école de Michel Crozier ont donné une connaissance sur le fonctionnement objectif de l’Administration saisie comme une organisation : « quels que puissent être ses traits particuliers, le défaut principal d’un système d’organisation bureaucratique reste toujours, en effet, son manque de souplesse et la difficulté qu’il éprouve à s’adapter à un environnement en continuelle transformation » (Le phénomène bureaucratique, M. Crozier, Éditions points, 1971, p.273).
Un membre de cette école, Ehrard Friedberg, analyse les caractéristiques organisationnelles de la bureaucratie à la française. Ce sont « le règne de la règle impersonnelle, la centralisation du pouvoir de décision et la stratification des individus en groupes homogènes et cloisonnés entre eux» ( l’analyse sociologique des organisations, E. Friedberg, revue Pour, n°28, Édition Privat, 1988, p.77 et 78).
La lourdeur de notre système bureaucratique montre qu’il est difficile de s’adapter rapidement et explique les nombreuses mesures mises en place en faveur des jeunes mais qui ont apporté peu de solutions jusqu’à ce jour.
Nous constatons, pour notre part, qu’il existe une similitude entre le rapport Schwartz de 1981 et le rapport Charvet de 2001.
Cette similitude peut s’expliquer par le fait que l’Administration opte toujours pour une identification du public à traiter sous la forme catégories
sociales à classer, avant d’imaginer des mesures pour chacune d’entre elles. La catégorie « jeunes » est découpée en tranches d’âges qui vont désormais de 16 ans à 29 ans.
Le caractère durable du chômage avec des crises économiques de plus en plus fréquentes oblige les pouvoirs publics à développer continuellement cette stratégie, pour aboutir parfois à un « véritable maquis institutionnel et juridique », qui nécessitera à son tour une nouvelle réforme du dispositif pour plus de lisibilité et d’efficacité. Et cette réforme appellera à son tour un nouveau train de mesures pour former en définitive une véritable « bureaucratie » de l’insertion socioprofessionnelle.
Les jeunes doivent être perçus dans leur globalité et non pas en terme de difficultés, quelles qu’elles soient. Envisager leur situation de façon positive permettra de trouver des solutions pour faire avancer la société. Pourtant ce qui est mis en place en faveur des jeunes est très éloigné de leurs demandes, de leurs besoins et de leurs possibilités. Il est nécessaire qu’ils soient acteurs de leur avenir.
Plutôt que de réfléchir pour eux, ne serait-il pas préférable de réfléchir avec eux ?
L’insertion socioprofessionnelle est très liée à l’école et à la formation. Qu’en est-il de l’école et des solutions qu’elle préconise pour y répondre ?


Section 3 – Le rôle social et économique de l’école
Jusque dans les années 1970, l’école était synonyme d’obtention d’un diplôme qui débouchait sur un travail. C’était l’époque des trente glorieuses avec le marché du plein emploi. Le ralentissement de la croissance à partir de 1974 implique la baisse des emplois pour les nouveaux entrants et il s’avère, comme le remarque Philippe Frémeaux, que « les jeunes qui sortent sans diplôme ont de plus en plus de mal à s’insérer, parce que les emplois auxquels ils peuvent prétendre sont occupés par des personnes mieux diplômées qui n’ont pas trouvé de poste correspondant à leur niveau de qualification » ( L’école malade du chômage, dossier préparé par P. Frémeaux avec la collaboration de L. Maurin et G. Vindt, Alternatives économiques n°168, mars1999, p.25).
La crise économique a permis le passage d’un modèle taylorien produisant en grande série des biens standardisés, avec beaucoup de main d’œuvre peu qualifiée, vers une économie produisant des biens et des services toujours plus diversifiés, mais qui nécessite une main-d’œuvre hautement qualifiée et adaptable.
« Puisque l’enjeu est de s’adapter aux nouvelles technologies, il faut, pour
réduire le chômage, élever la qualité de la main-d’œuvre. Telle va être la nouvelle mission de l’école avec le mot d’ordre des 80 % au niveau bac, lancé par Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’Éducation nationale » (L’école malade du chômage, p.25).
Les filières techniques ont été développées, grâce notamment à la création du bac professionnel, de manière à élever le niveau général des anciennes filières CAP-BEP.
« Or, face à ces nouveaux publics, les lycées d’enseignement général ont continué, à quelques inflexions pédagogiques près, à fonctionner comme avant, lorsqu’ils accueillaient pour l’essentiel des enfants issus de milieux favorisés. Aujourd’hui encore, la pédagogie et les modes d’encadrement s’inscrivent dans la tradition académique ; la culture enseignée demeure plus facilement assimilable par les jeunes issus d’un milieu aisé. Une situation qui devient critique quand une partie des élèves, parce que leurs parents ou leurs grands frères sont au chômage ou parce qu’ils vivent dans un univers marqué par la violence et la débrouille, ne croient plus que l’école puisse leur apporter quoi que ce soit » (L’école malade du chômage, p.26).
Une étude parue dans une revue spécialisée montre que : « désormais, 70% d’une classe d’âge arrivent au bac, contre 34% en 1980 : un doublement en quinze ans. Et 63% l’obtiennent contre 26% en 1980. Chaque année, un peu plus de 700 000 jeunes sortent d’une formation initiale. Sur ce total, 273 000 ont une formation de type enseignement supérieur, 203 000 de niveau bac (avec ou sans le diplôme), 172 000 de niveau CAP/BEP, 53 000, enfin, n’ont pas atteint ces différents niveaux de formation. Compte tenu des candidats qui échouent aux examens, environ 100 000 jeunes quittent l’école sans diplôme (contre 200 000 en 1980) » (Une insertion professionnelle à deux vitesses, Denis Clerc, Alternatives Économiques n°160, juin 1998, p.42).
« Le chômage des jeunes non diplômés est dû au trop faible nombre d’emplois créés et non à une insuffisance quantitative du nombre d’emplois non qualifiés. La meilleure façon de lutter contre le chômage de ces jeunes est de créer davantage d’emplois qualifiés » (Une insertion professionnelle à deux vitesses, p.44).
Le tableau « l’école malade du chômage » joint en annexe, p.103, montre que le taux de chômage est plus important lorsque la qualification est moindre. Toutes ces données ont amené le gouvernement à chercher des solutions en faveur de la formation et de l’emploi des jeunes.
Les mesures suivantes proposées en matière d’éducation par les pouvoirs publics se caractérisent par leur multiplicité.
a - L’action éducative périscolaire (AEPS)
Ce dispositif mis en place en 1982 concernait à ses débuts les élèves étrangers du cours moyen. Désormais régi par la circulaire du 10 mai 1990, il s’adresse aux enfants des milieux défavorisés. Il s’applique en particulier dans les zones d’éducation prioritaires (ZEP) en permettant aux élèves de diversifier leurs centres d’intérêt et de développer leurs capacités d’expression et de communication. Il est financé par le Fonds d’Action Sociale (FAS) et a concerné près de 40 000 élèves en 1996/1997 du cycle primaire soit 2609 actions pour un montant de 4.88 M€.
b - La charte de l’accompagnement scolaire
Elle est signée en 1992 entre le ministère de l’Éducation Nationale, le ministère des Affaires Sociales, le secrétariat à la Ville, et des Associations et Organismes. Son but est de contribuer à développer et faire connaître les actions d’accompagnement scolaire et ce, au travers d’actions éducatives périscolaires, les réseaux solidarité - école, et les contrats locaux d’accompagnement scolaire.
c - Le réseau solidarité - école (RSE)
Il a été mis en place en 1992 pour les élèves de 4ème et de 3ème des collèges et des lycées professionnels. « L’objectif est de prévenir les « décrochages » qui se produisent souvent au collège en apportant une aide méthodologique et/ou un accompagnement éducatif dans une ou plusieurs disciplines (français, mathématiques, langues vivantes), en mobilisant un réseau de personnes ressources compétentes : parents, retraités, étudiants, enseignants, responsables associatif ».
Ce dispositif est financé par la direction de la Population, et des Migrations (DPM), la Direction de l’Action sociale (DAS) et le FAS. En 1996-1997, 450 actions ont concerné près de 8000 jeunes pour un montant de 1.30M€.
d - Le contrat local d’accompagnement scolaire (CLAS)
Il concerne les enfants et les jeunes de l’école primaire au lycée professionnel résidents des zones urbaines sensibles. Mis en place en 1996, les crédits se sont élevés en 1997 à 5.79M€ (3.05M€ financés par la Caisse Nationale d’Allocations Familiales et 2.74M€ par le Fonds d’Action Sociale).
e - D’autres mesures
Le jeune peut être accueilli au collège, de la 6ème à la 3ème et au lycée de la 2nde à la terminale, au lycée d’enseignement professionnel (LEP), mais aussi en section d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA), en 4ème d’aide et de soutien et en 3ème technologique. Des stages de découverte sont désormais proposés en 4ème et en 3ème.
Des zones d’éducation prioritaire (ZEP) ont été créées en juillet 1981. À l’origine au nombre de 363, elles étaient 558 en 1999. En juin 1998, les réseaux d’éducation prioritaire (REP) voient le jour. Dans ces réseaux, certains avantages des ZEP sont maintenus (crédits pédagogiques, heures de cours supplémentaires), mais les primes destinées aux enseignants sont supprimées.f - Dispositif en faveur des personnes handicapées
La loi d’orientation du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées définit, dans son article 4, un droit pour les enfants et adolescents handicapés à être scolarisés en milieu ordinaire. La loi d’orientation du 10 juillet 1989 réaffirme l’objectif d’intégration. Il existe :
- Les classes d’intégration scolaire (CLIS) créées par une circulaire de 1991 dans les écoles primaires.
- Les unités pédagogiques d’intégration (UPI) dans les collèges depuis la circulaire en 1995.
L’orientation des enfants et adolescents handicapés est étudiée par les commissions d’éducation spéciale et les commissions de circonscription de l’Éducation Nationale qui sont la commission de circonscription pré-élémentaire et élémentaire (CCPE) et la commission de circonscription pour le second degré (CCSD).
Les élèves peuvent être également suivis par le service d’assistance pédagogique à domicile ( SEPAD).
Si les personnes handicapées ne peuvent être accueillies dans les établissements de type classique, elles peuvent être prises en charge en :
institut de rééducation (IR), en institut médico-pédagogique (IMP), en institut médico-professionnel (IMPRO), ou en établissement régional d’enseignement adapté (EREA) pour les enfants, et en maison d’accueil spécialisée (MAS), en foyer occupationnel, en centre d’aide par le travail (CAT) ou en Atelier Protégé pour les adultes.
La commission d’orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) examine le dossier des personnes âgées d’au moins 20 ans et permet l’obtention de l’allocation pour handicapé adulte et la reconnaissance du statut de travailleur handicapé.


Chapitre 2 - LA CATÉGORIE « JEUNES »
Le public concerné dans notre étude sera appréhendé à partir des notions de jeunes et de la notion d’adolescence. En effet, le public accueilli dans l’établissement étudié répond à la définition de jeunes et d’adolescents d’après la présentation suivante :

Section 1- Différents aspects
La catégorie « jeunes » recouvre des définitions bien différentes.
B. Schwartz étudie les jeunes au travers de ce qui les unit. F. Labadie les perçoit comme une classe d’âge. P. J Andrieu étudie la familialisation accrue de leur prise en charge. O. Galland les classe selon des stades et I. Amrouni se préoccupe des jeunes scolarisés.
Pour B. Schwartz, « les jeunes représentent tout, sauf un ensemble homogène. Selon leur classe sociale, selon qu’ils sont garçons ou filles, selon le lieu où ils habitent, leurs problèmes sont différents ou plus ou moins graves. Et, cependant, les jeunes sont unis dans un certain nombre de comportements et d’idées. Ce qui les unit, c’est leur exclusion de la société.
Ce qui les unit, c’est leur désespérance devant l’absence de perspectives. Cette unité est suffisante pour relever d’une réflexion où les jeunes soient pris comme une totalité définie par leur classe d’âge et cela parce que la crise atténue pour eux, au moins en partie, les différences entre classes sociales favorisées et défavorisées.
Leurs positions par rapport aux possibilités d’insertion professionnelle et sociale, se rapprochent de plus en plus, en prenant la forme identique du chômage, de l’emploi précaire ou déqualifié » (L’insertion professionnelle et sociale des jeunes p.21).
Auparavant les jeunes travaillaient plus tôt : est-ce à dire qu’ils étaient déjà adultes ? Au départ les mesures d’insertion concernaient les 16-18 ans, puis les 18-25 ans, et même au-delà avec les « Nouveaux services-emplois jeunes » créés en 1997. Les jeunes sont scolarisés de plus en plus longtemps. L’idée est d’amener 80% d’une classe d’âge au bac.
Qui dit baccalauréat dit études supérieures d’où l’idée de poursuivre des études, ce qui permettra d’arriver sur le marché du travail plus qualifié et de trouver du travail.
Le jeune dans cette situation est dépendant financièrement de sa famille. Actuellement, avoir 18 ans ne semble rien signifier d’autre que l’atteinte de la majorité civique. Cela ne marque pas le passage entre l’adolescence et l’âge adulte.
Pour Francine Labadie « les jeunes sont communément les 16-25 ans, mais aussi des individus majeurs civiquement et pénalement à 18 ans, les moins de 25 ans qui n’ont pas accès au RMI, ou encore les enfants à la charge de leurs parents jusqu’à 20 ans au sens de la législation familiale.
En 1975, 25% des 16-25 ans relevaient, à un titre ou à un autre, d’interventions publiques. Ils sont désormais 75% à se retrouver dans cette situation, soit qu’ils poursuivent leurs études, soit qu’ils relèvent des dispositifs de la politique de la jeunesse » (L’évolution de la catégorie jeune dans l’action publique depuis 25 ans, Recherches et Prévisions Jeunes adultes, Allocations familiales/ CNAF n°65, septembre 2001, p.19).
Pour Pierre-Jean Andrieu « le resserrement des conditions d’indemnisation du chômage a contribué à renvoyer une fraction croissante des jeunes à la charge de leur famille, ce dont prend acte la loi famille de 1994 en étendant à tous les jeunes le versement des prestations familiales jusqu’à 20 ans (ou 21 ans).
La familialisation accrue de leur prise en charge conduit à une vision des jeunes comme des « grands enfants », une vision de la jeunesse comme un ensemble de problèmes à traiter…, une vision plutôt négative de la jeunesse. Si l’on adopte cette représentation de la jeunesse, on est amené à souligner que les problèmes de jeunesse ne sont plus des questions en soi, qu’ils renvoient largement à la capacité d’une société à se projeter dans l’avenir, à formuler un projet collectif qui permette à chacun de disposer d’un cadre commun.
Dans les années 1980, Pierre Bourdieu soulignait que parler du problème de la jeunesse c’était parler de la capacité d’une société à assumer la question de la succession des générations » (Jeunesse, le droit d’avenir, mars 2001).
Olivier Galland distingue cinq phases chez les jeunes « l’adolescence lycéenne, la jeunesse étudiante, les jeunes précaires chez les parents, les jeunes actifs vivant seuls et les jeunes actifs en couple » (Les jeunes adultes comme objet théorique, Recherches et Prévisions Jeunes adultes, Allocations familiales / CNAF n°65 septembre 2001, p.9 ).
Isabelle Amrouni écrit que « l’éducation vise « les jeunes scolarisés » et parmi eux, selon les objectifs, des sous catégories comme les jeunes issus de familles modestes pour le versement des bourses universitaires sur critères sociaux. Les politiques d’insertion visent « les jeunes actifs non occupés » et, parmi eux, elles différencient des cibles particulières en privilégiant des critères d’âge de niveau de qualification et d’activité » (La difficile définition de la catégorie « jeunes » : illustration avec les dispositifs publics en faveur des jeunes, Les politiques sociales catégorielles sous la direction de P. Méhaut et P. Mossé , Paris, Édition L’Harmattan, 1996, tome1).

Section 2 – Une autre approche de la notion de jeunes : l’adolescence
1 – Description
A – Approche sociologique
L’adolescence est la période entre le monde de l’enfance et celui de l’adulte. L’adolescent n’est plus un enfant, il se détache de son enfance mais il n’est pas encore un adulte. Il recherche un statut stable, hésite, et est amené à faire des choix professionnels et de vie. Étymologiquement, le terme « adolescence » signifie grandir, évoluer. L’adolescence varie selon les époques, les cultures et les milieux sociaux.
a - Aspect culturel
Historiquement, jusqu’au 19ème siècle, la famille était de type patriarcal avec la transmission des biens et des traditions. Les valeurs étaient celles du passé. Les enfants travaillaient jeunes, ils n’avaient pas d ‘adolescence.
Aujourd’hui, la famille se compose du couple et des enfants. Une grande attention est accordée à l’éducation. Elle est symbolisée par plus de divorces, moins de mariages et davantage de mobilité qu’autrefois. L’enfant, l’adolescent n’a plus à travailler pour aider sa famille à vivre.
b - Aspect social
Les adolescents forment un groupe social avec son langage, ses valeurs, ses codes. Le jeune, même s’il ne se sent pas bien dans le groupe y reste, car il s’y reconnaît. Il se révolte. Il dépend du leader, c’est lui sa référence. La bande est un refuge contre l’angoisse. C’est le « nous » de la bande qui lui donne le sentiment d’une identité sociale.
B – Approche économique
Le modèle actuel de notre société, est celui d’une "société de consommation ". Au travers de la publicité, la sollicitation vers le consommateur est incessante. Il lui est enseigné de tout avoir, tout de suite. La notion « d’enfant roi » chemine. L’enfant a tout pour réussir. L’adolescence d’un point de vue économique est un marché rapportant beaucoup d’argent.
N’y a-t-il pas le style ado, la revue ado, la télé ado ? En outre, cette période se prolonge du fait d’études de plus en plus longues, d’un travail que l’on ne trouve pas tout de suite mais également parce que les parents parfois se conduisent eux-mêmes en « adulescents » c’est-à-dire comme des adolescents aussi bien physiquement en adoptant le style ado que psychologiquement.
Ceci rend difficile l’identification de l’adolescent, quand personne ne lui fixe de repère, de limite. Cela est d’autant plus difficile que parfois les parents sont au chômage, ne se lèvent pas le matin. Pourquoi l’adolescent devrait-il se lever pour aller à l’école, à quoi cela sert-il ? Quel est son avenir ?
Avant, il n’y avait pas de problèmes pour trouver du travail. Depuis 1973, il y a moins de travail et davantage de stages, de formations et de « petits boulots ». L’adolescence dure entre 10 et 20 ans. L’adolescent n’existe que dans un contexte social défini avec une dépendance psychologique et économico-sociale longue. Cependant, l’ado fait partie du changement dans la famille et dans la société. De par son questionnement, il fait avancer la société.
L’adolescent vit dans sa famille plus longtemps. Quand l’adolescent sera t-il adulte? L’enfant est passif, dépendant, asexué. L’adulte, lui, est actif, indépendant et sexué. L’adolescent est tantôt l’un, tantôt l’autre. L’adolescence n’est pas seulement la période des transformations physiques, elle est aussi celle des transformations psychologiques. Dans sa tête, il se produit une véritable révolution.
Stanislas Tomkiewicz, écrit : « dans nos sociétés complexes, la néoténie dure d’autant plus longtemps que vous êtes riche et de bonne famille, et ce laps de temps plus long permet une évolution plus raffinée des capacités cognitives.
C’est ainsi un excellent moyen de maintenir les différences sociales et de sauvegarder les privilèges des couches possédantes, bien que les titres héréditaires aient été abolis à la révolution française » (Prévenir adolescence , deuxième semestre 1992 /23, Coopérative d’édition de la vie mutualiste, 1993, p.14).
Les enfants de familles riches auront un meilleur emploi que les jeunes issus de familles pauvres qui, eux, doivent travailler rapidement. Cela signifie t-il que des études plus longues permettent une meilleure situation professionnelle ?
Pour Odile Naudin « dans le cadre actuel, les meilleurs résultats signifient souvent la meilleure intégration possible dans le monde professionnel, donc d’abord dans le système éducatif. Les inquiétudes et exigences des familles portent donc en premier, ce n’est pas nouveau, sur l’école. Belle perpétuation de la séparation entre le corps et l’esprit…
Pas tout à fait, car lors d’une maladie ou plus simplement quelques malaises corporels, ce mal-être adolescent (qui n’est pas toujours reconnu comme tel) se manifeste et trouble ce sacro-saint cursus scolaire, l’inquiétude portée au corps, ou également apportée par le corps, vient en première ligne » ( Prévenir adolescence, p.36).
C – Approche physiologique
1 - La pré-puberté.
Elle débute environ à 10 ans. Les pulsions sexuelles sont assez faibles mais le développement du Moi est fort.
2 - La puberté
Les transformations physiques progressives interpellent beaucoup l’adolescent ; c’est comme s’il devenait étranger à lui-même.
Chez le garçon, entre 11 et 16 ans :
Il est constaté, entre autres, le développement de la pilosité, l’élargissement des épaules, une croissance importante, les premières éjaculations et la présence d’acné.
Chez la fille, entre 10 et 15 ans :
C’est l’arrivée des premières règles, du développement mammaire et de l’acné. Aujourd’hui, la puberté commence plus tôt à cause de l’alimentation. L’acné est source de problèmes car il fait partie de l’image que l’on présente à l’autre, une image qui pour l’adolescente est négative.
3 - La crise d’originalité juvénile
Elle est fréquente mais pas générale. Elle est contemporaine de la puberté avec un désir d’originalité, de singularité avec horreur de la banalité et une propension à faire de soi quelqu’un d’exceptionnel, d’unique. Le début peut être rattaché à un événement affectif (chagrin d’amour), un changement dans l’existence, une ambition déçue. Elle éclate soudainement et avec violence. Elle présente deux faces qui sont d’une part, individuelle et d’autre part, sociale.
La face individuelle se traduit par l’affirmation de soi, la contemplation et la découverte du Moi qui ressemble à la découverte du corps chez le bébé. Le goût de la solitude, du secret, des excentricités dans les vêtements et dans le comportement ou dans le langage, avec un discours moralisateur et la passion de vouloir tout réformer, de refaire le monde sont présents. Il y a le désir d’être original.
En ce qui concerne la face sociale, l’adolescent éprouve de la révolte à l’égard des adultes, des systèmes de valeurs et des idées reçues ; il ne supporte plus rien. Cela s’étend à tout ce qui peut gêner l’affirmation de soi. La révolte de l’adolescent n’a pas le même sens ni le même retentissement selon que le milieu est informé ou pas. Reconnaître cette crise permet de comprendre et de respecter le mode de fonctionnement, les idéaux, et de prendre l’adolescent au sérieux.
D’après Debesse, qui a décrit cette crise, l’adolescent entre 14 et 16 ans, a besoin d’étonner. À 16-17 ans, l’affirmation de soi est intense. Dès 18 ans, l’adolescent se détend, prend du recul et porte un langage plus nuancé sur lui-même. Il commence à parler de lui aux autres, aux personnes étrangères. Il ne se compare plus à un tout, mystérieux et apprécie une certaine tranquillité. Tout cela est lié aux poussées hormonales.

2 – Problèmes rencontrés à l’adolescence : maladie mentale ou troubles mentaux
La maladie peut émerger à l’adolescence car c’est une période cruciale de fragilité pour tout individu. Cela se manifeste en premier lieu par des troubles apparaissant parfois brutalement, sans raisons apparentes, parfois à la suite d’un traumatisme qui ne représente pas la cause mais le facteur déclenchant des troubles. L’hospitalisation et un traitement adapté sont indispensables en période de crise.
Ces maladies sont chroniques et présentent des épisodes plus ou moins aigus suivant la « gestion » qui est faite de la maladie. D’une manière générale, la maladie mentale est fortement invalidante et elle nécessite souvent une forte implication familiale, une famille dans laquelle il est parfois difficile de déterminer la source « pathogène » du déséquilibre. En tout état de cause, la maladie mentale amène toute la famille à souffrir.
La maladie mentale peut apparaître sous forme de :
1 - Dysharmonie de l’évolution pubertaire
Les mécanismes psychiques de défense sont ceux de l’enfance. Le développement endocrinien est très précoce ou retardé, ce qui aboutit à un processus décalé se traduisant par de l’angoisse, d’où des fugues, de la délinquance, ou la présence de traits caractériels et de problèmes scolaires entre 12 et 14 ans.
2 - La phobie scolaire
L’adolescent refuse d’aller à l’école. Il présente une réaction de panique et d’anxiété très vive qui est plus fréquente chez le garçon que chez la fille. Plus on avance vers l’adolescence plus la phobie scolaire risque d’être intense et durable. Ce comportement irrationnel porte sur le travail scolaire, les examens, les contrôles. Le jeune a peur du regard et de l’agressivité des autres, il a du mal à prendre sa place par rapport à l’autre sexe.
Le désinvestissement scolaire peut se produire à la suite de transformations corporelles ou après les premiers rapports sexuels. L’adolescent désinvestit son corps et fait de même avec l’intellect. Le fléchissement peut être dans une matière et s’étendre à toutes les autres et peut ainsi mener à l’échec. Parallèlement, il risque de se mettre en retrait du milieu familial, de devenir taciturne, et d’être plus ralenti.
Quant à la famille, en général, elle tolère assez bien l’interruption scolaire. Dans certains cas la mère est phobique et dépressive, le père est parfois absent et effacé.
Le désinvestissement scolaire et la marginalisation progressive à long terme peuvent conduire à la marginalisation sociale, à la délinquance. Parfois elle est aussi le signe d’un état limite, d’une psychose, d’une névrose.
3 - La rupture scolaire
Elle se produit quand le jeune veut arrêter ses études pour des raisons difficiles à contrer. Souvent une dépression sous-jacente accompagne un processus de détérioration se traduisant par l’isolement.
4 - Les troubles alimentaires
a - L’anorexie
Elle touche davantage les filles que les garçons. En effet, seuls 20% des anorexiques sont des garçons.
- Chez le garçon
L’anorexie est présente plutôt pendant l’enfance que pendant l’adolescence. Le garçon craint entre autre de devenir obèse.
- Chez la fille
L’anorexie peut apparaître vers 13-14 ans mais le plus souvent les symptômes se déclarent entre 15 et 18 ans.
Au départ, l’adolescente veut suivre un régime pour perdre quelques kilos. Ce régime, qui commence par un simple refus de s’alimenter, fait parfois suite à une perte affective. Elle ne s’inquiète pas de son amaigrissement et veut maigrir de plus en plus. Elle veut maîtriser son corps et détenir le pouvoir de l’érotiser. La féminité est rejetée et la sexualité ne l’intéresse pas. Elle est très centrée sur elle et développe toujours son hyperactivité. Le but recherché est de perdre des calories, d’où par exemple le refus de s’asseoir pour faire ses devoirs ou de laisser la fenêtre de la chambre grande ouverte en plein hiver.

b - La boulimie
Elle consiste à se remplir, à remplir le vide pour apaiser l’angoisse. Le corps est mis en jeu pour fuir la sexualité. La personne se jette sur la nourriture quand elle est seule. Elle peut manger pendant quelques minutes ou une heure et ce, jusqu’à se faire vomir.
5 - Les maladies psychosomatiques
L’adolescent a un fort langage somatique pour diverses difficultés mais aussi comme moyen de relation. La pathologie psychosomatique se substitue à l’élaboration psychique. Pierre Marty évoque un mode de pensée opératoire ; l’adolescent a du mal à mentaliser les choses, il est dans l’agir. Il utilise son corps, ses besoins physiologiques (sommeil, alimentation) pour maintenir sa sexualité à distance.
Le corps est instrumenté et devient un instrument narcissique alors que conjointement, il est soumis à d’énormes pulsions agressives. Le corps peut être caché ou regardé pendant des heures. L’automutilation matérialise ce malaise sur le corps. Il y a également recherche de la maîtrise corporelle.
6 - La dépression
L’adolescent doit faire un travail de séparation, de deuil et renoncer à la quiétude de l’enfance. Certains adolescents n’y parviennent pas et sombrent dans la dépression. Ils n’ont envie de rien et ne se projettent pas dans l’avenir.
7 - Le suicide
C’est la deuxième cause de mortalité chez l’adolescent. Des idées noires précèdent le passage à l’acte. Il faut le rassurer, le protéger et l’aider à verbaliser : plus il en dira, moins il en fera. Il est également indispensable de mobiliser l’entourage. Le jeune veut éprouver ses limites, tester sa survie, et sombre de plus en plus dans la dangerosité. Le jeu du foulard en est un exemple.
8 - La scarification
Il s’agit de se faire mal physiquement pour être moins mal mentalement. L’adolescent cherche à se confronter à lui-même. Physiquement, il montre sa douleur, sa souffrance dans le but de se défaire des parents et d’éprouver ses limites.
9 - Les conduites transgressives
a - Le vol
C’est la conduite délinquante la plus fréquente à l’adolescence. Le premier vol est souvent commis dans un contexte d’angoisse : on agit pour faire baisser l’angoisse sans réaliser qu’on rentre dans une spirale et ce, jusqu’à la confrontation avec la justice. Les vols les plus répandus se produisent dans les grandes surfaces et dans les magasins.
b - Les toxiques
En ce qui concerne le tabac et l’alcool, les conduites transgressives se font de plus en plus jeunes. Le corps est attaqué. Seule compte la représentation de soi et non son corps. Fumer prouve que l’on est un grand, presque comme un adulte.
Par la drogue, le jeune rentre dans un réseau de distribution illicite. Celle-ci est synonyme de plaisir et permet d’oublier. L’alcool est plus admis que la toxicomanie. Du fait de la prépondérance de la dimension sociale, il s’agit de partager un verre de convivialité.
(Les éléments recueillis pour cette section sont extraits de la formation « Psychopathologies de l’adolescent du 24-09-02 au 28-09-02 à Paris »)


Chapitre 3 - LE CADRE JURIDIQUE DE PRISE EN CHARGE DE L’INSERTION

Section 1 - Les hôpitaux : principe de gestion et organisation actuelle
L’insertion des jeunes en difficulté est encadrée sur le plan institutionnel par les hôpitaux et une administration centrale et locale régis par un ensemble de textes dont nous rappelons ici les principales dispositions législatives.
Ce cadre a connu une évolution dans ce qu’il est convenu d’appeler « la réforme hospitalière. » Cette réforme a pour objectif de faire « évoluer » le
service public de la santé. Elle vise une gestion plus « efficace » des hôpitaux et de la santé en général, par une politique de maîtrise des dépenses de santé et au moyen d’une évaluation et d’une accréditation.
Cette évolution vise aussi une meilleure prise en charge du patient en introduisant le critère de « la qualité » des soins.
Il s’agira de montrer l’impact de cette réforme sur la prise en charge des jeunes.
A – Une politique de « maîtrise des dépenses » de santé
« Jusqu’au début des années 1980, les dépenses de soins hospitaliers sont celles qui ont augmenté le plus vite, leur proportion s’accroissant structurellement dans la consommation des soins et des biens médicaux : 39 % en 1950, 53,2 % en 1980, 48,5 % en 1990, 49,5 % en 1995. Entre 1970 et 1980, le nombre de lits a augmenté de 60 000 unités, et l’effectif des personnels, de 250 000 personnes.
Il devient important pour les pouvoirs publics de maîtriser des dépenses de santé. C’est pourquoi, la loi du 30 décembre 1970, en créant une carte sanitaire, a prévu l’élaboration d’une planification des infrastructures et équipements hospitaliers, afin de ne pas privilégier certaines régions au détriment des autres.
La loi du 31 juillet 1991 a apporté des correctifs, en définissant un schéma régional d’organisation sanitaire (SROS). L’ordonnance du 24 avril 1996 a conduit à une réforme hospitalière qui institue une régulation régionale du système hospitalier » (Les politiques sociales en France, Patrick Valtriani, Édition Hachette Supérieur, p.43 et 44).
Le programme de médicalisation du système d’information (PMSI) va dans le même sens. Importé des Etats Unis en 1982, il est expérimenté entre 1985 et 1989. Il permet d’établir les règles de financement ou les tarifications des établissements publics ou privés. Il n’est pas encore appliqué dans tous les hôpitaux.
B – Une administration de tutelle
Le ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité et le ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées, regroupent un ensemble de services : Travail - emploi, Sécurité sociale, Santé - emploi, Sécurité sociale, Santé - handicapés, populations - migrations.
Au sein du ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées, outre la Direction de l'administration générale, du personnel et du budget (DAGPB), la Direction générale de la santé (DGS), la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) et la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), jouent un rôle éminent en matière de politique hospitalière.
C – Des services en régions
Parmi les structures territorialisées chargées de la mise en oeuvre de la politique hospitalière, on distingue : les directions régionales des affaires sanitaires et sociales (DRASS) et les directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS), qui, au terme d'une histoire institutionnelle mouvementée, sont devenues les interlocuteurs privilégiés des établissements sous compétence tarifaire de l'État dans le cadre de la procédure de dotation budgétaire. Avec la généralisation du PMSI, elles sont désormais destinataires des données médicales et comptables transmises par les établissements, et responsables de leur traitement.
Les 26 agences régionales d'hospitalisation (ARH) ont été créées par l'ordonnance du 24 avril 1996 pour mettre en place la réforme de l'hospitalisation publique et privée.
Les établissements publics de santé sont soumis à un contrôle de tutelle et sont administrés par le biais d’instances de décisions :
- le conseil d’administration et le directeur et d’instances de consultations
- le comité technique d’établissement, la commission médicale d’établissement et la commission des soins infirmiers.
D – Les hôpitaux : évolutions du service public de la santé

La loi du 30 juin 1838 stipule qu’il convient à chaque département d’assurer l’hospitalisation de ses habitants et que l’offre de soins est limitée aux établissements. Elle explique les types de placement, la garantie de la liberté individuelle et le régime d’administration des biens des malades.
La loi du 21 décembre 1941 classe les hôpitaux selon un critère géographique.
Selon la circulaire du 15 mars 1960 relative au programme d’organisation et d’équipement des départements en matière de lutte contre les maladies mentales, « le dispositif consiste essentiellement à diviser le département en un certain nombre de secteurs géographiques, à l’intérieur de chacun desquels la même équipe médico-sociale devra assurer pour tous les malades, hommes et femmes, la continuité indispensable entre le dépistage, le traitement sans hospitalisation quand il est possible, les soins avec hospitalisation et enfin, la surveillance de postcure ».
La loi n° 70-1318 du 31 décembre 1970 stipule que la psychiatrie générale soigne la population âgée de plus de 16 ans. « Chaque secteur de psychiatrie infanto-juvénile correspond à une aire géographique desservie par un ou plusieurs secteurs de psychiatrie générale. La psychiatrie en milieu pénitentiaire est conçue pour répondre « aux besoins de santé mentale de la population incarcérée dans les établissements relevant d’une région pénitentiaire ». Elle instaure également la carte sanitaire traduisant une classification selon la nature des soins.
La circulaire du 16 mars 1972 relative au programme d’organisation et d’équipement des départements en matière de lutte contre les maladies et déficiences mentales des enfants et des adolescents stipule que : « l’enfant est un être dont la personnalité est foncièrement différente de celle de l’adulte. Il possède une pathologie mentale propre. Il faut que l’enfant ou l’adolescent puisse être pris en charge tout en continuant à vivre dans son milieu familial ou, en cas d’impossibilité, d’en être un peu éloigné ».
Il est indispensable de travailler avec la famille de l’enfant.
La prévention est très importante. Il faut travailler en concertation avec toutes les institutions dont relève l’enfant.
La circulaire GDS/892/MS 1 du 9 mai 1974 relative à la mise en place de la sectorisation psychiatrique infanto-juvénile affirme que la maladie de l’enfant peut évoluer et qu’il ne faut pas l’enfermer dans une catégorie immuable.« Il y a nécessité de créer ou de conserver des moyens d’hospitalisation localisés ». Afin de s’occuper au mieux des enfants, le personnel bénéficiera de formation.
La loi du 30 juin 1975 stipule que : « la prévention et le dépistage des handicaps, les soins, l’éducation, la formation et l’orientation professionnelle, l’emploi, la garantie d’un minimum de ressources, l’intégration sociale et l’accès aux sports et aux loisirs du mineur et de l’adulte handicapés physiques, sensoriels ou mentaux constituent une obligation nationale ».
La loi n° 78-11 du 4 janvier 1978 précise la nouvelle typologie sanitaire :
« les services de court séjour recouvrent les unités d’hospitalisation pour une pratique médicale, chirurgicale ou obstétricale courante ainsi que des unités d’hospitalisation pour soins hautement spécialisés, les unités de moyen séjour pour convalescents, cure, réadaptation ou traitement des maladies mentales, ont pour mission principale, l’hospitalisation pendant une durée limitée de personnes qui requièrent des soins continus, les unités de long séjour concernent l’hébergement des personnes n’ayant plus leur autonomie de vie et dont l’état nécessite une surveillance médicale constante et des traitements d’entretien » (Le service public hospitalier, D. Stingre, Que sais-je?, PUF n°3049, janvier 1997, p.6 et 7).
Le service public hospitalier est donc regroupé en centre hospitalier général et en centre hospitalier spécialisé, en centre de moyen séjour, en centre de long séjour et en hôpital local.
La circulaire DGS/DH n°132 du 16 mars 1988, relative à l’amélioration des conditions d’hospitalisation des adolescents, stipule qu’il faut « évaluer les conditions d’accueil et de séjour des adolescents à l’hôpital, améliorer les conditions d’accueil et d’hospitalisation et participer à la mise en place de structures hospitalières pour les adolescents ».
La loi n°90-527 du 27 juin 1990 vise à « promouvoir les droits des malades librement hospitalisés dans tout établissement public ou privé accueillant des malades mentaux, à mieux garantir les droits des personnes hospitalisées sans leur consentement dès lors qu’une telle prise en charge
s’avère inévitable et à instaurer un meilleur contrôle a posteriori des conditions d’hospitalisation en psychiatrie au regard des libertés individuelles » (Psychiatrie et santé mentale, ministère la solidarité, de la santé et de la protection sociale, édition la documentation française, 1990, p.9, 10 et 11).
La loi du 31 juillet 1991 la complète avec le schéma régional d’organisation sanitaire et social (SROSS) portant réforme hospitalière, dont l’article L 712-1 qui stipule qu’il faut « prévoir et susciter les évolutions nécessaires de l’offre de soins en vue de satisfaire de manière optimale la demande de santé . Le droit du malade au libre choix de son praticien et de son établissement de santé est un principe fondamental de la législation sanitaire ».
Elle distingue deux catégories d'établissements : les centres hospitaliers généraux et spécialisés et les hôpitaux locaux.
L’ordonnance n°96-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l’hospitalisation publique et privée concerne la qualité de la prise en charge des patients et l’évaluation, l’accréditation et l’analyse de l’activité des établissements de santé.
L’accréditation qui doit assurer l’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins. « Tous les établissements de santé publics et privés doivent faire l’objet d’une procédure d’accréditation. Cette procédure, conduite par l’Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé vise à porter une appréciation indépendante sur la qualité d’un établissement ou, le cas échéant, d’un ou plusieurs services ou activités d’un établissement à l’aide de plusieurs indicateurs, de critères et de référentiels portant sur les procédures, les bonnes pratiques cliniques et les résultats des différents services et activités de l’établissement ».
E – Les centres hospitaliers spécialisés
Le secteur psychiatrique a été créé par la circulaire du 15 mars 1960.
La loi du 25 juillet 1985 prévoit les conditions de création des secteurs et de mise en œuvre de la planification psychiatrique. L’article 8 de cette même loi stipule que : « la lutte contre les maladies mentales comporte des actions de prévention, de diagnostic et de soins ».
À cet effet, les Centres exercent leurs missions dans le cadre de circonscriptions géographiques, appelées secteurs psychiatriques, les établissements assurant le service public hospitalier, les services dépendants de l’État, ainsi que toute personne morale de droit public ou privé, ayant passé avec l’État une convention précisant les objectifs poursuivis, les catégories de bénéficiaires, les moyens mis en œuvre et, le cas échéant, les relations avec les autres organismes agissant dans le domaine de la santé mentale » ( Mémento de droit hospitalier, Jean-Marie Clément, Éditions Berger Levrault 9ème édition, juillet 2000, p.214).
« L’arrêté du 14 mars 1986 précise les divers équipements et services de lutte contre les maladies mentales, selon qu’ils comportent ou non des possibilités d’hébergement » (Mémento de droit hospitalier p.216).
Ce sont pour les structures sans hébergement : les centres médico-psychologiques, les centres d’accueil permanent, les hôpitaux de jour, les ateliers thérapeutiques, les centres d’accueil thérapeutiques à temps partiel et les services d’hospitalisation à domicile. Pour les structures avec hébergement, il s’agit des unités d’hospitalisation à temps complet, des centres de crise, des hôpitaux de nuit, des appartements thérapeutiques, des centres de post-cure et des services de placement familial thérapeutique.
a - La charte de l’usager en psychiatrie
L’usager est :
1 ) Une personne à part entière,
2 ) Une personne qui souffre,
3 ) Une personne informée de façon adaptée, claire et loyale,
4 ) Une personne qui participe activement aux décisions la concernant,
5 ) Une personne responsable qui peut s’estimer lésée,
6 ) Une personne dont l’environnement socio-familial et professionnel est pris en compte,
7 ) Une personne qui sort de son isolement,
8 ) Une personne citoyenne, actrice à part entière de la politique de santé,
et dont la parole influence l’évolution des dispositifs de soins et de prévention.
b - Les droits des malades mentaux hospitalisés en psychiatrie
Pour voir si l’offre de soins est adaptée à la demande de santé, l’ordonnance du 24 avril 1996 crée une instance indépendante et professionnelle chargée de la mise en œuvre de l’accréditation : l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES).
L’ANAES est chargée de la production de référentiels de qualité, élaborés avec les professionnels de santé, de la diffusion de ces référentiels et de l’accréditation de l’établissement. Ses missions sont : l’évaluation, l’accréditation et l’avis sur l’admission au remboursement des actes, des prestations et des fournitures de la nomenclature. Les établissements publics et privés disposent de 5 ans pour se faire accréditer.

Section 2 – Le Centre Psychothérapique de Nancy : une de ses composantes, le Centre de Soins des Glacis
A – Le Centre Psychothérapique de Nancy (CPN)
1 - Historique
Le 4 avril 1597, Anne Feriet, «Noble Dame» lègue par son testament une somme de 30 000 francs destinée à la fondation d’un hôpital pour les pestiférés.
En 1749, Stanislas, Roi de Pologne, fait venir les Frères des Écoles Chrétiennes à Maréville ; l’un d’eux va diriger l’établissement du même nom. Il a alors pour vocation de s’occuper des enfants pauvres et des « jeunes en correction ».
En 1814, la Maison de Maréville compte 170 malades.
Le 15 avril 1815, celle-ci devient « L’Hôpital Central des Aliénés ».
Aujourd’hui, le CPN se compose de 5 services adultes et de 3 services infanto-juvéniles.
La Lorraine étant une région pilote en matière de douleur et de prévention
du suicide, les équipes du CPN y sont particulièrement sensibilisées.
2 - Situation actuelle
Le Centre Psychothérapique de Nancy, établissement public de santé, est un centre hospitalier spécialisé en psychiatrie. Doté de l’autonomie juridique et financière, placé sous la tutelle de l’État, il est administré par un Conseil d’Administration de 23 membres et par un Directeur nommé par le Ministre chargé de la santé. Traditionnellement implanté à Laxou, il est présent dans plusieurs villes de Meurthe et Moselle (Lunéville, Toul, Pont-à-Mousson) et sur plusieurs sites de l’agglomération nancéenne.
Lors de l’accueil du patient, il lui est remis un document présentant le Centre Psychothérapique de Nancy avec les modalités d’accueil, les modes d’hospitalisation, la prise en charge financière et les renseignements sur son séjour et sa sortie.
La charte du malade hospitalisé est affichée dans tous les services adultes et la charte de l’enfant dans les services infanto-juvéniles.
La politique hospitalière évolue vers une réduction de l’hospitalisation. La prise en charge à temps complet se raréfie. L’hospitalisation à temps partiel est préconisée.
Les prises en charge en centre médico-psychologique (CMP), en centre d’accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP) et les visites à domicile (VAD) augmentent. Il existe des structures à Nancy et dans sa banlieue, et ce, afin que les gens soient soignés au plus près de chez eux. Ainsi le CMP intersectoriel pour adolescents de Nancy, situé rue du Cardinal Tisserant, est situé au centre ville à proximité des collèges et des lycées.
Le premier service Infanto-Juvénile comprend des structures pour enfants et pour adolescents assurant des prises en charge en externat et en internat, en hôpital de jour, en CMP , CATTP et VAD.
Horizon est un service dans l’enceinte de l’hôpital qui accueille des adolescents, le Centre de Soins des Glacis est situé hors de l’hôpital, l’un étant « contenant » et l’autre oeuvrant pour l’insertion des adolescents.
B – le Centre de Soins des Glacis
1 – Présentation de la structure
Le Centre de Soins des Glacis est situé au 11 rue des Glacis, en centre ville, et accueille 10 adolescents en internat et 5 en hôpital de jour.
a - Le personnel
L’équipe soignante est constituée d’un médecin psychiatre, d’un interne en médecine, d’un cadre infirmier, d’une psychologue à mi-temps, de 6 infirmiers, de 4 éducateurs spécialisés et moniteurs-éducateurs, d’une assistante sociale à mi-temps et d’une monitrice d’atelier.
b - Les moyens matériels et financiers
Le Centre de Soins des Glacis, ancienne maison bourgeoise, a été acheté et réaménagé par le CPN. Il est financé par la dotation globale de l’hôpital. Un budget annexe est octroyé pour le financement des activités de la structure (pour le fonctionnement des ateliers, des week-end, des vacances…).
2 – Les patients
a - Les pathologies prises en charge
Elles sont très diverses et peuvent être de type psychose, névrose, phobie scolaire, dépression, comportement à risque, troubles alimentaires, et /ou troubles de la personnalité… Les symptômes de ces troubles sont une déscolarisation, voire une exclusion de l’école, une violence latente ou exprimée, des fugues, des tentatives de suicide, de l’automutilation.
b - L’admission d’un patient
L’hospitalisation se fait sur décision médicale ou judiciaire : dans ce cas si l’adolescent arrive avec une mesure dite « ordonnance de placement provisoire » (OPP ). Le placement en OPP est une décision du juge et le médecin ne peut pas le refuser. Il a souvent lieu dans un contexte social et familial particulier, à la suite de fugues avec mise en danger…
À son arrivée, l’adolescent reçoit le règlement intérieur de la structure. Les parents sont également informés de la prise en charge aux Glacis et signent des autorisations d’opérer et de sorties libres.
Le patient est en observation durant deux semaines afin d’évaluer son comportement et ses difficultés. Il en découle un projet thérapeutique mis en place lors d’une réunion d’équipe.
La séparation d’avec la famille est souvent nécessaire pour permettre au jeune d’aller mieux. Le placement en internat est généralement lié à ce besoin de distance pour pouvoir réfléchir et prendre du recul. Il est nécessaire que l’adolescent ait un lieu « où se poser ».
C’est difficile, car c’est souvent la première fois que le jeune est séparé de sa famille. Le travail est réalisé avec le jeune mais aussi en collaboration avec sa famille qui bénéficie également d’entretiens d’aide familiaux et médicaux avec l’équipe soignante et/ou médicale.
c - La souffrance psychique
Les jeunes sont en difficulté par rapport à leur personne, leur histoire, dans leur relation aux autres, que ce soit dans leur vie scolaire ou dans leur famille.
Plusieurs situations peuvent se présenter :
- C’est la première fois que l’adolescent rencontre des difficultés.
Le jeune est admis aux Glacis suite à une soudaine apparition de troubles psychiques : bouffée délirante, tentative de suicide, phobie scolaire… Le suivi de ces troubles sera assuré aux Glacis, il permettra de porter un diagnostic médical sur le caractère pathologique ou non des troubles.
Le patient fait souvent l’objet d’un suivi dans un Centre Médico-Psychologique (exemple : le CMP intersectoriel adolescents), et/ou d’une mesure d’aide éducative en milieu ouvert (AEMO), mais ce suivi est insuffisant. Il est alors complété par une prise en charge au quotidien dans la structure des Glacis.
- L’adolescent est déjà suivi par un service du CPN.
La prise en charge aux Glacis s’inscrit alors dans le cadre d’un projet thérapeutique avec un retour à la vie normale entre autres par un retour à l’école.
Au cours de l’observation, il peut s’avérer que le jeune ne relève pas d’une prise en charge en psychiatrie ou bien que la structure des Glacis ne soit pas assez « contenante » pour un jeune qui se met en danger. Une amélioration rapide de son état ou de ses relations familiales peut être constatée du fait de la séparation ou encore qu’au vu de sa pathologie, il a toute sa place aux Glacis, un contrat de soins est alors passé avec le patient.
Certains jeunes n’arrivent pas à dire leurs difficultés autrement qu’en «maux de corps. » Les adolescents qui souffrent, n’osent pas, ils ne savent pas le dire, et bien souvent ils somatisent ou fuient dans la violence.
Parfois, la maladie est niée aussi bien par l’adolescent que par sa famille. Le jeune est mal et n’a plus le désir de vivre. Il peut avoir des hallucinations auditives et des hallucinations visuelles. Il n’a pas de désir ; il ne vit pas pour lui mais en fonction du désir des autres. Les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) l’handicapent. Avant de faire quelque chose, il se soumet à des rituels.
3 – La prise en charge aux Glacis
La priorité est d’aider le patient à verbaliser ses difficultés psychiques. Le soin est prioritaire. Souvent, il est dans l’agir et il nous faut l’aider à mentaliser. La prise en charge peut aller de quelques jours à quelques mois, voire une année scolaire. L’adolescent bénéficie d’une prise en charge pluridisciplinaire et d’un soutien psychologique important du fait de la présence permanente des soignants.
Cette prise en charge comporte ainsi des entretiens individuels et familiaux. Les Glacis sont également le lieu où les adolescents ont des projets individuels : aller en classe, apprendre la vie en groupe, participer à des activités extérieures.
Dans le groupe d’adolescents, le leader peut-être aussi bien négatif que positif ; cela dépend. C’est loin d’être facile car parfois le groupe peut être confronté à des patients qui, du fait de leur pathologie, ne parviennent pas à se supporter, ce qui engendre de l’angoisse. Ils sont alors constamment en conflit.
La « réunion adolescents » est le seul moment de la semaine où les adolescents sont tous présents et ensemble. Elle a lieu une fois par semaine, le mercredi à 13h30, et regroupe la psychologue du service et des membres de l’équipe. Seuls les éléments relevant de la vie de groupe sont discutés, les problématiques individuelles sont abordées en entretiens individuels.
Lors de cette réunion, il peut être débattu aussi bien des problèmes d’hygiène que de la gestion d’un ordinateur avec l’utilisation d’Internet, de la fête de Noël, de la rentrée scolaire… Un adolescent volontaire prend les notes au cours de la réunion. Le compte-rendu est transmis au surveillant et à l’équipe soignante qui étudient les demandes et suggestions des adolescents.
La prise en charge en journée concerne les adolescents non scolarisés ou ayant repris leurs études à temps partiel et s’effectue dans les ateliers. Dans le cas d’adolescents scolarisés à temps plein, ils viennent déjeuner à midi, et peuvent si besoin à ce moment-là bénéficier d’entretiens réguliers aux Glacis. Cela nous permet de voir comment cela se passe à l’école. Peu à peu, si tout va bien, le jeune peut déjeuner à la cantine.
Une des finalités du projet de soins aux Glacis est de rescolariser certains patients. Mais auparavant, un travail est à réaliser aux Glacis dans le cadre des ateliers. Le travail se fait également avec les familles. En effet, parfois c’est la famille toute entière qui est malade, l’adolescent n’en est que le symptôme.
L’éloignement parental, même s’il permet de travailler avec l’adolescent et sa famille, amène parfois la famille à le rejeter. La famille vit mieux sans lui ou à l’inverse cela révèle un disfonctionnement familial et lorsqu’il rentre chez lui, il n’a plus de chambre, il se retrouve parfois sans aucun espace à lui.
La prise en charge aux Glacis est parfois également une mesure de protection en faveur de l’adolescent.
De nombreux adolescents sont scolarisés mais selon leurs difficultés, ils ne le sont pas forcément en continu, d’où le recours à une prise en charge pendant la journée aux Glacis.

4 – L’école
Très souvent les problèmes sont détectés à l’école. L’adolescent ne peut plus se concentrer, il s’isole ou a des comportements inadaptés voire violents. Il est difficile pour lui de rester concentré pendant les cours, de ne pas montrer ses symptômes, de rester dans la norme. Il a des difficultés à vivre en groupe. L’adolescent peut avoir les capacités pour suivre la classe, mais ce sont ses problèmes qui l’en empêchent.
L’adolescent est en grande souffrance psychique. L’école est la référence normative. Cependant, l’investissement à l’école est difficile pour un adolescent en échec ou en souffrance.
Il se situe en effet par rapport aux autres et veut prouver qu’il est quelqu’un. S’il a de bons résultats scolaires cela est possible, sinon il va chercher un échappatoire (fuguer, chahuter, s’isoler) pour exister. Que va t-il trouver ?
Parfois, lorsqu’un adolescent ne parvient pas à suivre, l’école donne le sentiment de renforcer l’échec. La réponse apportée par l’Éducation Nationale est qu’à 16 ans, il pourra faire un apprentissage. Que se passe-t-il s’il est en échec à 12 ou 13 ans ? Comme les classes de type SEGPA, 4èmed’aide et de soutien ont quasiment disparu, que lui est-il proposé pour le valoriser ? C’est un peu comme si notre société niait l’existence des jeunes en difficulté. Ne renforce-t-on pas ainsi le sentiment d’échec, voire le dégoût d’aller à l’école ?
Que proposer à un élève en difficulté psychique pour qu’il ait envie de rester en classe ? Heureusement, la convention d’intégration signée avec l’Éducation Nationale permet de réfléchir à ce problème.
5 – Les ateliers
L’activité est le support, le moyen de mettre en place la relation et d’aborder également la resocialisation, la vie en groupe, le respect des règles et l’autonomie. En cas de difficultés en atelier, le patient peut bénéficier d’entretiens (non organisés à l’avance) avec un membre de l’équipe. Quel que soit le type d’activité pratiquée, le but recherché est de le revaloriser, de le motiver dans ce qu’il fait, de l’aider à progresser dans ses acquis, de rétablir la relation avec l’adulte et avec les autres qui est souvent défaillante au début.Les ateliers suivants sont proposés :
a - l’atelier cuisine, au cours duquel le repas du midi est confectionné.
b - les ateliers de création et d’expression où les patients peuvent s’exprimer librement.
c - l’atelier théâtre : le groupe est composé d’adolescents et d’adultes qui travaillent dans des cycles d’improvisation, de clown, de voix et d’écriture d’une durée de 7 semaines chacun.
d - l’atelier musique et chant : l’apprentissage de la guitare et le travail de
la voix sont pratiqués.
e - l’atelier esthétique concerne les soins du visage et des mains et permet de restaurer l’estime de soi.
f - l’atelier relaxation : le travail se fait essentiellement en groupe et permet de travailler la confiance en soi et dans le groupe.
g - l’atelier bois : il faut scier, découper, poncer, coller et vernir le bois en utilisant des outils afin de créer des animaux et des personnages d’après un modèle.
h - l’atelier sport : la piscine, le sport collectif en salle au CPN, les sports de plein air au parc de la Pépinière, le ping-pong, le volley et le badminton sont pratiqués.
i - atelier jardinage : les adolescents avec l’aide d’une infirmière et d’une monitrice d’atelier cultivent des légumes, qu’ils pourront le moment venu manger au cours des repas confectionnés en atelier cuisine. Le fait de voir les légumes pousser, arriver à maturité, montre qu’il faut du temps et que c’est comme dans la vie « il faut du temps pour que les choses arrivent à maturité.» Avec un peu d’eau et de la terre, les plantes poussent. Parfois, il en est de même pour les adolescents, un petit quelque chose suffit pour les aider.
j - les autres activités
Les week-ends
D’autres types d’activités sont proposés : visites culturelles, cinéma, sport,
courses en ville, randonnée.
Les séjours thérapeutiques
Ils ont lieu dans une maison appartenant à l’hôpital située à La Bresse, dans les Vosges. Ils permettent de voir les adolescents dans un autre cadre, sur un temps de vacances, ce qui induit un autre fonctionnement. Lors du séjour le même personnel est présent 24 heures sur 24, ce qui permet d’observer un fonctionnement différent des adolescents et de découvrir d’autres facettes de leur personnalité. Les échanges et les discussions permettent d’avancer dans le travail thérapeutique avec eux.
Les stages
Les adolescents peuvent effectuer des stages.
Les stages leur permettent de se rendre compte d’un travail et de pouvoir choisir entre plusieurs métiers.
La vie quotidienne
Le jeune doit également participer aux tâches de la vie quotidienne. Il doit faire son lit, ranger sa chambre et gérer son linge. À tour de rôle, il doit mettre ou débarrasser la table. Respecter les règles de la vie en collectivité est indispensable pour l’intégration de chacun. Cela n’est pas facile car chez les jeunes l’individualisme est très prégnant.
Les loisirs
Ils peuvent être : soit la pratique d’un sport (escalade, cheval…), soit la participation à des activités manuelles, soit faire de la danse ou d’autres activités dans des Maisons des Jeunes et de la Culture. Il est possible aussi de se rendre seul en ville lors des permissions autorisées qui sont de deux fois deux heures par semaine.
6 – L’atelier scolaire
Il sera étudié dans la deuxième partie du mémoire, il forme la partie principale de l’action d’insertion.
7 – Travail avec les structures extérieures
Dans le cadre de la resocialisation, l’équipe des Glacis travaille en partenariat avec l’ Éducation Nationale, l’Inspection Académique, le centre d’information et d’orientation (CIO), le dispositif d’aide à l’insertion professionnelle (DAIP), l’association d’aide scolaire bénévole aux adolescents malades (AISCOBAM), les ateliers pédagogiques personnalisés (APP), l’agence nationale pour l’emploi (ANPE ), l’association de formation pour adultes (AFPA), le centre de formation pour adultes (CFA) et la Justice.
a - L’Éducation Nationale
Lorsqu’un adolescent est scolarisé, une convention d’intégration est signée avec le jeune et ses parents, l’établissement fréquenté, le Centre
de Soins des Glacis et l’Inspection Académique.
Ce document spécifie les conditions d’intégration à temps partiel ou à temps plein, les dates de réunions et le suivi scolaire. L’adolescent peut également demander l’organisation d’une réunion. Cela a également un côté rassurant pour le collège ou le lycée de l’adolescent qui sait qu’en cas de problème, le jeune peut être déscolarisé et pris en charge aux Glacis.
b - Le Centre d’Information et d’Orientation
Le conseiller d’orientation aide le jeune à élaborer son projet professionnel et ce par un entretien, des tests de niveaux, des questionnaires de choix des métiers, la mise à disposition de documentation audiovisuelle et écrite. Il peut également aider à une réorientation.
c - L’Aide Scolaire Bénévole aux Adolescents Malades
Grâce à cette association, des adolescents ne pouvant pas être scolarisés à un moment donné, ou l’étant partiellement, suivent des cours avec des professeurs bénévoles retraités ou en activité.
Les professeurs peuvent faire un bilan de niveau, donner leur avis pour la rescolarisation. Ils sont très investis et participent en fin d’année à la décision de passage dans la classe supérieure. Les cours sont individuels : soit le professeur suit le programme de l’élève soit il assure une remise à niveau.
Un cours d’une heure en individuel équivaut à 2 ou 3 heures de classe. Les adolescents peuvent également bénéficier de cours informatiques, ceux-ci sont assurés par deux personnes « Emplois Jeunes ». Cela leur permet d’aller sur Internet, de faire des recherches, de réaliser des exposés et de participer au journal des Glacis en lien avec le travail réalisé
en atelier pédagogique.d - Les Ateliers Pédagogiques Personnalisés
Ils se situent au Haut du Lièvre dans un quartier de Nancy.
Après avoir passé des tests pour déterminer son niveau, il est proposé au jeune une remise à niveau en vue d’un projet de rescolarisation ou professionnel. Le jeune travaille seul et peut bénéficier de l’aide d’un professeur quand il se sent en difficulté. Ceci nécessite de la part du jeune une certaine autonomie quant à la gestion du temps et du travail. Cette possibilité ne convient pas à tous les ados car ils ont parfois du mal à réussir à travailler seuls.

 

Deuxième partie :

L’INSERTION SOCIALE AU CENTRE DE SOINS DES GLACIS

Chapitre 1 : L’ESPÉRANTO COMME MOYEN D’INSERTION PAR LE LANGAGE

Section 1 – Définitions et rôle du langage dans l’insertion

A – Définitions du langage
Le Petit Larousse 2002 définit le langage comme la : « faculté propre à l’homme d’exprimer et de communiquer sa pensée au moyen d’un système de signes vocaux ou graphiques ».
Selon Le Petit Robert, la langue est : « le système d’expression et de communication commun à un groupe social. La parole est : « un élément simple du langage articulé ».
C’est l’expression verbale de la pensée, la faculté de communiquer la pensée par un système de sons articulés émis par les organes de la phonation ».
Le langage est un « système de signes pouvant servir de moyen de communication » (Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Lalande, 1926). Il peut être également « n’importe quel moyen de communication entre les êtres vivants » (Encyclopaedia Britannica, Jespersen).
Selon Roman Jakobson, « tout acte de parole met en jeu un message et quatre éléments qui lui sont liés : l’émetteur, le receveur, le thème du message et le code utilisé ».
Pour Ferdinand de Saussure : « le langage a un côté individuel et un côté social. Le côté individuel est la parole « qui correspond à l’usage que font les locuteurs d’une langue donnée. Le côté collectif, la « langue » est l’ ensemble de conventions nécessaires, adoptées par le corps social pour permettre l’exercice de cette faculté par les individus ».
La langue est le répertoire social d’une communauté politique, historique ou géographique. Le langage et la communication sont nécessaires pour s’insérer.

B – Rôle du langage dans l’insertion
Le langage est primordial. Nous nous identifions et nous sommes identifiés
par rapport au langage.
Le physique et le langage sont les premières expressions de quelqu’un et ils traduisent également la première impression sur l’autre. Nous sommes jugés au travers de ce que nous disons, sur la manière dont nous le disons et sur notre comportement non verbal. En effet, en parlant nous disons beaucoup sur nous-mêmes. Nous avons des préjugés sur l’autre, il en a également sur nous. Savoir parler et pouvoir parler sont indispensables. Le langage reflète nos sentiments : des paroles désagréables peuvent être dites sans hausser le ton.
Le langage n’est pas seulement verbal ou non verbal, il existe aussi le langage écrit. Dans le premier cas, nous sommes face à notre interlocuteur, dans le deuxième cas non, le langage est plus élaboré. Pour pouvoir adapter son langage, il faut connaître son interlocuteur et savoir ce qu’il veut ou peut entendre. C’est la technique adoptée par exemple en vente.

Chaque secteur a son langage. Le langage utilisé dans la publicité n’est pas celui qui est employé dans l’informatique. Les abréviations utilisées ne sont comprises que par les personnes d’un même groupe où d’un même secteur par exemple dans l’Éducation Nationale. Un groupe différent en utilisera d’autres comme par exemple à l’hôpital.
Que dire du langage d’un groupe ?
Il est propre au groupe auquel on appartient ; le cadre supérieur aura un langage châtié, celui de l’ouvrier sera moins élaboré. Le langage des jeunes est quelque peu éloigné du langage des adultes. Parfois il est un peu agressif et appelle une réaction de la part des adultes.
Les adolescents adoptent également une tenue, un style, pour se connaître et se reconnaître. Pour se faire adopter dans un groupe, il faut changer son langage, son comportement, sa manière de faire, de penser et adopter les us et coutumes du groupe afin d’être intégré par lui.
C’est également une façon de se démarquer des autres groupes. Savoir adapter son langage aux autres est également un point fort pour être entendu. Si nous ne comprenons pas le langage parlé dans le groupe par exemple le dialecte alsacien, nous en sommes exclus.
Bernstein a montré que « les classes populaires utilisent un code restreint tandis que les classes supérieures utilisent un code élaboré, code que l’institution scolaire utilise également. Le code élaboré se traduit par une syntaxe riche, élaborée, beaucoup de vocabulaire, des mots de liaison et davantage d’abstraction que dans le code restreint. Dans celui-ci les phrases sont courtes et il y a moins de connexion logique et d’élaboration syntaxique que dans l’autre code » (Langage et classes sociales, codes sociolinguistiques et contrôle social, Édition de Minuit Paris, 1975).
La théorie néoclassique du capital humain apparaît au début des années 1960 sous l’impulsion des travaux de Théodore Schulz et de Gary Becker. Les différences qui sont constatées dans la répartition des revenus résultent des différences d’investissement dans les niveaux de formation. Les avantages en termes de revenus s’expliquent par le fait que ceux qui en bénéficient ont auparavant « investi » en sacrifiant leur jeunesse, leur temps libre, leurs loisirs, leurs ressources, pour acquérir un avantage en terme de formation.

C – Le langage dans l’insertion des jeunes en difficulté psychique

Le jeune se sent en difficulté. S’il n’arrive pas à verbaliser ses sentiments, ou bien ce qu’il a à dire par le langage oral, il utilise le langage du corps. Cela se traduit par de la violence. Il veut prouver son identité, s’il ne peut pas parler, il agit. La parole est de moins en moins utilisée et les passages à l’acte sont de plus en plus nombreux.
Chez les jeunes, le langage et la tenue vestimentaire sont très importants. Chez eux « tout est langage » : il en est de même pour les tatouages, les scarifications, les percings, les conduites additives. Tout cela symbolise leur appartenance au groupe, mais aussi parfois leur mal être. Le jeune a déjà du mal à se comprendre, à se connaître alors il lui est très difficile de communiquer avec les autres.
La socialisation du petit enfant s’opère en premier lieu dans sa famille. Or pour réussir scolairement, constate Bernstein, « un enfant de classe populaire doit non seulement apprendre à percevoir et à produire des structures linguistiques qui ne sont pas de mise dans son milieu familial et social, mais il doit plus profondément encore, changer de mode de communication et de relation aux choses et aux personnes. Il doit transformer sa « vision du monde » et adopter une autre stratégie sociale».
Un enfant de milieu aisé n’aura pas à faire tout ce travail. Il part donc favorisé. C’est ainsi que Bourdieu, Muller, Coleman, Magrid disent que l’égalité face à l’école n’existe pas.
P. Bourdieu et J. C. Passeron avaient noté que les étudiants issus des milieux sociaux les plus favorisés bénéficiaient de privilèges sociaux qui aidaient à leur réussite. (Les Héritiers. Les étudiants et la culture, Éditions de Minuit, 1964). Ils ont démontré que le système scolaire confortait les inégalités parce qu’il les ignorait. « L’indifférence aux différences » fait des inégalités des différences « naturelles » dues à des dons ou des aptitudes innées. ( La reproduction, Éditions de Minuit, 1970).
Jacques Lautrey rappelle le rôle des principes éducatifs et des systèmes de valeurs. Les familles populaires subissent des contraintes liées à leur position sociale, qui les obligent à avoir une « forme de structuration rigide » où le mode de l’autorité prime (Classe sociale, milieu familial, intelligence, PUF, 1980).
Ce style éducatif, qui met au premier plan l’obéissance et la soumission aux adultes, est susceptible de freiner le développement de la curiosité et de l’esprit critique. C’est pourquoi l’élève aura tendance à se soumettre à l’école et à peu s’exprimer, d’où peut-être un manque de pratique à l’oral ? Un style plus souple sollicitant la coopération entre les adultes et les enfants valorise l’activité propre de l’enfant, développe son initiative et sa créativité.
Le langage n’est pas seulement un élément de la culture parmi d’autres, il est aussi le véhicule de tous les autres apprentissages culturels. En effet l’enfant apprend à connaître les us et coutumes, les règles, les interdits et les obligations. C’est parce que son entourage lui a parlé, qu’il a appris à comprendre et à parler cette langue.
C. Baudelot et R. Establet prononcent un réquisitoire contre l’école qu’ils analysent comme un instrument du maintien et de la diffusion de l’idéologie des classes dominantes. Le système capitaliste, inégalitaire, ne peut fonctionner que parce qu’il existe un système de valeurs et de règles qui légitime son existence. Cette idéologie est véhiculée par l’école et est le reflet de la division sociale entre classes antagonistes (ouvriers et bourgeois) en préparant chacun à un rôle spécifique dans la société.
Cette école « de classes » comprend deux réseaux, l’un destiné au « travail intellectuel » et l’autre « au travail manuel ». Les classes sociales (les dominantes exerçant des travaux intellectuels, et les dominées cantonnées dans des activités moins nobles) se reproduisent ainsi. (L’école capitaliste en France, Maspero, 1971).
Pour certains sociologues, l’école est « un filtre », elle sélectionne. La fonction de l’enseignement n’est pas d’octroyer des compétences, mais plutôt de certifier que l’élève est apte à suivre une formation qui lui conférera un certain statut. Cette formation de masse ne remplit plus sa fonction de filtrage, de sorte que vont apparaître d’autres formes de sélection, plus cachées. Ainsi tous les baccalauréats ne se valent pas.
Pour Raymond Boudon et les sociologues du courant de « l’individualisme méthodologique », « les inégalités scolaires résultent des comportements individuels et de leurs familles, qui effectuent, à chaque étape du cursus scolaire, des choix en fonction d’une analyse des coûts escomptés par rapport aux coûts subis » (L’inégalité des chances. La mobilité sociale dans les sociétés industrielles, PUF, 1973).
Cela dépend également du niveau d’information acquis par les parents. Ils peuvent alors choisir l’établissement scolaire dans lequel ils souhaitent inscrire leurs enfants et sollicitent une dérogation par rapport à la carte scolaire.
L’étude de A. Prost met en évidence l’existence de sections « de relégation » dans lesquelles les enfants des classes populaires sont plus fortement représentés, alors qu’existent des sections normales (actuellement les sections L et ES) ou de prestige (la section S) dans lesquelles les enfants des classes moyennes et supérieures sont surreprésentés.
C’est pourquoi la réussite au cours préparatoire (CP) détermine déjà les réussites ultérieures. Les familles les moins aisées doutant de l’investissement éducatif, limitent volontairement les vœux de leurs enfants, alors que les autres familles, plus averties, par le choix des options ou des redoublements, utilisent pleinement le système éducatif.
Et l’on aboutit ainsi à de très importantes inégalités : « un enfant de cadre supérieur de valeur faible a 63.4% de chances d’accéder au second cycle long, contre seulement 15.8% à un fils d’ouvrier de même valeur ». (Les scolarités de la maternelle au lycée, M. Duru-Bellat, J.P.Jarousse, A. Mingat, Revue française de sociologie, 1993, p.10). Le même comportement se retrouve devant les propositions de redoublement.
Les grandes écoles symbolisent « un recrutement toujours plus élitiste. Ainsi le nombre « d’étudiants d’origine populaire à l’école nationale d’administration (ENA) est passé de 18,3 pour la période 1951-1955 à 6,1 en 1989-1993. Pour l’école des hautes études commerciales (HEC), les chiffres sont respectivement passés de 38.2 à 11.8 » (L’école malade du chômage, Alternatives Economiques n°168, mars 1999, p.27).
Ce n’est pas forcément par manque d’argent que les livres à la maison sont peu nombreux mais par désintérêt. L’enfant n’est pas habitué à voir ses parents lire, où parfois l’école est dénigrée. Les parents n’osent pas ou
n’ont pas envie d’aller aux réunions parents professeurs car cela les renvoie à leur propre échec. Il est alors plus difficile dans ces conditions pour l’enfant d’investir l’école et d’apprendre à lire.

Section 2 – L’espéranto : historique et action pédagogique

A – Son historique
Ludwik lejzer Zamenhof est né le 15 décembre 1859 à Bialystok. Cette ville située de nos jours en Pologne était alors « sur une terre disputée et opprimée, à un confluent d’ethnies et d’influences, la province balte de Lituanie, partie intégrante de l’Empire russe » (L’espéranto Pierre Janton Que sais-je ? n° 1511, PUF 1989 p.27).
Dans cette ville se côtoient des Allemands, des Russes, des Polonais, des Juifs et plusieurs minorités. Chaque communauté pratique sa religion et parle sa langue. Les gens ne se comprennent pas, ils sont en conflit et il existe des ghettos. Zamenhof a vécu « l’expérience directe de la souffrance engendrée par les heurts entre groupes sociaux ». Il ressent au plus profond de sa sensibilité cette division que la pluralité des langues exacerbe.
« La création d’une langue internationale est donc pour lui le premier pas d’une démarche de réconciliation qui en comprend bien d’autres : démarche désintéressée et altruiste, foncièrement idéaliste, au profit de tous ceux qui souffrent effectivement de ne pas comprendre et de rester incompris » (L’espéranto p.29).
Zamenhof pense que si le problème de communication pouvait être résolu, les peuples pourraient s’entendre. « Brillant élève, doué pour les langues, il s’attache à en construire une dans laquelle nul ne se sentira dominé par l’autre, dans laquelle chacun pourra mieux connaître l’autre, l’apprécier » (extrait du document « Raconte-moi l’espéranto »).
Ses objectifs sont les suivants: « rendre sa langue facile au point que chacun puisse l’apprendre en peu de temps ; la rendre immédiatement utilisable grâce à la logique et à la simplicité de sa structure ; trouver un moyen d’inciter le public à la pratiquer en masse » (Espéranto ou Babel : faut choisir, André Cherpillod , Autoédition 1995 p.13).
« Zamenhof avait voulu une langue simple pour qu’elle soit démocratique et permette à tous les hommes, et pas seulement à une élite, de communiquer entre eux » (Espéranto : Une langue sans frontières Bibliothèque de Travail second degré n°257, Publications de l’école moderne française 1993 p.12).
Son père est professeur d’allemand et de français. Zamenhof a appris le russe, le polonais, l’allemand, l’hébreu, le yiddish, le latin, le grec ancien, l’anglais, le français et l’italien. Il étudie les langues, les compare, étudie ce qu’elles ont en commun et ce qui les sépare.
C’est pourquoi à l’âge de 19 ans après 4 années de travail, il présente un projet de langue appelé « lingwe uniwersala », projet qu’il teste auprès de ses camarades de classe.
Par crainte de voir la police tsariste mettre la main sur les travaux linguistiques de son fils, Mark Zamenhof détruit les documents. Zamenhof n’aura de cesse que de reconstruire la langue. Il fait des études pour devenir médecin, se spécialise en ophtalmologie. Il soigne les gens défavorisés souvent gratuitement et la nuit il travaille sur sa nouvelle langue. Il vit plutôt mal que bien.
Le 26 juillet 1887, il publie, un manuel en russe : « Lingvo Internacia , Antaùparolo kaj plena lernolibro » ( Langue Internationale, préface et livre d’étude complet ) sous le pseudonyme « Doktoro Esperanto » en raison de la censure tsariste. « Esperanto » signifie « celui qui espère ».
L'évolution de la langue est lente mais constante sur les cinq continents . Grâce à son réseau de correspondants en 1890, l’espéranto a déjà plus de 2000 locuteurs (même en Australie). Elle existe dans plus de 100 pays dans le monde aujourd'hui, elle est bien conforme à sa pensée et à ce qu'il
écrivait en 1887 : « Que je vive ou que je meure, que je conserve ou que je perde mes forces physiques et intellectuelles, la Langue Internationale est désormais étrangère à tout cela, de même que le sort d'une langue vivante est étranger aux vicissitudes survenant dans la vie de telle ou telle personne ». Il était alors âgé de 28 ans.
Zamenhof comprit, dès le lancement de sa langue, que celle-ci devait être la propriété de l'humanité, mais ne jamais appartenir à un groupe, à une personne, à une association, à une nation. Il utilisa pour la réalisation de sa langue son amour illimité pour l'homme et l'humanité, un amour tel qu’il y puisa toutes les forces de son esprit et de son corps.
Max Müller, éminent linguiste de l’époque et Léon Tolstoï en 1894 sont favorables à l’espéranto. Tolstoï déclare : « Les sacrifices que fera tout homme de notre monde européen, en consacrant quelque temps à l’étude de l’espéranto, sont tellement petits, et les résultats qui peuvent en découler tellement grands, qu’on ne peut se refuser à faire cet essai » (Espéranto : Une langue sans frontières, p.10).
Cette déclaration conduisit aussitôt la censure tsariste à interdire le journal « La Esperantisto », qui paraîtra désormais en Allemagne. Malgré la censure du régime tsariste en 1895, la langue franchit l’Empire russe et s’étendit aux autres continents. Des sociétés d’espéranto sont créées : il y en a 44 en 1902 et 308 en 1905.
Les propos qui suivent résument les thèmes de l'exposé de Zamenhof extraits de sa thèse « Essence et Avenir de l'Idée de Langue Internationale », présentée en 1900 à Paris lors de l'Exposition Universelle, au Congrès de l'Association Française pour l'Avancement des Sciences :
Ý l'adoption d'une langue internationale apporterait un grand bienfait à l'humanité,
Ý l'adoption d'une langue internationale est tout à fait possible,
Ý tôt ou tard l'adoption d'une langue internationale sera effective, quelles que soient les positions routinières contre cette idée,
Ý comme langue internationale, jamais une autre langue qu'une langue construite ne sera choisie,
En 1905, le premier Congrès Universel d’Espéranto a lieu à Boulogne-sur-Mer avec 688 participants de 20 pays. Il est la preuve vivante que l’espéranto fonctionne également à l’oral, l’écrit étant utilisé jusque là. C'est la consécration avec l'adoption du « Fundamento de Esperanto » (Grammaire Fondamentale d'Espéranto), de la Déclaration sur l'Espérantisme, et la création du Comité Linguistique qui donnera naissance à l'Académie d'Espéranto en 1908.
Les congrès universels vont se succéder, ils ne seront interrompus que par les deux Guerres mondiales.
En 1906, l’espéranto pénètre en Chine et en 1912 au Japon. En 1912, on enregistre 1575 groupes espérantistes : 1245 en Europe, 247 en Amérique, 39 en Asie, 28 en Océanie et 16 en Afrique.
En 1905, le savant Paul Berthelot fonde la revue « Espéranto ». En 1908, le suisse Hector Hodler créé l’Universala Esperanto-Asocio (UEA : Association Universelle d’Espéranto).
D’autres congrès espérantistes ont lieu à Genève, Cambridge, Dresde, Barcelone, Washington, Anvers, Cracovie, Berne. L’espéranto se développe à travers le monde, surtout au Japon et en Chine. Le congrès à Paris doit avoir lieu le 2 août 1914 avec 3789 participants de 50 pays. Il n’aura pas lieu en raison de la première Guerre Mondiale qui vient d’éclater.
Zamenhof ne verra pas le renouveau de la langue après la guerre puisqu’il décède à l’âge de 58 ans, le 14 avril 1917 à Varsovie.
Beaucoup de groupes sont dissous pendant la première Guerre mondiale. Les espérantistes seront aussi victimes des dictatures : beaucoup périront dans les camps nazis. D’une manière générale les dictateurs n’ont jamais aimé l’espéranto. C’est ainsi qu’en Espagne sous Franco, au Portugal avec Salazar ou au Japon après 1936, les espérantistes seront persécutés. Staline, anéantit le mouvement en URSS entre 1937 et 1954.
La seconde Guerre mondiale et la guerre froide confirmeront le déclin de l’espéranto.
Les traductions ont permis en outre à Zamenhof de faire en même temps la démonstration de la solidité et de la souplesse de la Langue, son adaptation à toutes les formes de la pensée et de l'expression dans toutes les activités de la vie. C'est en effet par la littérature que la langue a acquis sa perfection linguistique, pour devenir un véhicule culturel. Au lieu d'élaborer une grammaire détaillée, Zamenhof a préféré traduire, sur la base de la grammaire fondamentale, autant de chef-d’œuvres qu'il le pouvait.
Parmi les premières traductions de Zamenhof, nous pouvons citer de grandes œuvres littéraires, la Bible et des contes.
Ý La Bataille de la Vie, de Dickens (1891, première traduction)
Ý Hamlet, de Shakespeare (1894)
Ý Fundamenta Krestomatio (1903)
Ý Le Revizor, de Gogol, (1907)
Ý La Sainte Bible (1907, 1908 et 1909) (extraits)
Ý Iphigénie en Tauride, de Goethe ( 1908)
Ý George Dandin, de Molière (1908)
Ý Les Brigands, de Schiller (1908)
Ý Les Proverbes, de Salomon (1909)
Ý Marta, d’ Eliza Orzeszko (1910)
Ý Les Contes d'Andersen (en trois éditions: vol I, 1923 ; vol II, 1926 ; vol III, 1932 ; vol IV, 1963)
Ý L'Ancien Testament (revu par le Comité biblique en 1926).
Les origines juives de Zamenhof renforcent sa souffrance. Ainsi il écrit :« Si je n'étais pas un juif du ghetto, l'idée d'unir l'humanité ou bien ne m'aurait pas effleuré l'esprit, ou bien ne m'aurait pas obsédé si obstinément pendant toute ma vie.
Personne ne peut ressentir autant qu'un juif du ghetto le malheur de la division humaine. Personne ne peut ressentir la nécessité d'une langue humainement neutre et anationale aussi fort qu'un juif, qui est obligé de prier Dieu dans une langue morte depuis longtemps, qui reçoit son éducation et son instruction d'un peuple qui le rejette, et qui a des compagnons de souffrance sur toute la terre, avec lesquels il ne peut se comprendre ...
Ma judaïcité a été la cause principale pour laquelle, dès la plus tendre enfance, je me suis voué à une idée et à un rêve essentiel, au rêve d'unir l'humanité ... » (Leteroj de Zamenhof, n° 92, page 105, lettre du 21 février 1905 à Alfred Michaux, Éditions SAT,1948).
Il affirme : « Les hommes sont égaux : ce sont des créatures de la même espèce. Ils ont tous un cœur, un cerveau, des organes générateurs, un idéal et des besoins ; seules la langue et la nationalité les différencient ».

B – Valeur pédagogique

1 - Les valeurs de l’espéranto : fraternité, universalité, pacifisme et égalité

Le but de Zamenhof est la réconciliation entre les hommes.
Grâce à l’espéranto « des hommes de divers pays se comprennent et se parlent en frères. Ce ne sont plus des Français qui parlent à des Anglais ni des Russes à des Polonais, mais des hommes qui parlent à des hommes. L’usage d’une langue artificielle dans les relations internationales a l’avantage de ne pas froisser les nationalismes, de ne pas humilier certains peuples devant d’autres et de reconnaître l’égalité foncière de toutes les langues naturelles ».
Dans une assemblée d’espérantistes, dit Zamenhof, « il n’existe pas de nations fortes ni de nations faibles, des privilégiés et des non-privilégiés ; personne n’est humilié, personne ne se sent gêné ; nous nous tenons tous sur un fondement neutre, nous sommes tous pleinement égaux en droits ; nous nous sentons membres d’une seule nation, membres d’une seule famille » (L’espéranto p.33 et 34).
L’espéranto n’est la langue de personne mais il appartient à tout le monde. Sa culture est anationale et n’enferme pas les gens dans un type de culture. La langue prône le pacifisme et l’égalité entre les hommes. Tous les hommes sont égaux, il n’y a ni dominant, ni dominé. Les espérantistes sont souvent des gens chaleureux et non violents tournés vers les autres, s’intéressant beaucoup aux peuples des autres pays.

2 - Dimension pédagogique de l’espéranto

« L’institut de cybernétique de Paderborn en Allemagne a comparé scientifiquement un groupe d’enfants ayant commencé par 160 heures d’espéranto et un autre groupe ayant commencé directement par l’anglais. Le groupe qui a commencé par l’anglais est rattrapé puis dépassé par celui qui a d’abord appris l’espéranto.
D’autres expériences donnent le même résultat. En effet, l’espéranto donne à l’élève l’occasion de maîtriser ce qui est le plus difficile : savoir se
décentrer par rapport à sa propre langue, apprendre à structurer autrement son langage et sa pensée.
Mais cet apprentissage, au lieu de le plonger en même temps dans les complications et exceptions d’une autre langue, le confronte à la structure logique et régulière de l’espéranto » (Espéranto : une langue sans frontière p. 20).
Zamenhof s’attache à travailler plus particulièrement la facilité d’apprentissage et l’internationalité du lexique. « Si une langue universelle se doit d’être riche et précise afin d’exprimer toutes les nuances de la pensée et de l’activité humaine, elle doit aussi être régulière et simple de formation, donc facile à apprendre» (Monnerot-Dumaine: Précis d’interlinguistique générale et spéciale Paris, Éditions Du Scorpion,1960, p. 24).
Pour Andrew Large, « l’espéranto est un modèle de régularité, de simplicité et de beauté. Il reconnaît à l’espéranto la régularité du système grammatical et également une grande simplicité de la prononciation et de la phonétique » (The artificial language Movement, B.Blackwell, Oxford, 1985, p.20).
Selon P. Janton, « par sa structure, il se prête particulièrement à l’expérimentation pédagogique (…). Il est prouvé que l’espéranto est la seule langue où, compétence et performance peuvent s’acquérir rapidement.
Des études ont montré « qu’un français apprend autant d’espéranto en 150 heures que d’anglais en 1500. Ces études font ressortir, outre la facilité de l’espéranto, son apport positif à l’apprentissage de la langue maternelle, son rôle propédeutique à l’étude des langues étrangères et sa valeur d’éveil aux autres cultures » (L’espéranto p.117).

3 - Les aspects sociolinguistiques

Les représentations sur la langue et l’hostilité par rapport à l’espéranto.
Le mouvement international espérantiste ne dispose pas des moyens financiers et les partisans de l’espéranto ne sont pas assez riches pour lancer les campagnes de publicité qui seraient nécessaires pour faire connaître l’existence de la langue.
« En tant que phénomène sociolinguistique, l’espéranto ne peut pas davantage être connu dans sa réalité, car on ne peut le découvrir par les sources habituelles d’information : école, conversations, livres et médias. Dans leur grande majorité, ces sources l’ignorent ou en donne une image gravement déformée. Dépourvue de personnalité juridique, une langue ne peut se défendre quand on la calomnie. Sa diffusion est donc limitée aux contacts individuel » (Le défi des langues : du gâchis au bon sens, Claude Piron, Éditions l’Harmattan, 1994, p.210).

4 - Présentation lexicale et grammaticale de l’espéranto

C’est une langue à la fois précise et facile.
La prononciation est simple : une lettre est égale à un son ; un son est égal à une lettre.
Tous les noms se terminent par « o », les adjectifs par « a », les adverbes par « e ». Pour former le pluriel, il faut ajouter un « j ».
Les familles de mots sont logiques, faciles à construire et à retenir. Comme il n’y a pas d’exception, il est possible de généraliser le savoir acquis.
Ainsi :
naturo la nature natura naturel / le nature naturellement
Sur le plan de la conjugaison :
Au présent, tous les verbes se terminent par « as », au passé par « is » et au futur par « os ». Seul, le pronom personnel change.
Ex :
mi parolas : je parle ni parolis : nous parlions vi parolos : vous parlerez
Ainsi avec 12 terminaisons, nous pouvons conjuguer tous les verbes à tous les temps.
Des affixes, à signification constante, modifient le sens des mots, ce qui permet une grande économie de vocabulaire :
Exemples :
Le préfixe MAL signifie « le contraire de… »
beau = bela malbela = laid
Le suffixe INO signifie « le féminin de… »
ami = amiko amikino = amie
Le suffixe IDO signifie « le descendant de… »
chat = kato Katido=chaton
Le suffixe EJO signifie « l’endroit pour… »
chien = hundo hundejo = chenil
L’espéranto suit le principe de l’assimilation généralisatrice :
« Le psychologue suisse Jean Piaget a exposé le principe de l’assimilation génératrice, selon lequel nous avons tous commencé à parler. Un enfant de cinq ans, par exemple, a entendu les mots fermier, serrurier, poissonnier. À partir de là, il fabrique chaussurier pour « cordonnier », fleurier pour « fleuriste ». L’esprit humain a donc tendance à assimiler un élément plus fréquemment entendu que d’autres, puis à le généraliser » (Espéranto ou Babel : faut choisir p.13 et 14).
Ce principe symbolise la simplicité d’apprentissage de l’espéranto. Les règles sont généralisées. De fait, la mémoire n’est pas encombrée et il est possible de créer ses propres mots, ses propres phrases et de s’approprier la langue et d’être ainsi acteur de son apprentissage.

5 - Exemple d’une application pratique : l’Association Réinsertion et Espéranto

Création de l’association
L’association « Réinsertion et Espéranto », association régie selon la loi de 1901, a été créée en septembre 1997 à Montpellier. Son but est « la réinsertion par l’apprentissage de la langue internationale, des chômeurs, des bénéficiaires du revenu minimum d’insertion (R.M.I .) et des jeunes en difficulté ». Ainsi elle propose à des jeunes en recherche d’emploi d’apprendre la langue pour ensuite être embauchés comme espérantistes professionnels afin d’enseigner et de développer la langue internationale.
Réinsertion et Espéranto se donne pour vocation de devenir à terme « un centre d’espéranto professionnel spécialisé, basé à Montpellier, et destiné à assurer la promotion, l’information et l’enseignement de la Langue Internationale ainsi que des services de traductions à partir et vers n’importe quelle langue ». Son champ d’action s’étend déjà dans toute la région Languedoc-Roussillon, mais également en région Midi-Pyrénées et en Provence Alpes-Côte d’Azur.

Le projet de cette association avec sa composante sociale mais également linguistique s’inscrit bien dans le cadre de la construction européenne et de la mondialisation, l’espéranto pouvant servir de langue-pont non seulement pour améliorer la communication au sein des différents pays mais également entre les simples citoyens.
Missions de cette association
Son but est de promouvoir, d’enseigner et de développer l’espéranto. Pour cela, et compte tenu du peu d’intérêt porté par les pouvoirs publics à l’encontre de cette langue, cette association s’est donnée pour mission d’informer les collectivités territoriales, le monde associatif, le grand public et le milieu scolaire aussi bien au niveau primaire, qu’en collège et au lycée par le biais de conférences, de cours et d’expositions.
En outre, tout est mis en œuvre pour se rapprocher de ceux qui militent également pour faire progresser la culture de la paix, la tolérance et l’égalité linguistique et pour que les enfants au moins sachent qu’il existe une autre langue internationale que l’anglais.
Moyens de cette association
Ils sont humains et financiers.
Moyens humains :
Il est proposé à des jeunes au chômage d’acquérir par le biais d’une formation gratuite la connaissance de la langue internationale afin de disposer d’une possibilité supplémentaire pour s’insérer ou se réinsérer dans la vie.
L’association a formé et embauché des chômeurs. Elle a créé 2 postes. Comme nous l’avons dit plus haut, ces personnes ont appris l’espéranto et ont passé les examens pour pouvoir l’enseigner. Elles ont été embauchées dans le cadre des Emploi-Jeunes, mais surtout avec un contrat à durée indéterminée (CDI). Enfin un animateur sous contrat emploi consolidé (C.E.C.) a été embauché en décembre 2002, également en CDI. Il est chargé de développer les projets de l’association, d’encadrer l’équipe et d’assurer les fonctions de direction et de gestion.
Moyens financiers :
Pour 2003, le budget de fonctionnement, alimenté par les dons, les cours et la vente de livres, est de 40 000€.
Public concerné
L’association travaille surtout avec les écoles primaires , les collèges et les lycées.
Fonctionnement
Des conférences sont organisées pour le grand public sur les trois thèmes suivants : « l’Union Européenne et les langues : mythes et réalités », « la langue internationale Espéranto : une vraie langue vivante portée par un idéal », enfin « la langue internationale Espéranto : un véritable outil propédeutique à la disposition de l’instituteur ».
D’autres conférences sont organisées dans les lycées et les collèges généralement dans les classes pour présenter aux élèves l’espéranto et ses valeurs morales. Parfois une initiation à l’espéranto en est la conséquence.
Des cours sont organisés dans certains collèges et lycées. Ainsi l’espéranto est enseigné depuis 2 ans au Lycée Professionnel Robert Schuman d’Avignon en classe de 3ème technologique à raison de 2 heures par semaine. Le groupe d’élèves étant divisé en deux, les élèves suivent un cours de 2 heures tous les 15 jours.
Un cours d’espéranto a également lieu une heure par semaine dans les foyers socio-éducatifs des collèges « Jean Brunet » à Avignon, « les Oliviers » à Nîmes et « Marcel Pagnol » à Montpellier.
En ce qui concerne les écoles primaires, il est souhaitable de sensibiliser les enseignants à la valeur pédagogique de l’espéranto tant dans la découverte par les enfants de la richesse de la langue française que dans l’éveil aux structures linguistiques étrangères tout en leur offrant une ouverture d’esprit vers les valeurs universelles promues par cette langue.
L’association Réinsertion et Espéranto étant un organisme de formation enregistré auprès des services compétents de la Direction du Travail de l’Hérault, l’enseignement de l’espéranto peut être dispensé dans le cadre de la formation continue au personnel des entreprises. Ces dernières ont également la possibilité d’utiliser le système international de traduction INTRASYS.
Pédagogie pratiquée
Les méthodes utilisées sont :
- « la méthode Cseh » : l’enseignant n’utilise aucun mot des langues maternelles des élèves. Il s’exprime uniquement en espéranto à l’aide d’objets, de gestes, de mimiques et de dessins,
- « le nouveau cours rationnel et complet d’espéranto» : il se compose
d’un manuel et d’une cassette.
- Avec les jeunes, il s’agit plutôt de cours oraux, ludiques et proches des préoccupations des jeunes.
Difficultés rencontrées par l’association
L’Association mérite d’être aidée, développée et entendue. Or, elle a peu d’appuis aussi bien politiques que financiers. La formation en espéranto n’étant pas rémunérée, de nombreux jeunes candidats à l’embauche ont abandonné la formation, une difficulté qui aboutit au non développement de l’espéranto et qui ralentit le projet. Il faudrait davantage de personnes dans l’association pour la faire fonctionner dans de bonnes conditions.
Le fonctionnement propre de l’Éducation Nationale fait que chaque année scolaire remet en question les accords passés. La structure doit donc sans cesse démarcher, même auprès des établissements qui l’ont accueillie l’année précédente (par exemple dans le cas où l’équipe dirigeante a changé).
Projets
Le but essentiel est de poursuivre le développement de l’espéranto par le biais de cours, de conférences et d’actions pour sensibiliser le grand public.Nos réflexions personnelles à propos de l’association Réinsertion et Espéranto
Il faut aider au développement et au renforcement de l’association. Pour ce faire, il faut trouver d’autres personnes intéressées par le projet. Il est peut-être également possible de la copier ou de créer des antennes de Réinsertion et Espéranto dans d’autres régions.
C’est la seule association dans le monde qui s’occupe de réinsertion et d’espéranto en même temps. Elle est tournée vers l’extérieur et se préoccupe aussi bien des jeunes que des adultes par le biais de cours, de conférences et d’expositions. Cela montre également que l’espéranto n’est plus le rêve de quelques-uns mais bien une réalité.
Le fait qu’il y ait des donateurs et des adhérents dans toute la France montre également que des personnes croient et soutiennent l’espéranto et la réinsertion des jeunes.
Au départ, cette association fonctionnait grâce à des bénévoles. Depuis février 2001, deux personnes sont salariées. C’est également la première fois que des jeunes qui sont formés à l’espéranto en vivent. Ce n’est plus un loisir ; c’est un travail. Ainsi l’espéranto est au service de l’espéranto.
La mission de ces jeunes est d’informer, de donner des cours et de développer l’espéranto. Et qui peut mieux le faire que des jeunes surtout lorsqu’il s’agit d’en parler à d’autres jeunes ? D’autant plus que ces jeunes qui étaient en difficulté connaissent bien les problèmes des autres jeunes et ils sont la preuve que quelle que soit la situation de départ, il est possible de s’en sortir. C’est également la preuve que l’espéranto redonne confiance et permet de faire des projets, c’est ce que montre également le travail réalisé aux Glacis.
Inutile de dire que ce que nous vivons dans nos clubs, bien confinés et à l’abri du regard des autres est loin de cette réalité. Il faut sortir du club et aller vers les autres car si nous appartenons à un groupe d’espéranto, c’est parce que nous y croyons. Or, ce sont les autres qu’il faut convaincre en leur montrant l’utilité d’apprendre l’espéranto.
Pourquoi l’association « Réinsertion et Espéranto » rencontre t-elle des résistances ?
Selon le Docteur Thierry Saladin, directeur de l’association, « par le message qu’elle tente de faire passer auprès du grand public, cette association dérange. Son activité de prospection la met en effet chaque jour au contact de gens qui ne sont pas forcément contre l’espéranto (bien souvent ils ne connaissent même pas son existence), mais ces personnes ont des clichés, des phrases toutes faites en guise de réponse, persuadées de leur compétence dans le domaine des langues et de la communication.
Mais elles sont complètement dans l’idée reçue. Or, ce qui est étonnant et hélas quotidien, c’est l’impossibilité de faire passer un quelconque message basé sur un raisonnement. Tout se passe comme si le rationnel subissait la loi de l’émotionnel. Malgré la démonstration cartésienne, le message ne passe pas. Vous venez de démonter un argument, on vous en donne immédiatement un autre qui ne supportera pas non plus l’épreuve des faits et ainsi de suite.
Combien de personnes avons nous rencontré dont l’érudition pour ne pas dire la culture mérite le respect et qui deviennent tout à coup incapables d’intégrer un message avec un raisonnement clair dès qu’il s’agit des langues ! C’est très curieux.
En outre, l’idée dominante véhiculant d’autres vérités, toujours sans preuves, chacun suit le mouvement et ce mouvement dit qu’il faut connaître l’anglais pour s’en sortir, ce qui est vrai évidemment et nous ne le contestons en aucune façon, mais tout cela risque d’être lourd de conséquences si personne ne veut y prendre garde ».
La langue internationale espéranto fonctionne correctement et ce avec peu de moyens financiers. Cela montre à quel point notre système est défaillant en ce qui concerne l’apprentissage des langues étrangères et leur utilisation aussi bien à l’école que dans les organisations internationales comme l’Organisation des Nations Unies ou l’Union Européenne.
Les sommes investies dans l’apprentissage des langues et la traduction sont faramineuses pour des résultats médiocres. Dans ces conditions, pourquoi persister à ne pas essayer l’espéranto en tant que langue-pont ?
L’Éducation nationale et les diverses institutions du pays vont du côté de l’anglais par habitude, par conformisme, par peur de l’inconnu. Selon l’Association Réinsertion et Espéranto, « 95% des enseignants n’ont pas une idée très précise ou ne connaissent pas du tout l’espéranto. Sur ces 95%, 9 sur dix refusent d’en parler avec nous et ne souhaitent pas en parler à leurs élèves ». Dans ces conditions, rencontrer des personnes proposant l’espéranto dans les écoles n’est pas à l’ordre du jour.
L’association « Réinsertion et Espéranto » propose une dynamique de formation qui débouche sur un véritable emploi. En effet, elle permet à des jeunes en difficulté de recevoir une formation en espéranto puis de passer des examens en vue d’être embauchés:
- niveau 1 : Atesto pri lernado (équivalent du BEPC)
- niveau 2 : Atesto pri praktika lernado (équivalent du baccalauréat)
- niveau 3 : Atesto de Kapableco (équivalent de la Maîtrise dans une langue)
Une seule année de cours suffit pour atteindre ce niveau en espéranto.
- niveau 4 : Altaj studoj (équivalent du doctorat)
Ce dernier examen ne leur est pas demandé. La kapableco (capacité) va leur permettre d’avoir un emploi de type CDI. À leur tour, ils vont promouvoir l’espéranto.
Le problème est que les stagiaires ne sont pas rémunérés pendant la formation, les pouvoirs publics ne le veulent pas et l’association n’en a pas les moyens. De ce fait, pour des raisons financières des jeunes abandonnent. L’argent est nécessaire pour continuer ce travail. C’est pourquoi l’aide des donateurs est importante, il faut la poursuivre et l’amplifier.
Vouloir développer l’espéranto chez les jeunes et à l’école est capital. En effet, quand on sait que l’espéranto facilite l’apprentissage des autres langues telles que l’allemand, l’anglais, l’espagnol…, il faudrait commencer par l’enseigner en premier.
Rappelons-nous la valeur pédagogique de l’espéranto. Les enseignants dans les écoles primaires auraient sans doute moins de problèmes à l’apprendre et à l’enseigner plutôt que d’essayer de faire la même chose
avec une langue comme l’anglais, ce qui, sans formation préalable n’est pas forcément facile.
De plus, les enfants seraient peut-être davantage intéressés par l’apprentissage des langues. En effet, l’enseignement de la langue que l’enfant apprend en premier est déterminant pour son avenir. Aussi l’enseignement de la langue, la méthode utilisée et le choix de la langue sont importants. Cela pourrait également redonner à l’enseignement davantage d’attrait.
Nous montrons dans ce mémoire comment l’espéranto redonne confiance.
Avoir un capital confiance permettrait sans doute à l’élève d’échapper à l’échec scolaire plus tard.
La facilité de l’espéranto n’est pas son unique avantage auprès des jeunes, il véhicule aussi l’idée de paix, d’ouverture sur le monde, d’échanges fraternels entre les peuples. Il apporte une image positive dans ce monde où souvent c’est le pessimisme qui domine avec l’annonce de guerres, de catastrophes, de fermetures d’usines, de meurtres…
Les jeunes ont besoin d’espoir, d’avoir un petit coin de paradis pour pouvoir rester en bonne santé dans notre société.

Chapitre 2 : DISPOSITIF PÉDAGOGIQUE D’INSERTION : L’ESPÉRANTO AU CENTRE DE SOINS DES GLACIS

Section 1 – Difficulté scolaire et marginalisation sociale
A – La perception de l’école par l’adolescent en difficulté psychique
Différentes situations peuvent se présenter :
L’adolescent ne se sent pas bien à l’école, il s’ennuie, il subit l’enseignement. Il n’arrive pas à se concentrer car il est trop préoccupé par ses problèmes : comment investir un cours de mathématiques par exemple lorsque son esprit est préoccupé par des problèmes qui lui semblent insurmontables ? L’adolescent est soumis à trop de pressions. Il se trouve donc en d’échec permanent et cette situation perdure.
L’école peut être source d’angoisse et de panique. Il a désinvesti l’école car il n’a pas de bons résultats scolaires. Il se sent trop « nul » et a peur de ne pas être à la hauteur. Il souhaite réussir mais n’y parvient pas. Il est isolé dans le groupe, il est mal à l’aise dans son corps, dans sa tête. Il peut parfois avoir de bons résultats scolaires mais il n’est pas intéressé par l’école. Parfois, il a l’impression de déranger l’institution scolaire, de ne pas être compris, d’être rejeté.
L’adolescent est en opposition par rapport à ses parents pour qui l’école est très importante. L’école est un enjeu important dans la famille : Il se sent contraint d’y aller par sa famille et par la société. C’est une obligation. Les parents souhaitent que leur enfant réussisse mieux qu’eux. L’entourage du jeune lui a expliqué qu’il devait réussir pour se préparer un bon avenir alors qu’il a peut-être constaté que quelqu’un qui lui était proche est au chômage et ne parvient pas à trouver du travail.
Dans ces conditions, quel peut être l’intérêt d’apprendre, de travailler à l’école si c’est pour se retrouver sans emploi plus tard ? L’école est alors synonyme de surinvestissement ou de rejet. Il est difficile de pouvoir investir la classe alors que le désir des parents, des adultes, de l’institution scolaire est tout autre que celui de l’adolescent. Ainsi en est-il pour Ophélie qui veut faire un BEP alors que ses parents veulent qu’elle continue sa classe de première au lycée.
L’école représente la norme. Armand, alors qu’il est en difficulté aux Glacis dit : « à l’école, je dois être normal et me comporter comme les autres, aux Glacis, je peux me montrer malade. »
Le scolaire est un enjeu très important pour soi, pour sa famille, envers les autres, pour son avenir. Il traduit l’image de la réussite future.
Parfois, quand les adolescents arrivent aux Glacis, ils ont épuisé toutes les filières de l’Éducation Nationale, aussi bien dans le public que dans le privé ; ils changent d’école chaque année voir même en milieu d’année. Le scolaire est pour eux synonyme de souffrance, de mise à l’écart par rapport à la norme.
Les relations avec les autres sont mauvaises, l’adolescent est parfois le bouc-émissaire, il est rejeté. Il est en grande souffrance. À force d’échecs à répétition et de souffrances, le jeune n’en peut plus et il va mal. Il se dévalorise et n’a plus confiance en lui.
Cette situation est d’autant plus difficile à vivre que les jeunes se sachant en échec se rendent compte de leurs difficultés. Cependant, ils n’arrivent pas à y faire face en partie à cause du fait que le langage parlé à l’école est éloigné du leur, qu’il n’y a pas de passerelle entre les deux et que dans notre société, seul ce qui est fait à l’école a de la valeur, mais également car leurs préoccupations sont très éloignées de l’école. C’est pourquoi, il faut construire avec ces jeunes des projets qui les valorisent et qui leur permettent de reprendre confiance en eux.
La plupart des jeunes qui fréquentent l’atelier scolaire sont en échec scolaire, ils se sentent « trop mal » pour étudier, ils se sentent « nuls », ils sont saturés, ils n’ont plus confiance en eux et n’ont pas envie d’étudier.

Notre but professionnel est de leur redonner envie d’apprendre afin de retourner à l’école, de suivre une formation, un apprentissage ou de changer d’orientation. Apprendre, pouvoir apprendre, acquérir des connaissances, une langue est très important dans la reconstruction du jeune.
B – La position de la société par rapport aux jeunes
La société a du mal à gérer les jeunes en difficulté ; il y a peu de structures et surtout peu de structures adaptées. Que faire avec un adolescent qui est mal dans sa peau, qui ne suit pas en classe, qui a des résultats médiocres ? Quel avenir peut-il espérer ? Quel avenir notre société propose-t-elle aux jeunes ? Reportons-nous aux conclusions du rapport Charvet.
Souvent on reporte l’échec sur le jeune. C’est de sa faute : il ne travaille pas assez, il est fainéant. Et la société, c’est-à-dire nous, l’école, les enseignants, les travailleurs sociaux, ne devrions-nous pas nous interroger sur les raisons de ces échecs et sur les moyens d’y remédier ? Malheureusement, nous remettons rarement en cause « le système ».
Les jeunes rêvent d’un monde meilleur, de paix et non de guerre. Ils veulent un monde où les gens se parlent, où cela ne soit pas la course « à l’argent ». Ils espèrent trouver un travail alors que parfois leurs parents sont au chômage et vivent dans des conditions difficiles.
C’est également pour cela que les adolescents ont du mal à s’investir dans l’école car même s’ils sont bons, s’ils ont des bons résultats ils ne sont pas sûrs de trouver du travail. Compte tenu de ce qu’ils entendent ou perçoivent de la société, de l’incertitude qui plane sur leur avenir, et de leur propre devenir ils s’inquiètent. De plus, c’est la course aux diplômes, à la réussite, à l’individualisme. Il n’est pas possible de rêver.

Section 2 – La pédagogie aux Glacis : l’adolescent est un acteur
En tant qu’éducatrice spécialisée de formation, nous avons en charge l’atelier pédagogique des Glacis. Notre but est d’amener les adolescents à pouvoir intégrer une démarche d’apprentissage, dans le cadre du soutien scolaire et de l’aide aux devoirs, en vue d’un retour en classe ou d’une réorientation.
Les jeunes qui ne sont pas scolarisés viennent en soutien scolaire, les adolescents scolarisés viennent après leurs cours pour une aide aux devoirs. Qu’ils soient scolarisés ou non, le but recherché en classe est de maintenir leurs acquis et de les faire progresser. Pour pouvoir investir l’activité, il est nécessaire que l’adolescent comprenne l’intérêt de venir en atelier pédagogique.
Au début, souvent, il ne veut pas venir. La porte de l’atelier est constamment ouverte ; il s’arrête ou passe son chemin. Parfois, il pose des questions, il vient chercher du matériel pour un autre atelier. Il peut aussi lire « l’actu » (quotidien auquel nous sommes abonnés), des bandes dessinées ou demander à utiliser l’ordinateur pour aller sur Internet.
Le jeune vient voir aussi les adolescents avec lesquels il s’entend bien et qui sont des « éléments moteurs ». Ces derniers peuvent peut-être désamorcer son angoisse pour l’aider à entrer. Le cours n’a pas forcément
lieu. Cela peut être des échanges ou des discussions sur des thèmes divers. Ainsi nous essayons de privilégier l’ouverture et de donner à l’adolescent le sentiment qu’il a le choix.
A – L’atelier pédagogique
La plupart des jeunes qui fréquentent l’atelier pédagogique sont en échec scolaire, ils se sentent « nuls », ils n’ont plus confiance en eux et n’ont pas envie de faire du scolaire. Ils sont mal dans leur être, ils fuient donc la classe. Notre but est de leur redonner envie d’apprendre afin de retourner à l’école, de suivre une formation, un apprentissage ou de changer d’orientation.
Nous nous préoccupons davantage du scolaire que d’organiser des sorties. En effet, il faut maintenir le scolaire car quelle que soit son orientation plus tard, le jeune sera très certainement dans un processus d’apprentissage et au vu du programme et de ses activités, il reste très peu de temps à consacrer à des activités sur l’extérieur.
Proposer aux patients des mathématiques ou du français les renvoient à ce qu’ils ont connu auparavant et n’est peut être pas le meilleur moyen pour les attirer en classe. Nous nous sommes aperçus qu’il fallait proposer autre chose qu’un enseignement de type classique. Nous avons réfléchi à ce qui pourrait les intéresser et leur donner envie de fréquenter l’atelier pédagogique. Nous étions alors à la recherche d’une activité qui les valorise et qui leur permette de reprendre confiance en eux. Notre but est de leur donner envie d’investir les activités scolaires sans reproduire ce qu’ils ont déjà connu .
Que proposer ? Nous nous sommes souvent posé cette question en présence des jeunes peu ou pas motivés pour le scolaire. Avec l’équipe soignante, nous avons beaucoup échangé sur l’atelier scolaire, sur notre fonction, sur les attentes de la structure et des jeunes.

C’est ainsi que nous avons débaptisé l’atelier. Il est donc devenu atelier pédagogique avec l’espoir que la notion de scolaire, qui induit souvent de la souffrance s’estompe. De plus, nous pensions que les parents, prendraient conscience de la réalité et des difficultés de leur enfant car suivre les cours ne résout pas tout.
Le terme « atelier pédagogique » rassure peut-être l’adolescent car les mots « scolaire, classe » lui rappellent ses difficultés. L’atelier pédagogique ouvre alors le champ de la prise en charge avec l’utilisation de l’ordinateur, la réalisation du journal, les sorties culturelles, une aide aux devoirs et du soutien scolaire.
Cependant, si modifier le nom de l’atelier scolaire était un premier pas, cela n’a pas résolu le problème. Les adolescents n’investissaient pas plus l’atelier pédagogique que l’école. Comment leur redonner envie d’apprendre ? Au vu de l’image négative du scolaire, que faire, que leur proposer ?
Nous arrivions également à un moment où nous nous demandions s’il ne fallait pas faire autre chose que du scolaire pour redonner espoir à ces jeunes. Il fallait apporter un changement pour redonner de la vie mais comment et sous quelle forme ?
Nous avons tenté de travailler avec d’autres supports. Nous avions un vieil ordinateur à disposition. Cependant, les activités proposées restaient assez scolaires avec l’utilisation de logiciels éducatifs et le traitement de texte pour réaliser le journal des Glacis.
Les sorties, les visites d’expositions, notamment au Carrefour Santé (lieu présentant des expositions en rapport avec la santé), au Kiosque CAF (service appartenant à la Caisse d’Allocations Familiales qui informe la population en matière de gestion de la vie quotidienne, en matière de budget, d’alimentation…), à la bibliothèque étaient intéressantes d’un point de vue culturel, de la vie en groupe, dans la société dite « normale » mais elles apportaient peu de choses sur le plan de l’apprentissage.
Il nous fallait donc trouver un support qui permette l’apprentissage. Nous sentions également qu’il nous fallait proposer des activités différentes, nouvelles en transformant la classe en un espace où les adolescents ne seraient pas en échec mais au contraire valorisés.
C’est pourquoi nous avons participé activement à des expositions :
- la fête de la lecture avec Lecturique (c’est une association qui aide au développement de la lecture) en 1992. Un travail fut présenté sous forme de jeux à partir d’un livre qui donnait envie de lire aux enfants. Un article relate cette expérience en annexe p.104.
- le SIDA au Carrefour Santé en 1999 : nous y avons réalisé et présenté un jeu du type trivial poursuite.
Ce type de travail n’est plus possible actuellement car les jeunes ne restent plus assez longtemps aux Glacis.
Face à des prises en charge de plus en plus courtes et notre désir de redonner confiance aux jeunes, l’activité choisie devait se mettre en place rapidement.
Le choix de l’espéranto releva du pur hasard. En effet, nous-mêmes apprenions cette langue à la MJC P.Desforges à Nancy et nous débutions. Nous la percevions comme un moyen d’offrir du nouveau par rapport à ce que les jeunes avaient connu. C’est ainsi que nous avons commencé à donner des cours à des adolescents volontaires sans savoir ce que cela pourrait leur apporter.
Nous trouvions cette langue facile à apprendre avec une philosophie orientée vers la paix, l’égalité entre les hommes, la correspondance et les voyages. Ce qui nous attirait également était le fait qu’avec une seule langue en plus de notre langue maternelle, nous étions en mesure de communiquer avec des gens du monde entier et que nous étions sur un même pied d’égalité avec les autres locuteurs espérantistes.
Ce n’est que beaucoup plus tard que nous avons perçu l’espéranto comme un moyen de réinsérer les adolescents. En effet, comme nous le verrons, il aide à se valoriser, à reprendre confiance en soi et à avoir envie de faire des projets.
Dans le cadre de l’atelier pédagogique, il est possible de suivre ou bien du soutien scolaire, ou bien de l’aide aux devoirs, ou bien encore un mixage des deux pour certains.
1 - Le soutien scolaire
Il se fait en fonction du projet mis en place avec l’adolescent et également en fonction de ses goûts. En effet, pour pouvoir investir, il faut trouver un intérêt dans l’activité. Le soutien est individualisé et sera différent selon que l’objectif est de retourner en classe ou de faire un apprentissage. Nous avons davantage de temps pour revoir ce qui n’est pas compris, il y a moins d’impératifs qu’en aide aux devoirs. Le patient peut travailler à son rythme mais également sur son comportement.
Le point commun à tous ces jeunes est le problème que l’école leur pose. Il est difficile dans ces conditions de repenser les études d’une manière classique. Il faut alors trouver le moyen de redonner confiance au jeune, c’est une des raisons entre autres qui nous a amenées à utiliser l’espéranto.
La visite d’expositions, les sorties à la médiathèque sont également possibles. Le travail sur l’extérieur n’est pas à négliger car l’extérieur fait également partie de la vie.
Pour ceux qui suivent des cours Aiscobam nous leur proposons également une aide aux devoirs.
2 - L’aide aux devoirs
Sa finalité n’est pas de faire les devoirs à la place de l’adolescent mais de l’aider à les faire et de l’amener à travailler en autonomie. Le programme donné par l’Éducation Nationale est impératif. Les dates des devoirs sont fixées et il n’est pas possible de déroger à ces règles.
Le groupe d’adolescents est hétérogène avec des âges et des niveaux différents. Ceci leur permet de s’entraider et créer une relation d’aide et de convivialité entre eux. Ceux qui savent aident les autres.
Néanmoins, il existe parfois des tensions car nous ne pouvons pas répondre à toutes les demandes en même temps. Les adolescents doivent attendre et ne le supportent pas forcément. Leur niveau s’étend de la 6ème à la terminale et, devant l’ampleur de la tâche à répondre à une aide individualisée, nous avons mis en place un travail de soutien avec des collègues et des stagiaires. Cela permet de mieux répondre à leurs demandes. En effet, une seule personne ne peut couvrir à elle seule tous les programmes.
Avec certains jeunes, c’est très difficile car ils sont en échec scolaire et ils doivent suivre le programme même s’ils n’en ont pas le niveau et les capacités. Comment faire pour progresser quand on ne maîtrise pas les bases en français ou en mathématiques ? Ne renforçons-nous pas l’échec scolaire ?
Le problème, c’est que certains jours, avec les devoirs qui arrivent de toutes parts, le risque est grand de « faire les devoirs à la place de » plutôt que d’expliquer, de revoir des notions non assimilées ou inconnues.
Nous devons également faire face au mal-être de l’adolescent, faire face à
ses difficultés, à ses tensions, aux nôtres, et respecter les délais pour rendre le travail à faire.
Certains adolescents demandent à suivre des cours Aiscobam dans les matières où ils sont en difficulté. Ce sont des cours en plus de leur programme scolaire. D’autres sont en intégration partielle à l’école et suivent avec Aiscobam les cours qu’ils n’ont pas au collège.
L’aide aux devoirs tout comme le soutien scolaire n’est pas uniquement orientée vers l’école ; elle permet aussi de se poser, de pouvoir parler de sa journée, de ses joies, de ses peines, et de ses notes si on en a envie.
B – L’intérêt de l’espéranto aux Glacis
1 - Le choix de l’adolescent
Aux Glacis, on peut apprendre l’espéranto seul, par correspondance, par Internet ou ne pas en faire. C’est l’adolescent qui choisit. Ne pas avoir envie à un moment ne signifie pas ne pas changer d’avis à l’avenir. Cela veut dire ne pas se sentir prêt tout de suite, l’espéranto est et restera une porte ouverte. On peut tenter et renoncer. Ceux qui tentent l’expérience prennent un risque : essayer et peut-être aller mieux, avoir accès à l’espoir, l’avenir. Il faut oser et pouvoir se projeter dans l’avenir.
La position des parents, du personnel soignant et des jeunes face à ce projet est déterminante. Les parents qui rejettent l ‘espéranto, disant que cela ne sert à rien, qu’il ne les mènera nulle part. Ils empêchent leur enfant de s’investir, d’essayer et d’avoir des projets personnels. Pourtant l’espéranto est un moyen détourné pour apprendre car il permet de se mettre dans une démarche d’apprentissage, de travailler en autonomie et de se conformer à des règles.
L’espéranto n’apporte pas les mêmes choses à chacun mais il peut être une aide pour certains jeunes quand ils « vont mal ». Pour Anne-Marie c’est le contraire ; à ce moment là, elle ne peut suivre le cours. Elle perd tous ses moyens et ne peut pas se concentrer.
2 - La finalité de l’espéranto aux Glacis
Le but de l’enseignement de l’espéranto aux Glacis n’est pas de faire des adolescents de futurs espérantistes, mais qu’avec l’aide d’autres prises en charge, ils aillent mieux, qu’ils reprennent espoir et qu’ils puissent faire des projets et être, en fin de compte, rescolarisés.
La langue est inconnue des adolescents. Ils n’ont donc pas le sentiment d’avoir déjà été en échec. C’est une ouverture sur autre chose que sa propre maladie et ses problèmes. C’est s’ouvrir au monde et ne pas se limiter à leur pays et connaître la manière dont vivent des personnes dans d’autres pays. C’est découvrir d’autres cultures que la culture française et pouvoir échanger avec d’autres jeunes sans difficulté de compréhension.
L’espéranto créé une situation où la réussite sera assurée et cela, le plus souvent possible. Il permet de créer un climat de confiance, d’apprendre à
s’organiser, de retrouver l’estime de soi, de se motiver à étudier. Il permet aussi de progresser dans les domaines suivants : l’attention, la motivation, la concentration et l’autonomie.
L’espéranto permet également de reprendre confiance en soi. C’est ne pas se sentir seul, c’est échanger par courrier ou par message électronique, c’est voyager, rêver à un monde de paix dans lequel la guerre n’existerait plus et où les peuples se comprendraient. D’un point de vue plus scolaire, il s’agit de se remettre dans une démarche d’apprentissage.
Aux Glacis, les jeunes écrivent à des correspondants au bout de quelques leçons par le biais d’Internet. Le but est de se remettre dans une démarche d’apprentissage et de communiquer.
Pratiquer l’espéranto pendant que les autres font leurs devoirs est non seulement une démarche scolaire mais c’est également valorisant, car on est comme tout le monde : on fait des devoirs donc on est dans la norme.
3 - L’apprentissage de la langue et le rôle de l’élève
En apprenant l’espéranto, l’adolescent montre qu’il est capable d’apprendre, et d’y trouver du plaisir. Il a des capacités, donc il n’est pas nul. Il y a donc valorisation de soi, confiance en soi et assurance. Le but est de reconstruire une image de soi positive.
Bien que la langue soit facile, il est nécessaire de l’apprendre un minimum pour progresser. Seul Oscar, qui ne travaillait pas en dehors des cours a progressé sans apprendre. Mais il était dit « surdoué ». N’oublions pas que si l’objectif est au départ de retrouver confiance, d’aller mieux, il est également de se remettre à apprendre. En effet, quel que soit le projet ou l’avenir de l’adolescent, il devra apprendre, se mettre en situation d’apprentissage, d’où l’intérêt de travailler.
Le fait que l’adolescent trouve la langue facile rend le travail moins fastidieux. Une vision positive de l’espéranto diminue considérablement les contraintes du moins dans sa tête. Mais il faut quand même apprendre et pratiquer pour progresser. C’est un des points communs avec les autres langues.
Quand le jeune se rend compte qu’apprendre est possible, qu’il est capable de le faire, cela modifie sa vision de la réalité et rassure sur l’avenir.
Le fait qu’il n’y ait pas de contraintes de type scolaire, à savoir être obligé de suivre le cours, d’étudier, d’être interrogé, d’être noté, de passer un examen, aide l’adolescent à s’investir dans un but autre que scolaire et à se faire plaisir. Cela revient à apprendre pour soi parce qu’on le souhaite. Le fait de pouvoir maîtriser quelque chose est important. De plus, il sait que les personnes avec qui il communiquera sont comme lui. Elles ont appris également la langue internationale. Elles et lui se trouvent sur un même pied d’égalité ; chacun a fait la moitié du chemin pour communiquer.
Apprendre l’espéranto, c’est acquérir des règles, des bases. L’adolescent s’aperçoit alors qu’il peut agir sur la langue et former des nouveaux mots et des phrases bien à lui. Ces phrases qu’il créé lui permettent d’agir, d’être acteur, de maîtriser, de prendre du plaisir. C’est un peu comme un rayon de soleil dans la nuit. C’est également un peu comme un jeu de construction où le but est de se construire une maison.
4 - L’espéranto est une aide à l’apprentissage d’autres langues
« L’espéranto donne à l’élève l’occasion de maîtriser ce qui est le plus difficile : savoir se « décentrer » par rapport à sa propre langue, apprendre à structurer autrement son langage et sa pensée. Mais cet apprentissage, au lieu de le plonger en même temps dans les complications et exceptions d’une autre langue, le confronte à une structure logique et régulière, une structure familière par certains côtés mais très étrange par d’autres. Le Français qui a découvert dans l’espéranto la façon de distinguer « l’agent » d’une action, de celui qui la subit, grâce à l’accusatif, ou la façon d’obtenir des mots en « agglutinant » d’autres mots, se sent beaucoup plus à l’aise pour apprendre l’allemand » (Espéranto : Une langue sans frontières, p.20).
Ludivine, grâce à l’apprentissage de l’espéranto a beaucoup progressé en allemand.
L‘espéranto permet de réviser les autres langues, car en apprenant un mot en espéranto, il nous revient dans une autre langue : exemple « la hundo » qui signifie « le chien » en français et « der Hund » en allemand, « la kato » pour « le chat » en français, « the cat » en anglais et « die Katze » en allemand.
Reconnaître dans l’espéranto des mots d’autres langues connues rassure les jeunes, car ils savent déjà des choses sur lesquelles ils peuvent s’appuyer et cela leur permet aussi de réviser. Ainsi, ils se rendent compte qu’ils avaient déjà un savoir et qu’ils ne sont pas nuls.
L’espéranto aide aussi à retravailler d’autres matières scolaires comme par exemple le français, car cela permet de revoir des notions comme par exemple la différence entre les adjectifs et les adverbes.
À l’école, l’apprentissage d’une langue est obligatoire, on ne peut pas s’en dispenser. Mais dans quel but apprenons-nous cette langue ? Il nous est dit qu’il faut apprendre l’anglais et qu’avec cette langue nous pouvons nous « débrouiller » partout dans le monde.
Les adolescents n’ont pas la même notion du temps que nous. Qu’en est-il concrètement ? Ils aimeraient expérimenter la langue rapidement. Malheureusement, il y a de moins en moins de classes qui font un séjour à l’étranger, en grande partie du fait que les séjours coûtent cher et que de plus en plus de familles ont des difficultés financières pour financer le séjour. De plus, les systèmes de correspondances par courrier ou par Internet ne semblent pas très développés.
C – La méthode utilisée : le Junulkurso
C’est une méthode créée pour les jeunes avec comme support un livre et une cassette.
1 - Le manuel
Il attire les adolescents en raison des dessins et du texte qui n’est pas très important par rapport aux manuels qu’ils utilisent habituellement en classe. À chaque fin de leçon, Jeanne et Charles (les personnages du livre) rendent visite à des correspondants dans un pays différent. Ainsi, ils visitent le monde. Ils vont à Amsterdam, Berlin, Pékin, en Russie… C’est sécurisant de retrouver les mêmes personnages.
Le livre rassure. Le Junulkurso a été créé pour les cours par correspondance. De ce fait, si les adolescents le souhaitent, ils peuvent apprendre seuls. On répète beaucoup. Cela permet d’assimiler, d’apprendre et de progresser. Il permet aussi de travailler seul, à son rythme. En effet, il y a 20 leçons alors que la méthode 11 (plutôt conseillée
aux adultes) aboutit au même résultat mais n’en contient que 10. L’espéranto étant une langue facile à apprendre, l’adolescent peut rapidement parler et faire des phrases. Ces résultats rapides et concrets le rassurent sur ses capacités d’apprentissage et le revalorisent.
Étudier avec un livre est sécurisant, mais très vite, généralement dès la leçon 2 ou 3, les jeunes expriment le désir de sortir du livre et de faire des phrases à eux, de jouer avec les mots et de ce fait de s’approprier la langue. Sortir du livre est intéressant. Apprendre les nouvelles règles sans livre, ne semble pas leur poser de problème.
En principe, il est conseillé d’avoir des correspondants après avoir étudié 10 leçons. Aux Glacis, les adolescents ont très envie d’en avoir rapidement et la correspondance leur permet à la fois de communiquer et d’apprendre.
2 - La cassette
Les jeunes apprécient aussi la cassette accompagnant le livre et plus particulièrement la chanson entraînante du début. Disposer de la cassette, c’est aussi pouvoir se gérer.
Utiliser la cassette n’est pas facile, car pour certains, le débit de parole est trop rapide. En effet, cela demande beaucoup d’efforts de concentration, concentration difficile à maintenir au vu des difficultés des jeunes.
Néanmoins, les jeunes qui le souhaitent vont dans une autre salle afin d’être au calme pour pouvoir écouter la cassette. C’est pourquoi l’enseignement est propre à chacun. La cassette est cependant peu utilisée car les adolescents préfèrent parler, communiquer.
D – Les adolescents ayant appris ou apprenant l’espéranto
En 5 ans (de 1998 à 2003), sur une centaine d’adolescents, 21 ont suivi les cours d’espéranto.
Voici quelques unes de leurs réflexions à propos de l’espéranto :
« Il n’y a pas d’exception, tout ce qu’on entend s’écrit, on ne fait pas de
faute d’orthographe. C’est sécurisant. Ce n’est pas noté. Ce qui est important c’est de se faire comprendre, de communiquer même si les phrases ne sont pas très correctes. Très vite on peut faire des phrases. Cela fait réviser les autres langues et revoir des points de français. L’activité est libre et non obligatoire. Si on veut arrêter, on arrête. »
Les adolescents considèrent l’espéranto comme une activité valorisante : ils ont « un plus » par rapport aux autres, y compris par rapport au personnel soignant et à leur famille.
ALEXANDRE
Il était âgé de 18 ans, n’était pas scolarisé et a suivi les cours pendant 3 mois.
Pour lui, apprendre l’espéranto était obligatoire. Cela faisait partie du projet thérapeutique décidé en accord avec le médecin et l’équipe soignante. C’est également parce qu’il n’avait pas de désirs, pas envie de se projeter dans une activité, qu’il nous fallait choisir pour lui et établir un projet pour lui mais peut-être sans lui. Il étudiait pour faire plaisir au personnel.
Nous nous demandions s’il n’avait pas perdu ses capacités d’apprentissage. Au vu des résultats, Alexandre était tout à fait en mesure d’apprendre. Il ne travaillait pas les cours mais s’en sortait relativement bien. Il est allé jusqu’à la dixième leçon. Ensuite, il a quitté le Centre des Glacis.
Nous ne pouvons pas dire qu’Alexandre se soit situé dans une démarche d’apprentissage. Il ne travaillait pas en dehors des cours et si nous n’étions pas à côté de lui, il ne travaillait pas du tout. Il avait constamment besoin d’être sollicité. Après sa sortie, il a abandonné l’espéranto.
ANNE- MARIE
Elle est âgée de 16 ans, est non scolarisée et a suivi les cours pendant 4 mois.
Auparavant, elle était en troisième d’insertion. Elle dit « je ne comprends rien en cours et mes relations avec les autres sont difficiles. » Son vécu scolaire lui semble être une succession d’échecs.
Anne-Marie est instable. Son humeur est fonction des adolescents présents en atelier pédagogique. Un jour, où elle allait particulièrement mal, nous lui avons proposé d’écrire un article sur l’espéranto (document qui figure en annexe p.111) pour le journal des Glacis. En entendant le mot espéranto, elle s’est quelque peu calmée et a écrit son article puis un début de lettre à son correspondant brésilien. « Espéranto » serait-ce un mot magique ?
Néanmoins, elle a toujours eu le désir d’apprendre. Désormais elle est capable de se concentrer sur un travail. Elle dit : « je parle plus facilement
espéranto qu’anglais car en anglais je n’arrivais pas à faire des phrases alors que j’y parviens en espéranto. Cela me met en joie. Cela est facile et cela m’aidera à apprendre d’autres langues et à retourner à l’école».
Elle cherche des correspondants sur Internet, s’applique à traduire de l’espéranto en français. Elle a écrit une lettre en espéranto à un Brésilien dont elle avait trouvé l’adresse sur un site de correspondants sur Internet. Cela s’inscrit dans la démarche de sortir de son monde individuel pour aller vers les autres.
Anne-Marie a écrit une lettre de bienvenue à Oscar dans laquelle elle lui expliquait que l’espéranto « c’est super ». Elle fait de la publicité en faveur de l’espéranto aux autres jeunes. Cela la soutient. Le fait que cela soit positif l’aide à travailler dans les autres matières notamment en mathématiques et en français. Quand elle se trouve avec les autres patients, elle a « quelque chose en plus » par rapport à eux, cela la met en valeur.
Anne-Marie n’a pas confiance en elle et se dit « nulle » en informatique. Elle ne s’est pas mise à utiliser l’ordinateur tout de suite. Elle l’a utilisé pour faire de l’espéranto. L’espéranto était le but premier, l’ordinateur n’était que secondaire. Elle maîtrise aujourd’hui l’outil informatique.
Elle a une démarche très scolaire. Elle note tous les mots nouveaux, et de ce fait a du mal à suivre le cours : elle ne sait jamais où nous en sommes. Elle a du mal à modifier son comportement. Elle a toujours peur de faire des fautes alors qu’elle sait que les mots s’écrivent comme ils se prononcent. Pour elle, le scolaire consiste à apprendre par cœur des listes de vocabulaire. Dès qu’elle est en cours, elle retrouve cela. C’est ce qu’elle a connu en classe traditionnelle.
En revanche, lorsqu’elle écrit à son correspondant au Brésil, elle s’éloigne de ses listes de vocabulaire et utilise son livre et le dictionnaire. Elle adopte alors une démarche plus active et plus valorisante pour elle.
Anne-Marie a quitté le centre des Glacis et est scolarisée depuis la rentrée de septembre 2003.
ANNE- SOPHIE
Elle était âgée de 16 ans, était non scolarisée et a suivi les cours pendant deux semaines.
Nous avons étudié la première leçon ensemble. Puis Anne-Sophie a travaillé seule. Dès la leçon 3, elle voulait une correspondante. Sa correspondante est allemande. Elle a rapidement progressé en lui écrivant et en continuant à apprendre la langue.
Anne-Sophie a quitté le Centre des Glacis et est scolarisée depuis la rentrée de septembre 2002. Elle n’apprend plus l’espéranto.
CLAUDE
Il est âgé de 14 ans, est scolarisé et a suivi 2 cours.
Grâce à l’espéranto, il a compris la différence entre les adjectifs et les adverbes. Ces éléments lui posaient problème en français.
CORALIE
Elle est âgée de 16 ans, est déscolarisée et a suivi des cours pendant 2 semaines.
Elle refusait de faire du scolaire et refusait toutes nos propositions de travail. Dans « espéranto » elle a entendu le mot « espoir ». Elle a suivi 4 leçons et a demandé à avoir des cours Aiscobam pour retourner en seconde. Elle avait beaucoup de travail et a choisi d’arrêter l’espéranto par manque de temps. Depuis septembre 2003, elle est scolarisée en seconde.
PHILIPPE
Il est âgé de 16 ans, est non scolarisé et a suivi les cours pendant 2 semaines.
Il était intéressé et motivé quand il a appris la langue avec les stagiaires. A leur départ, il a refusé de poursuivre l’activité. Peut-être était-ce pour lui un moyen d’entrer et d’être en relation avec eux ?
FRANÇOIS
Il était alors âgé de 18 ans, n’était pas scolarisé et a suivi les cours pendant 6 mois.
Il est le premier adolescent à avoir appris l’espéranto aux Glacis en 1998.
Il est également allé à la Maison des Jeunes P. Desforges à Nancy et en stage à Villers les Nancy. Il souhaitait également participer à un stage international de jeunes en Allemagne mais il n’a pu s’y rendre par manque d’argent.
Il a quitté le centre des Glacis. Il n’étudie plus l’espéranto aujourd’hui mais en parle volontiers en disant « que cela fait partie des bons souvenirs ».
LUDIVINE
Elle était âgée de 16 ans, était déscolarisée et a suivi les cours pendant 4
mois.
Elle a appris l’espéranto.
Elle a quitté les Glacis en 2001 et a fait un BEP de fleuriste. Elle a d’ailleurs fait un exposé sur l’espéranto. Après son départ, elle a continué d’étudier cette langue par Internet et l’apprend désormais par correspondance.
OSCAR
Il est âgé de 18 ans, est déscolarisé et a suivi les cours pendant 10 jours.
Il vient pour la seconde fois aux Glacis. Il était venu il y a deux ans et n’avait pas suivi les cours d’espéranto. À l’époque, il était scolarisé.
Pendant le cours il m’a expliqué que son beau-père connaissait 17 langues mais pas l’espéranto.
En une semaine, il a étudié 7 leçons. Il travaille seul, le soir dans sa chambre et fait les exercices à haute voix.
Il dit « je trouve cela très facile à apprendre et à parler et le système pour utiliser les chiffres est très simple. Avec neuf chiffres vous pouvez tout dire. C’est facile aussi car j’ai appris l’anglais et l’espagnol auparavant. »
Il ne fait pas tous les exercices mais seulement ceux qui lui permettent d’aborder les nouveaux éléments. Oscar est très dépendant de son livre : peut-être parce qu’il apprend tout seul. Peut-être apprend-il l’espéranto non pour communiquer mais pour acquérir un savoir ? Il a quitté la structure en emportant le livre de cours et la cassette. Sans doute veut-il poursuivre l’apprentissage de l’espéranto ?
SOPHIE
Elle est âgée de 14 ans, est scolarisée et a suivi 2 cours.
Elle est triste, parle de son parcours et de sa vie. Nous lui proposons l’espéranto pour essayer de lui faire quitter ses idées noires. Sophie débute l’activité. Au bout d’un moment, elle sourit. Elle dit :« l’espéranto m’égaie ! C’est simple. Cela me rappelle l’espagnol avec beaucoup de « a » et de « o » mais en plus facile. Je me sens moins bête qu’en classe».
LES AUTRES JEUNES
Certains comme Mickaël ou Ophélie n’ont pas eu le déclic, le désir d’apprendre et ont arrêté au bout de un ou plusieurs cours. Ophélie dit « je vais peut-être reprendre les cours ».
Cela montre que les adolescents ont des souhaits et des attentes différentes. Certains reprennent espoir, l’espéranto sert alors de tremplin en vue d’une rescolarisation. D’autres, comme Ludivine, trouvent en l’espéranto un choix de vie. D’autres encore essaient mais abandonnent rapidement car ils ne sont pas prêts à faire cette expérience, du moins pour le moment. Ils ne sont pas intéressés ou pensent que cela ne sert à rien.
En ce qui concerne les patients qui ont quitté les Glacis, à ma connaissance aucun d’entre eux n’a poursuivi l’apprentissage de l’espéranto sauf Ludivine qui a également beaucoup investi le mouvement espérantiste nancéen.
Les adolescents entendent souvent « l’espoir » dans le mot « espéranto ».
L’espéranto c’est une part de rêve. Ils ont sans doute besoin du rêve pour accepter et vivre dans la réalité. A la question : pourquoi l’apprenez-vous ? Ils répondent : « pour correspondre, pour voyager dans d’autres pays ». Concrètement, qu’en sera t-il ? Peu importe. Si leur rêve leur a permis d’avancer, de retrouver la confiance en eux, c’est une réussite.
L’activité est parfois quelque peu frustrante de part et d’autre car nous souhaiterions continuer les cours d’espéranto, mais les cours s’arrêtent car l’adolescent rentre chez lui et/ou retourne à l’école. Peu importe. Si avoir entendu parler d’espéranto les a aidés à reprendre confiance en eux et à refaire des projets, le but est atteint. Souvent les adolescents partent avec les livres d’espéranto. Peut-être emportent-ils l’espoir avec eux ? Peut-être
en voyant le livre se souviendront-ils de cette expérience positive qui les aidera s’il sont confrontés à de nouveaux échecs ?
E – L’espéranto en atelier pédagogique
Lorsqu’ils écoutent et reconnaissent des mots ou des sonorités qu’ils ont déjà entendus dans d’autres langues, les adolescents demandent les origines de l’espéranto. Ils ont besoin de savoir comment cette langue a été créée. Cela fait écho en eux et généralement, ils sont capables de le présenter à d’autres jeunes.
Ils sont très sensibles aux motivations de Zamenhof qui, adolescent, a créé l’espéranto. Zamenhof souffrait de voir que les gens ne se comprenaient pas en raison des ghettos dans la ville où il vivait et des guerres. Peut-être y a t-il un lien entre sa souffrance et la leur ? Que Zamenhof qui a souffert propose quelque chose fait écho chez certains : il était sensible à la souffrance des hommes et souvent les jeunes qui arrivent aux Glacis sont également en souffrance.
L’idée d’apprendre une langue avec laquelle ils puissent comprendre des personnes d’autres pays les séduit.Ils ont envie de savoir, de comprendre comment les gens vivent ailleurs. C’est aussi quelque chose de positif pour eux, un avenir… Peut-être est-ce un rêve mais si cela les aide pourquoi pas ?
Venir en classe signifie respecter des horaires. Le cours est prévu à telle heure et il faut y aller muni de son cahier, ses livres et ses crayons. Pendant les cours, il faut travailler, et en dehors réviser et faire les exercices. Il y a un travail personnel à fournir. Il faut apprendre à s’organiser et à organiser son travail.
Travailler à son rythme est important. Il faut être en mesure d’accepter les contraintes : dans ce créneau horaire les patients sont là pour travailler et, en l’occurrence, apprendre l’espéranto. Cela n’est pas facile pour Anne-Marie qui a du mal à se concentrer, qui réagit différemment selon les personnes présentes dans la classe. Elle fonctionne sur le mode affectif.
La classe est un lieu avec des règles, qui reconnaissent à chacun droits et devoirs et qui nous protègent. Il faut respecter les autres, les écouter, ne pas les rejeter, se faire respecter et se respecter soi-même. L’avantage du groupe est qu’il peut y avoir une aide.
Comment accueillir, recevoir l’aide des autres et apporter la sienne ? Il faut tolérer le comportement d’autrui même s’il semble inadapté. Même si une seule personne suit le cours, il ne faut pas ennuyer les autres qui sont dans la même pièce car eux aussi travaillent. Cela renvoie à l’idée d’intégration dans un groupe.
Le rythme d’apprentissage est propre à chacun.
Ainsi, avec Oscar, cela va vite, il ne fait pas tous les exercices. Il a envie d’apprendre la suite et d’avancer. Il a la cassette mais ne l’utilise pas. En une semaine, il a étudié 7 leçons. Par contre, Anne-Marie a besoin de faire tous les exercices par écrit pour retenir.
Quand il y a deux ou trois élèves en même temps, c’est intéressant et plus dynamique mais très rapidement nous nous rendons compte que si un élève suit bien, les autres ont plus de difficultés. Très souvent, les cours ont lieu même temps que d’autres activités scolaires.
Même ceux qui ne font pas d’espéranto interviennent parfois. Avec Oscar, nous nous sommes retrouvés en train de faire cours dans le bureau du médecin car les élèves en classe étaient trop dissipés et nous ne parvenions pas à travailler correctement.
L’espéranto, c’est un jeu de construction. Le patient construit petit à petit sa maison et se construit lui-même. Il essaie et met un petit mot avant ou après le radical. C’est ce qui fait la différence avec une situation scolaire classique. En effet, l’adolescent ne subit pas l’enseignement mais est acteur de son apprentissage. Oscar dit « c’est super, on peut apprendre et il n’y a pas de notes. J’avais toujours peur pour les interrogations de langues : j’apprenais et devant ma feuille, je paniquais. Au moins ici on peut apprendre seul et aller à son rythme. »
A partir des règles de base, il peut composer de nouvelles phrases et parler. C’est un peu comme en cuisine donner la recette et ensuite expérimenter. D’autant plus qu’il n’y a pas de faute, la sanction est donc évitée.
Ne pas craindre l’erreur est ici synonyme de liberté. Avec ses connaissances, le patient peut faire des phrases, oser, essayer. Le but est de se faire comprendre de l’autre, de communiquer. Pouvoir maîtriser la langue est valorisant. L’adolescent s’approprie quelque chose. Cela prouve qu’il peut agir, agir sur la langue, apprendre : il prend conscience qu’il n’est pas « nul ». Il peut travailler à son rythme.
Il se remet à apprendre et il est capable d’apprendre. Les jeunes sont souvent étonnés de leurs capacités. Le jeune existe en tant que personne à part entière et non comme un élève. Le jeune est alors du côté du positif et s’éloigne de l’échec.

Les notions de partage et d’entraide sont très importantes. Parfois, l’absence momentanée de l’éducatrice amène les adolescents à travailler ensemble et en autonomie, à se prendre en charge et à s’aider. C’est celui qui explique à l’autre, qui apprend sa leçon. On n’apprend jamais seul. Aider les autres fait progresser, donne de l’assurance et développe la confiance en soi.
Cette mise en situation contribue à se voir plus positif et à refaire des projets. Elle permet également un travail en autonomie, de travailler, de faire quelque chose et de se conformer à des règles.
Cette activité que nous partageons est également, en quelque sorte, un code entre nous. Des adolescents utilisent souvent la langue, non seulement en atelier pédagogique entre eux, mais également au cours des repas.
Même si c’est sous une forme ludique, d’échange ou de correspondance, le but est toujours de favoriser l’insertion.F – Une application concrète de l’espéranto : la correspondance
Aux Glacis, Internet est installé depuis décembre 2002.
Pour les adolescents, c’est la preuve vivante de l’existence de la langue. En effet, ils peuvent trouver des correspondants et leur envoyer des messages électroniques. Bien qu’ils le souhaitent, ils ne peuvent pas échanger en direct car pour l’instant aucun d’entre eux ne maîtrise suffisamment la langue pour pouvoir écrire ou parler assez rapidement pour mener une conversation. De plus, cela prend du temps. Certains suivent des cours par Internet, par exemple Anne-Marie avec le cours de JEFO (Association des jeunes espérantistes français).
Les adolescents privilégient la communication. Ils ont envie de parler, d’échanger. Aux Glacis, ils sont considérés comme des patients. Ils ont envie d’être considérés comme des adolescents et non pas en fonction de leurs problèmes. C’est pourquoi, ils souhaitent avoir des contacts avec des
jeunes qui ne les connaissent pas et avec qui ils pourront échanger sur leurs préoccupations d’adolescents mais aussi sur la façon de vivre dans tel ou tel pays.
La correspondance est un moyen d’ouverture sur les autres, sur le monde. C’est aussi un moyen de ne dévoiler de soi que ce que l’on veut bien dire, une façon de se montrer de manière positive. C’est aussi une façon d’apprendre des choses sur l’autre, sur les autres. Cela revient un peu à dire : « plus je me préoccupe des autres et moins de moi ; plus je prends conscience qu’en fait mes problèmes ne sont pas si importants que cela ». La manière de vivre d’autres gens leur permet de relativiser leurs problèmes et de prendre de la distance. Parfois ils privilégient des choses qui en réalité ne sont que des détails.
La correspondance aide à apprendre. On pratique, on cherche des mots dans le dictionnaire, on s’entraîne. Anne-Béatrice ne s’est pas mise à utiliser l’ordinateur tout de suite. Elle l’a utilisé pour faire de l’espéranto. Désormais, elle sait utiliser l’ordinateur peut-être car l’espéranto était le but premier, l’utilisation de la machine n’était que secondaire.
Même s’il faut un minimum de connaissances en espéranto pour pouvoir écrire, la correspondance montre bien que l’espéranto fonctionne et qu’avec une seule langue on peut réellement communiquer avec des jeunes du Japon, de Russie, d’Italie, d’Angleterre… C’est du concret. Pouvoir s’exprimer, créer ses mots, ses phrases est bien supérieur au cours. Il faut voir la joie d’Anne-Marie quand elle reçoit un courriel de son correspondant.
Depuis que nous avons l’ordinateur et Internet, nous communiquons par message électronique et non plus par courrier car les adolescents ne restent pas très longtemps au Glacis. Cela leur permet d’utiliser l’outil informatique et d’échanger davantage, car la réponse arrive plus rapidement. C’est aussi une façon de s’autogérer et de pouvoir échanger à tout moment.
Les adolescents ont envie de ces échanges, de savoir ce qui se passe ailleurs, comment vit un adolescent au Brésil (pour Anne-Marie). C’est une ouverture sur autre chose que sa propre maladie, ses problèmes… Cela permet le rêve, l’espoir, la réalité, la vie et l’avenir.
C’est montrer que les patients sont capables d’apprendre et de comprendre des notions non acquises. L’espéranto met tout le monde sur un plan d’égalité puisqu’il faut l’apprendre, quelle que soit la nationalité, son quotient intellectuel, son savoir, ses difficultés.

Chapitre 3 : PERSPECTIVES

Section 1 – L’espéranto dans la mondialisation et dans la construction européenne
L’espéranto est un moyen de voir la construction européenne et la mondialisation autrement que par des choix uniquement basés sur l’économique, qui non seulement appauvrissent toujours plus les plus pauvres mais de surcroît enrichissent les plus riches. L’espéranto envisagé comme ambassadeur de la paix, de l’égalité, des échanges entre
les peuples a toute sa place. Apprendre l’espéranto permet de communiquer avec des personnes du monde entier aussi bien par lettre, par Internet qu’à l’occasion de voyages.

Avec l’association Espéranto France Est nous nous préoccupons de la mondialisation puisque nous subventionnons l’Association Espérantiste de Madagascar, ce qui lui permet d’assurer des cours et d’éditer la revue « inter ni » (revue réalisée sur support papier en France). Un autre de nos objectifs est d’aider à la poursuite du projet interculturel « kvazaùa lernejo ». Il s’agit d’une école virtuelle qui travaille par Internet avec des jeunes de tous les continents. Notre aide pour ce projet est essentiellement matérielle.
Il n’est pas question que l’espéranto remplace les langues maternelles mais que nous l’apprenions en seconde langue. Ainsi il pourrait servir de « langue-pont » entre les européens et également entre les peuples du monde entier. Cela permettrait aux habitants de la terre de se comprendre sans difficulté et d’être sur un même pied d’égalité.

Section 2 – Notre projet
Par comparaison avec le travail de l’association « Réinsertion et Espéranto » notre expérience est modeste. Mais le premier pas est fait, à savoir montrer que des adolescents en difficulté peuvent apprendre l’espéranto et que cela les aide, qu’ils reprennent confiance.
Il faut désormais que nous travaillons avec l’extérieur de la structure. Pourquoi ne pas envisager de donner un cours d’espéranto dans un collège ou un lycée en y intégrant un adolescent non scolarisé. Cela demande de travailler à la fois avec la psychiatrie et l’Éducation Nationale et de vaincre les résistances de part et d’autre.
En effet, concrètement il s’agit de mêler deux mondes : celui des élèves scolarisés relevant de l’Éducation Nationale et celui des jeunes non scolarisés relevant de la psychiatrie. Mais est-ce compatible d’être malade et d’aller à l’école ?
Cela risque d’être d’autant plus difficile que nous souhaitons intervenir pendant notre temps de travail, qu’il soit reconnu comme un travail et qu’il fasse partie intégrante de l’emploi du temps des élèves, et non pas sous forme de loisirs. Nous pensons que cela est indispensable à la reconnaissance de l’espéranto.
Nous souhaitons mettre en place un cours d’espéranto avec des établissements scolaires que nous connaissons déjà grâce à l’intégration d’adolescents dans des classes. Peut-être que le fait d’avoir déjà travaillé ensemble dans un autre cadre, d’avoir établi une relation de confiance permettra t-il de démystifier et de mettre en place des cours d’espéranto ?
Il nous faudra alors passer les examens d’espéranto car si nous voulons être reconnus, cela passera par les diplômes. Nous sommes donc entrain de préparer les examens pour mener à bien notre projet.
Les espérantistes ont déjà demandé et à plusieurs reprises que l’espéranto soit reconnu comme langue optionnelle au baccalauréat. Jusqu’à présent, les gouvernements qui se sont succédé n’ont pas retenu cette proposition. Coralie et Armand souhaiteraient vivement pouvoir passer l’espéranto au baccalauréat. Cela serait une motivation supplémentaire pour l’apprendre.
Nous souhaitons également porter à la connaissance des associations françaises et étrangères les résultats du travail réalisé aux Glacis et ce, afin de développer l’action entreprise et d’échanger sur ce travail. À cette fin, nous avons créé un site Internet dont les coordonnées sont : http://claudisite.multimania.com. Un résumé du mémoire traduit en espéranto figure dans les annexes p.112. Il figurera également aux côtés du mémoire sur le site.
Par rapport à l’intégration des adolescents dans les établissements scolaires, signer la convention d’intégration avec les écoles ne suffit pas, il
faut également permettre à ces jeunes de suivre les cours et de passer les examens dans de bonnes conditions. À ce jour, les troubles psychiques ne sont pas reconnus. C’est pourquoi nous envisageons au niveau des Glacis mais également avec des associations comme Aiscobam de mener des actions au plan national afin de favoriser au maximum l’intégration scolaire des adolescents en difficulté psychique.

CONCLUSION
Dans notre étude, nous avons présenté dans un premier temps un état des lieux sur une question d’actualité : l’insertion sociale des jeunes. Nous avons caractérisé la politique publique d’insertion de « bureaucratique ». Le caractère bureaucratique apparaissait dans la méthode d’analyse d’une catégorie sociale appelée « jeunes » sous la forme d’une classification par le critère de l’âge avant l’adoption d’une série de mesures. Cette attitude a conduit à l’heure actuelle à un empilement de structures, de programmes et d’actions divers.
Nous avons montré cette politique dans une période historique suffisamment longue pour nous donner un enseignement sur cette politique publique d’insertion. Nous avons également rappelé le rôle de l’école dans cette politique.
Notre étude a consisté dans un second temps à faire un parallèle entre les rapports Schwartz de 1981 et Charvet de 2001 afin de montrer le caractère durable du phénomène de l’insertion sociale des jeunes en difficulté. Ces deux auteurs préconisent des mesures à la suite d’un diagnostic. Certaines de ces mesures ont connu une suite sous la forme de décisions publiques.
Par contre d’autres dispositions, notamment celles qui mettent au centre de l’insertion les jeunes en tant qu’acteurs, n’ont pas été suivies.
Enfin, notre étude avait pour objet d’étudier cet aspect méconnu de l’espéranto en mettant en valeur une expérience menée aux Glacis à Nancy. En effet, le public des jeunes en difficulté psychique est acteur de son insertion par sa participation à une pédagogie d’insertion scolaire.
Le problème de l’insertion est toujours d’actualité. Au départ le programme concernait les jeunes de 16 à 18 ans, désormais la prise en charge s’étend jusqu’à 29 ans.
Il est indispensable de ne pas penser pour les jeunes mais de réfléchir avec eux. Il vaut mieux travailler à partir de leurs demandes, de leurs intérêts, de leurs envies et de leurs besoins. Les jeunes ont besoin de se sentir acteurs et responsables de leur vie et non d’être « assistés ». Ils veulent être reconnus comme membres à part entière de la société. Comme l’affirme B.Schwartz, « il faut associer les jeunes à toutes les décisions qui concernent la société et agir sur la société dans son ensemble ».
Il est nécessaire de prendre conscience de la nécessité d’aborder la question de l’insertion dans sa globalité tant sur le plan scolaire, social que professionnel.
L’enseignement de l’espéranto au Centre de Soins des Glacis permet à l’adolescent de reprendre confiance en lui, d’être valorisé, d’avoir envie de faire des projets, de se voir avec un avenir possible et d’être acteur de et dans sa propre vie. Aussi, ce travail doit être poursuivi, multiplié et étendu à tous les jeunes en difficulté mais également à tous les jeunes en général. Il est donc indispensable d’enseigner l’espéranto dans les écoles.
La langue internationale s’inscrit dans une logique tout à fait nouvelle. Le sentiment d’aisance créatrice qu’elle procure dès la première leçon mérite d’être enfin reconnu comme pédagogique. L’espéranto, par notre travail et les résultats présentés ici devrait faire l’objet d’une étude officielle. Cela fait déjà 116 ans que l’espéranto est à la disposition de l’humanité et les pouvoirs publics en France notamment lui accordent peu d’importance.
A l’heure de la construction de l’Europe et de son élargissement vers l’Est, quid d’une langue européenne commune ? Une langue permettant des échanges aisés et égalitaires entre tous les citoyens européens. Une langue qui donne envie d’apprendre. Cette langue existe, mais elle reste méconnue, il s’agit de l’espéranto
Y aurait-il une fatalité ? Le bon sens aurait-il pour corollaire d’être systématiquement écarté pour n’être ensuite reconnu que seulement de nombreuses années plus tard ? Il en est de même pour les rapports Schwartz et Charvet. Il est indispensable de revoir le dossier de l’insertion
mais avec les jeunes pour qu’ils soient au cœur du dispositif et acteurs de leur insertion, de leur vie et de leur avenir.
C’est pourquoi les jeunes ne doivent pas être définis comme une catégorie à part, une catégorie en difficulté mais faire partie intégrante de la société. Quel avenir voulons-nous pour la société et pour les jeunes en particulier ?

BIBLIOGRAPHIE

LIVRES
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S. TOMKIEWICZ , Prévenir Adolescence, deuxième semestre
1992/ 23, Coopérative d’édition de la vie mutualiste, 1993MÉMOIRES
Mémoire de recherche « politiques de lutte contre le chômage et l’exclusion et mutations de l’action sociale », recherche et documentation,
Documentation française, École Nationale d’Administration, Promotion Saint-Exupéry, 1994


ANNEXES
Document 1 : Une entrée toujours plus tardive dans la vie active p.103
Document 2 : la fête de la lecture p.104
Document 3 : l’espéranto selon Anne-Marie p.111
Document 4 : résumé du mémoire dans la langue internationale p.112
espéranto

Extrait de « L’école malade du chômage »
Alternatives économiques n°168, mars 1999


Article extrait de « Horizon social : la personne handicapée (1) »
Éditions de l’Est n°6, septembre 1992

Article extrait du journal des Glacis d’avril 2003
L’ESPÉRANTO« L’espéranto est une langue internationale avec laquelle on peut communiquer avec des gens du monde entier. Elle a été conçue en mélangeant neuf langues différentes : français, polonais, hébreux, russe, allemand, anglais, latin, grec et espagnol.
L’espéranto est pour moi une langue facile et amusante à apprendre. Elle facilite l’apprentissage des autres langues. Je corresponds avec un brésilien en espéranto.
L’espéranto comme son nom l’indique est la langue de l’espoir. Un jour, elle sera peut-être parlée par tout le monde et on pourra tous se comprendre. Je pense que c’est ce qui permettra la paix entre les peuples d’ici quelques années car si tout le monde est uni par le même langage, il ne peut plus y avoir de guerre ».Anne-Marie

Résumé du mémoire en esperanto présenté sur le site Internet : http://claudisite.multimania.com

Resumo de la memuaro en la internacia lingvo EsperantoChar mi estas faka edukistino, mia rolo konsistas en la instruado al adoleskantoj suferantaj pro psikaj problemoj.
Tiu laboro estas duparta :
- alporti al ili kompletigan kurson se ili ne estas lernantoj en lernejo mem pro psikaj problemoj
- helpi aliajn, kiuj estas ja lernantoj, sed ne kapablaj fari siajn taskojn tute solaj ankaù pro psikaj problemoj
Ghis nun mi instruis al tiaj gejunuloj matematikojn, la francan gramatikon, ktp… Chu vere estis taùge ? Chu mi helpis ilin, farante tion ?Mi deziris trovi novan instru-agadon por ke pli eme ili lernu kaj ankaù por ke ili akiru pli belan ideon pri si.
Tute hazarde, kaj eble char niaj provoj ghis nun montrighis nefruktodonaj, mi komencis instrui Esperanton al volontaj adoleskantoj.Tiu memuaro rakontas la instruadon de la lingvo dum 5-jara periodo, de 1998 ghis 2003. Ghi pruvas, ke Esperanto ebligas valorighon al gejunuloj, char dank’al la reguleco de la lingvo ili akiras memfidon, emon por de nove plani projektojn. Ili do sentas sin agademaj kaj kapablaj regi la lingvon. Krome, ili estas aktoroj de sia lernado.
Tiamaniere, Esperanto ebligas integrighon lernejan, socian kaj eble profesian.

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