UNIVERSITÉ NANCY 2
le Lundi 29 septembre 2003 à 14h00 MEMBRES DU JURY
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SUJET : | LINSERTION SOCIALE DE JEUNES EN DIFFICULTÉ
PSYCHIQUE AU MOYEN DE LESPÉRANTO |
REMERCIEMENTS
À la mémoire de Monsieur Jean-Paul COLNOT qui ma enseigné
lespéranto.
Jadresse tous mes remerciements :
- Aux adolescents du Centre de Soins des Glacis sans qui ce mémoire naurait
jamais vu le jour,
- À lAssociation Réinsertion et Espéranto de Montpellier,
- À lAssociation Espéranto Nancy 54,
- Au Centre de Soins des Glacis,
- À tous ceux qui mont aidée et soutenue dans la réalisation
de ce projet.
AVEC LESPOIR QUE CE TRAVAIL CONTRIBUERA AU DÉVELOPPEMENT DE LESPÉRANTO.
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PLAN
INTRODUCTION p.6
Première partie : LINSERTION DES JEUNES EN DIFFICULTÉ DANS
LA POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE : ÉTAT DES LIEUX
Chapitre 1 : LINSERTION SOCIALE : DÉFINITIONS ET HISTORIQUE
Section 1 - Définitions de linsertion p.10
Section 2 - Le rapport Schwartz de 1981 : préconisations,
résultats et limites p.11
Section 3 - Le rôle social et économique de lécole
p.22
Chapitre 2 : LA CATÉGORIE « JEUNES »
Section 1 - Différents aspects p.25
Section 2 - Une autre approche de la notion de jeunes :
ladolescence p.28
Chapitre 3 : LE CADRE JURIDIQUE DE PRISE EN CHARGE DE LINSERTION
Section 1 - Les hôpitaux : principe de gestion et
organisation actuelle p.35
Section 2 - Le Centre Psychothérapique de Nancy et
le Centre de Soins des Glacis p.41
Deuxième partie : LINSERTION SOCIALE AUX GLACIS
Chapitre 1 : LESPÉRANTO COMME MOYEN DINSERTION PAR LE
LANGAGE
Section 1 - Définitions et rôle du langage dans linsertion
p.52
Section 2 - Lespéranto : historique et action pédagogique
p.57
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Chapitre 2 : DISPOSITIF PÉDAGOGIQUE DINSERTION : LESPÉRANTO
AU CENTRE DE SOINS DES GLACIS
Section 1 - Difficulté scolaire et marginalisation sociale p.72
Section 2 - La pédagogie aux Glacis : le jeune est un acteur p.75
Chapitre 3 : PERSPECTIVES
Section 1 - Lespéranto dans la mondialisation p.94
et dans la construction européenne
Section 2 - Notre projet p.95
CONCLUSION p.97
BIBLIOGRAPHIE p.99
ANNEXES p.102
page 5
INTRODUCTION
Notre étude concernait au départ la présentation de
lespéranto comme moyen dapprentissage en faveur dun
public en difficulté, accueilli au Centre de Soins des Glacis à
Nancy. Cette formulation générale a été délimitée
de la façon suivante :
Une première délimitation du sujet, de nature administrative,
nous a obligé à rattacher notre travail à une discipline
juridique appartenant au Diplôme dÉtudes Sociales,
Une deuxième délimitation concernait le moyen dinsertion
à étudier dans un dispositif public, multiple, et en constante
évolution. Dans notre étude, nous avons choisi la langue internationale
espéranto comme outil pédagogique dinsertion sociale,
Enfin, une troisième délimitation du sujet nous a conduit à
préciser le public concerné. Il sagit dun public de
« jeunes », de jeunes dits « en difficulté psychique
».
Le public que nous étudierons ici se situe dans une tranche dâge
allant de 13 à 19 ans. À cet âge, il est théoriquement
scolarisé, car il nest pas encore en âge de travailler. La
question de linsertion professionnelle ne sera donc pas traitée
ici. Nous nous limiterons à celle de linsertion sociale et plus
particulièrement à linsertion
scolaire du public étudié, à savoir les jeunes hospitalisés
en psychiatrie.
Ce public est en souffrance psychique. À Nancy, Il est pris en charge
en milieu hospitalier spécialisé, au Centre de Soins pour Adolescents
des Glacis.
Ce centre dépend du Centre Psychothérapique de Nancy (CPN) et
accueille des adolescents présentant des pathologies de type psychose,
névrose, phobie scolaire, dépression, troubles alimentaires
La plupart de ces jeunes sont en difficulté scolaire. Une des finalités
de ce centre est de les rescolariser.
Le public retenu dans notre étude nous amène à considérer
la catégorie sociale appelée « jeunes », comme des
« adolescents ».
Linsertion est une question préoccupante. En attestent les très
nombreux travaux réalisés depuis une vingtaine dannées
en France sur ce thème. Au début des années 1980, la vie
économique de ce pays connaît une situation de crise qui, par son
ampleur et sa durée révélait que les jeunes étaient
plus particulièrement victimes du chômage. Lobjectif visé
jusque là par les pouvoirs publics, à savoir linsertion
professionnelle est apparu alors comme un objectif insuffisant.
En effet, lorsquune personne, et pour ce qui nous intéresse, un
jeune, a connu une longue période dinactivité ou de recherche
infructueuse demploi, elle perd peu à peu ses repères et
les habitudes élémentaires de la vie quotidienne et nest
plus en phase avec la société. Cela rend linsertion professionnelle
très précaire. Cest pourquoi, comme nous le verrons dans
ce mémoire, la question de linsertion professionnelle est bien
concomitante de linsertion sociale de ce public.
À ce stade de notre présentation, il sagit dénoncer
la problématique du sujet. Nous présenterons tout dabord
un état des lieux de la politique des pouvoirs publics menée en
matière dinsertion avec ses résultats et son évaluation.
Nous avons choisi détudier la période allant de 1981 à
2003. Le choix de 1981 est symbolique. En effet, cette année-là
fut marquée par larrivée au pouvoir dun gouvernement
socialiste. Du point de vue social tous les espoirs étaient permis.
Sur le plan économique, le chômage, développé dans
les années 1970, sétait transformé peu à peu.
Au départ conjoncturel, il était devenu structurel de par sa durée
et son ampleur, et il touchait principalement les jeunes.
Le gouvernement de lépoque commanda alors une étude à
Monsieur le Professeur Bertrand Schwartz. Le rapport remis par celui-ci servit
par la suite de référence dans ce domaine. Il concernait les jeunes
de 16 à 18 ans. Fort logiquement, le gouvernement sinspira de certaines
des solutions préconisées pour mettre en place tout un dispositif
institutionnel et juridique sous la forme de mesures nombreuses et variées.
Mais au cours des années 1990-2000, le développement du chômage
en France fut tel que les pouvoirs publics furent amenés à multiplier
les mesures pour répondre à cette question, à lévidence
prioritaire, linsertion des jeunes dans la société. En effet,
il ne sagissait plus de se limiter à la seule tranche dâge
16-18 ans, mais bien détendre le champ dapplication de ces
mesures à tous les jeunes, de 16 à 29 ans.
En mars 2001, le rapport de Dominique Charvet, « Jeunesse, le droit
davenir » prit acte de la durabilité du phénomène
et proposa à son tour des mesures dinsertion. Il reprenait certaines
des mesures préconisées dans le rapport Schwartz et montrait surtout
quil ne fallait plus voir les jeunes, catégorie par catégorie
mais dans leur globalité, comme des individus à part entière.
Malgré cela, les pouvoirs publics semblent de nos jours persister dans
lattitude qui consiste à empiler mesures sur mesures selon lâge
des jeunes. Une telle méthode ne pourrait-elle pas être qualifiée
de bureaucratique ?
Dans un second temps, notre exposé relatera une expérience différente
et originale, menée au Centre de Soins pour Adolescents des Glacis, à
Nancy. Il sagit de lenseignement de la langue internationale espéranto.
Lespéranto est une langue construite à partir dun
vocabulaire européen. En revanche sa structure ressemble à celles
des langues non européennes.
En outre, lespéranto est une langue facile à apprendre et
est porteur de valeurs comme :
- Luniversalité,
- La fraternité,
- Le pacifisme,
- Légalité,
- Lamitié entre les peuples.
Autant de valeurs qui séduisent les jeunes.
En matière dinsertion, nous pouvons noter une première différence
avec les solutions préconisées par les pouvoirs publics. Cet enseignement
nest pas un enseignement classique de formation initiale ou professionnelle.
Il est spécialisé et présuppose ladhésion
de ladolescent et de sa famille.
La deuxième différence consiste dans le fait que le jeune est
au cur du dispositif. Enfin, la pédagogie de lespéranto
est organisée de telle façon que le jeune soit acteur de son apprentissage.
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Les cours despéranto sont par certains aspects proches de lenseignement
scolaire classique. En effet, il faut aller en cours, apprendre ses leçons
et faire ses devoirs. Mais ils sen éloignent par dautres
aspects.
Les relations enseignant enseigné sont modifiées : ladolescent
ne subit pas la formation mais il se lapproprie. Ainsi, par la structure
logique de la langue, il prend très vite plaisir à jouer avec
elle en créant des mots et des phrases. Bien quil nait jamais
vu, entendu ou lu ces mots, il saperçoit quil est capable
de les inventer et quils sont justes. Il joue avec la langue et elle ne
lui impose aucun interdit. Il saperçoit quil peut également
très vite correspondre par Internet avec des jeunes dautres pays.
Il acquiert ainsi confiance en lui.
Cette confiance retrouvée permet à ladolescent de pouvoir
reprendre une scolarité, une formation, et davoir envie dapprendre,
de faire des projets. Il acquiert ainsi une image positive de lui-même
et la reconnaissance des autres, ce qui lui permet de mieux vivre au sein du
groupe.
Linsertion des jeunes est un problème qui reste dactualité
du fait de la crise économique qui dure, le chômage qui se pérennise
et léchec scolaire très prégnant.
Sur le plan de la recherche, nous voulons montrer que linsertion ne peut
faire léconomie de linsertion scolaire qui, si elle est bien
menée ne peut quaugmenter les chances du jeune de sinsérer
professionnellement.
Notre mémoire se présente donc en deux parties.
La première partie aura pour thème « linsertion des
jeunes en difficulté dans la politique de santé publique : état
des lieux ». Elle abordera les points suivants :
Chapitre 1 - linsertion sociale : définitions, historique
Chapitre 2 - la catégorie « jeunes »
Chapitre 3 - le cadre juridique de prise en charge de linsertion
La seconde partie portera sur « linsertion au Centre de Soins des
Glacis » et traitera de :
Chapitre 1 - lespéranto comme moyen dinsertion par le langage
Chapitre 2 - le dispositif pédagogique dinsertion: lespéranto
aux Glacis
Chapitre 3 - les perspectives
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Première partie :
INSERTION DES JEUNES EN DIFFICULTÉ DANS LA POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE : ÉTAT DES LIEUX
Chapitre 1 - LINSERTION SOCIALE : DÉFINITIONS ET HISTORIQUE
Section 1 - Définitions de linsertion
Le Petit Larousse 2002 définit ainsi le terme « insérer
» : « trouver sa place dans un ensemble, se situer. Trouver
sa place dans un milieu : sintégrer, sintroduire. Linsertion
est le fait, la manière dinsérer, de sinsérer
dans un groupe».
Selon Le Petit Robert édition 2001, « sinsérer »
signifie « trouver sa place dans un ensemble », « réinsérer
» signifie « insérer à nouveau, réintroduire,
réadapter ». « Lintégration » est
définie comme « lopération par laquelle un individu
ou un groupe sincorpore à une collectivité, un milieu
».
Cette première définition générale montre que le
terme dinsertion se trouve relié à celui dintégration,
et, quand celle-ci pose problème, elle soulève la question de
la réinsertion.
Daprès le Petit Robert édition 2001, « la réinsertion
» est le « fait de réinsérer quelquun dans
la société, dans un groupe ».
Gilles Vidon parle de « la notion dinsertion - adaptation réciproque
qui pose le problème de lintégration. Celle-ci sous-entend
une notion de réciprocité de la part de la société
daccueil et de lindividu en processus dinsertion. Cest-à-dire
que linsertion ne saurait être superficielle mais doit senraciner
dans des liens et des identités partagés par tous. Cest
soulever le problème de lappartenance à un moment où
nos sociétés génèrent des phénomènes
dexclusion : exclusion professionnelle mais aussi exclusion sociale
» (La réhabilitation psychosociale en psychiatrie, Éditions
Frison Roche 1995 p.36).
Yves Poirier, représentant de lÉtat et du ministère
de lEmploi, définit « linsertion par son contraire,
cest-à-dire par lexclusion, par le fait dêtre
en dehors de quelque chose. Il faut amener les personnes concernées vers
un intérieur. Laction des politiques est double, elle est préventive
et curative. Elle doit également agir localement au niveau du territoire,
par une mise en synergie des partenaires susceptibles dapporter une réponse.
Elle doit enfin revêtir un caractère individuel » (Regards
croisés
sur linsertion, Le magazine du réseau des Greta de Lorraine n°4,
info continue octobre - novembre 1991 p.6).
Ces deux exemples sont donnés pour montrer dune part que la recherche
en sciences sociales relie la question de linsertion au phénomène
de lexclusion sociale, et dautre part que les pouvoirs publics utilisent
la notion dexclusion pour définir une politique préventive
et curative.
Les évaluations faites des résultats de cette politique préventive
et curative sont souvent critiques à légard des pouvoirs
publics :
«L'insertion des jeunes dans la vie professionnelle est très
difficile, voire dramatique, conclut une étude du Centre dÉtudes
et de Recherche sur les qualifications (CEREQ) auprès de 1600 jeunes
sortis de l'école en 1986 - à un niveau inférieur au Bac
- et suivis ensuite pendant 7 ans.
Un premier grief porté à ces dispositifs concerne le manque de
personnalisation des dispositifs mis en place, le manque de médiateurs
professionnels de l'emploi qui aident les jeunes à sinsérer
ou à se réinsérer.
Un deuxième grief concerne les employeurs potentiels qui ne sont pas
partie prenante, surtout les PME, et il nexiste pas de politique qui lie
le nombre de stagiaires au nombre d'embauches. Car on sait que pour qu'un stage
réussisse, il faut qu'il y ait une certaine proportion de stagiaires
embauchés, sinon cela devient un stage bidon, qui ne mène à
rien». (Extrait de Info Flash N° 427, 3-18 avril 1995).
Section 2 - Le rapport Schwartz de 1981 : préconisations, résultats
et limites
Les années 70 voient la dégradation de lemploi en général
et la montée du chômage chez les jeunes en particulier. Le système
scolaire est perçu comme ne répondant pas ou peu aux besoins des
entreprises.
Le Premier ministre, Pierre Mauroy, écrit dans sa lettre du 10 juin 1981,
adressée à monsieur le Professeur Bertrand Schwartz :
« Lentrée des jeunes dans la vie active, après la
fin de la scolarité, est devenue pour beaucoup dentre eux une véritable
course dobstacles et une période dincertitude et de déstabilisation.
La crise économique et lampleur du chômage ne sont pas seuls
responsables de cette situation. Lorganisation actuelle du système
éducatif, de la formation professionnelle et des services dinformation,
dorientation et de placement, les dispositifs dinsertion professionnelle
mise en place au cours des dernières années, ainsi que les aides
au premier emploi ne procèdent pas dune conception densemble,
mais de la juxtaposition de dispositions parfois contradictoires et souvent
conjoncturelles
Votre étude devra aboutir à un ensemble de propositions permettant
détablir une meilleure articulation de tous les services publics
concernés, de telle sorte que les jeunes de cet âge ne soient jamais
condamnés au chômage, ni à des emplois par trop précaires,
quils aient la possibilité dacquérir la culture et
la formation qui leur permettront de sadapter aux changements à
venir et quils bénéficient des moyens dorienter leur
vie professionnelle vers les emplois qui correspondent le mieux à leurs
goûts et à leurs capacités » (Lettre du Premier
ministre, linsertion professionnelle et sociale des jeunes, rapport au
Premier ministre, Bertrand Schwartz, la documentation française, 1981).
Pour Bertrand Schwartz, « la crise accroît non seulement les
inégalités entre jeunes et adultes, mais aussi les inégalités
des jeunes entre eux». Ceux qui sont les moins qualifiés sont
exclus. Le sentiment de malaise, les tentatives de suicide chez les jeunes augmentent,
avec des problèmes relevant de la justice (délinquance). Le rapport
Schwartz souligne que « le nombre des emprisonnements a augmenté
de 40% en 3 ans » (Linsertion professionnelle et sociale des
jeunes, p.26).
La circulaire du 29 janvier 1975 du Premier ministre de lépoque
stipule quil faut «utiliser cette période de ralentissement
de la croissance pour améliorer la formation professionnelle des jeunes
demandeurs demploi ».
À cette époque, linsertion des jeunes sétait
traduite par des mesures permettant une intégration professionnelle avec
la mise en place des stages Granet, puis celle des trois pactes pour lemploi
entre 1977 et 1980.
Lordonnance n°82-273 du 26 mars 1982 confirma les mesures du rapport
Schwartz destinées à assurer aux jeunes de seize à dix-huit
ans une qualification professionnelle et à faciliter leur insertion sociale
:
« Article premier - La qualification professionnelle et linsertion
sociale des jeunes gens et jeunes filles de seize à dix-huit ans constituent
une obligation nationale. LÉtat, les collectivités locales,
les établissements publics, les établissements denseignement,
les associations, les organisations professionnelles, syndicales et familiales
ainsi que les entreprises y concourent par la mise en uvre des actions
ci-après :
1 Des actions daccueil, dinformation et dorientation ayant
pour objet, notamment, dinformer les jeunes sur les possibilités
dentrée en formation et de proposer à leur choix un processus
dinsertion sociale et de qualification professionnelle ;
2 Des actions dorientation approfondie ayant pour objet daider ceux
des jeunes dont lorientation présente des difficultés particulières
à choisir les voies les plus appropriées pour leur permettre dacquérir
une qualification professionnelle et dassurer ainsi leur insertion sociale
;
3 Des actions de formation alternée ayant pour objet lacquisition
dune qualification, la préparation à un emploi et linsertion
sociale.
Article deuxième - Les actions définies à larticle
premier sadressent aux jeunes de seize à dix-huit ans qui, ne se
trouvant pas en cours de scolarité, ne sont liés ni par un contrat
dapprentissage ni par un contrat de travail ».
Ces actions de formation devaient apporter des solutions aux jeunes.
A - Les solutions apportées par le rapport Schwartz
Lidée principale du rapport est la suivante : face au chômage
structurel, Bertrand Schwartz propose de développer une action structurelle
d'insertion professionnelle qui s'inscrit dans une démarche d'insertion
sociale. La démarche dinsertion sociale pour ce qui nous concerne
est de responsabiliser les jeunes et les considérer comme des citoyens
à part entière.
Le rapport Schwartz contribue à la redéfinition globale des politiques
sociales en cherchant à leur faire perdre leur caractère trop
exclusivement « assistantiel » et en mettant en question les clivages
traditionnels entre l'économique et le social. Linsertion professionnelle
permet-elle linsertion sociale des jeunes ? Il faut qualifier socialement
et professionnellement les jeunes :
« Si pour certains privilégiés, linsertion sociale
se règlera delle-même aussitôt quils auront un
emploi, pour dautres qui sont nombreux, il nen est rien, et pour
certains, même si on leur « trouvait » un emploi, rien ne
serait résolu ». Pour ce faire, le rapport Schwartz propose
de « garantir une qualification professionnelle et sociale pour tous
les jeunes de 16/18 ans et de favoriser linsertion professionnelle des
jeunes de 18/21 ans » (Linsertion professionnelle et sociale
des jeunes, p.33).
Bertrand Schwartz écrit quen matière dinsertion sociale,
il faut « utiliser les capacités créatrices des jeunes
et les préparer à une qualification sociale ». Pour
ce faire, il est nécessaire « dassocier les jeunes à
toutes les décisions qui concernent la société et agir
sur la société dans son ensemble». Pour que cela fonctionne,
il faut un investissement personnel du jeune, il faut quil réalise
une action et quil se réalise lui-même afin de retrouver
lestime de soi. Lespéranto au Centre de Soins des Glacis
y contribue.
« Il convient dinventer de nouvelles modalités dinsertion
dans une société qui nest pas fixe et immuable, mais au
contraire en voie de bouleversement et de restructuration
Il faut que
dune part, les adultes soient à lécoute du comportement
des jeunes, et dautre part, quon donne à ces derniers les
instruments individuels et collectifs nécessaires, au premier rang de
ceux-ci, lautonomie, la gestion deux-mêmes, de leur travail,
de leur vie» (LInsertion professionnelle et sociale des jeunes,
p.30).
Les jeunes sont perçus ici comme acteurs de leur vie.
Cette nouvelle politique douverture vers les jeunes est également
une des finalités de lespéranto aux Glacis.
Les jeunes en situation déchec ou en difficulté scolaire
sont ceux qui ont le plus de mal à acquérir une formation. Ils
ont besoin daide et surtout de suivre un parcours le plus individualisé
possible. Le jeune est perçu de manière globale et non plus uniquement
dun point de vue économique.
Nous nous proposons de reprendre cette idée et de la développer
dans la deuxième partie du mémoire, qui constitue le cur
même de notre travail.
Bertrand Schwartz proposait de rechercher des solutions, non pas avec la création
de nouvelles institutions, mais à travers une vaste mobilisation institutionnelle
et sociale, et surtout une transformation des d'actions publiques.
Dans cette perspective, la mise en place des Missions Locales manifestait l'intention
dorganiser une mobilisation au plus près des jeunes. Cétait
une démarche locale qui devait permettre à la fois dinstaurer
un nouveau type de relations entre les jeunes et les institutions, et dadopter
une plus grande cohérence dans la recherche de réponses globales
mieux adaptées à leur situation.
Le rapport Schwartz a donné naissance aux permanences daccueil,
dinformation et dorientation (PAIO) et aux missions locales. Devenues
un
véritable choix politique, ces missions locales ont été
fondées par lordonnance du 26 mars 1982 qui stipule :
« La qualification professionnelle et l'insertion sociale des jeunes gens
et jeunes filles de seize à dix-huit ans constituent une obligation nationale.
L'État, les collectivités locales, les établissements publics,
les établissements d'enseignement, les associations, les organisations
professionnelles, syndicales et familiales ainsi que les entreprises y concourent.
Les Missions Locales ont pour objet d'aider les jeunes à résoudre
l'ensemble des problèmes que pose leur insertion sociale et professionnelle
».
La circulaire du 9 avril 1982 précise le rôle dévolu aux
missions locales : « Elles suivent les jeunes pendant leur période
de formation ; elles les aident à construire un itinéraire d'insertion
sociale et professionnelle et en assurent le suivi. Elles sont un relais entre
le jeune et les organismes de formation. Elles se préoccupent de l'ensemble
des problèmes d'insertion sociale qui se posent aux jeunes : vie quotidienne,
logement, loisirs, santé
Elles recherchent, en relation notamment
avec l'ANPE, les organismes de formation et les employeurs, des réponses
inédites aux problèmes d'insertion, de formation et d'emploi qui
se posent localement aux jeunes ».
« La loi du 19 décembre 1989 intègre les missions locales
dans le Code du Travail et institue un Conseil National des Missions Locales
auprès du Premier ministre. Aujourd'hui, on dénombre 365 missions
locales et 226 permanences daccueil, dinformation et dorientation
(PAIO) réparties sur le territoire français. Juridiquement, elles
répondent pour la majeure partie d'entre elles au statut d'association
loi 1901. Elles sont cofinancées par l'État et les collectivités
territoriales, avec une implantation géographique variable correspondant
à une commune (pour les grandes agglomérations), à un ensemble
de communes, un district, voire un arrondissement ».
Les missions locales souffrent de certaines difficultés, car linformation
est trop générale et certains jeunes ne parviennent pas lexploiter.
Il faut les aider et leur expliquer. Il faut également agir au plus près
des jeunes.
Ces structures manquent également de moyens budgétaires et humains
dans un contexte de crise économique.
Comme linsertion doit être globale et non pas uniquement professionnelle,
il faut donc également travailler au niveau du logement, de la santé,
des loisirs, de la justice, des médias
Il faut aider le jeune à
être responsable et citoyen.
B - Linsertion après le rapport Schwartz
Linsertion professionnelle des jeunes représente une des priorités
du gouvernement en matière demploi. En effet, le taux de chômage
des jeunes est dautant plus élevé quils sont moins
qualifiés.
À côté des structures déjà mentionnées,
les pouvoirs publics décident de lancer une série importante de
programmes et dactions dinsertion, dont la première caractéristique
est la multiplicité et la diversité des dispositifs. Nous rappelons
ici quelques unes des mesures prises :
1 - 1985-1997 : lintensification des politiques et le renforcement des
dispositifs en alternance
* Le revenu minimum dinsertion (RMI) est versé sous condition de
tentative dinsertion pour les plus de 25 ans. Cette politique dinsertion
est définie dans la circulaire du 9 mars 1989. Trois types dinsertion
sont prévus :
Linsertion sociale vise à motiver les personnes les plus marginalisées
en les alphabétisant, en les encadrant et en leur donnant des conseils
pour les démarches juridiques.
Linsertion professionnelle sadresse aux personnes qui doivent être
requalifiées par des stages avant de reprendre une activité.
Linsertion économique concerne les personnes qui sont immédiatement
insérables sur le marché de lemploi. Elles peuvent occuper
un emploi dintérêt général.
* Les fonds daides aux jeunes sont créés en 1989 et généralisés
par la loi RMI de 1992.
* La préparation active à la qualification et à lemploi
(programme PAQUE) est créée en 1992 pour deux ans et concerne
les jeunes de 16 à 25 ans sans emploi, ne maîtrisant pas les savoirs
de base, et rencontrant des difficultés dintégration sociale.
Des incitations financières en direction des entreprises sont instaurées
en échange de lembauche de jeunes.
* Le dispositif Défi jeune est créé en 1987.
* Le contrat Emploi solidarité ou CES est créé en 1989.
* Le contrat Emploi consolidé ou CEC est créé en 1993.
* Laide au premier emploi des jeunes ou APEJ a été créée
en 1994.
* Le contrat initiative emploi ou CIE est créé en 1995.
* Lallocation de remplacement pour lemploi ou ARPE a été
créée en 1995.
* Le crédit de formation individualisé ou CFI
Le CFI est créé en septembre 1989 : il permet à tout jeune
demandeur demploi sans qualification daccéder à une
qualification reconnue de niveau 5 comme le CAP. Grâce au CFI, 57% des
jeunes ont trouvé un emploi.
* Le contrat de qualification est créé en 1991.
* Le programme « nouveaux services-nouveaux emplois »
Il sagit des Emplois-Jeunes créés en 1997.
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
2 - Le Plan contre lexclusion (1998-2001)
Le programme « nouveau départ » vise à proposer des
emplois à tous les jeunes avant quils natteignent 6 mois
de chômage.
En matière demploi 25 000 contrats de qualification sont créés
pour les plus de 25 ans, au chômage depuis plus de 6 mois. 60 000 jeunes
en difficulté bénéficieront chaque année du programme
TRACE créé en 1998. 40 000 contrats de qualification et 20 000
contrats dorientation supplémentaires en 3 ans seront consacrés
aux jeunes en difficulté. 20% des Emplois-Jeunes seront réservés
aux habitants des quartiers sensibles, 70 000 contrats emplois consolidés
(CEC) seront pris en charge à 80% par lÉtat pendant 5 ans,
pour les personnes les plus en difficulté.
Dautres mesures sajoutent au volet emploi, ce sont :
En matière de logement :
- une meilleure prévention en ce qui concerne les expulsions, les coupures
deau et délectricité,
- une réforme de lattribution des logements sociaux.
En matière déducation :
- les zones déducation prioritaires vont être plus nombreuses.
En matière de surendettement :
- Les commissions de surendettement de la Banque de France pourront décider
deffacer les dettes de certaines personnes considérées comme
insolvables.
En matière dassurance maladie et de sécurité sociale
:
- La couverture maladie universelle (CMU) est créée. Dès
16 ans, laccès possible à la Sécurité sociale
sera ouvert à toutes les personnes et aux familles qui ne relèvent
daucun régime professionnel. Les personnes les plus démunies
seront exonérées du forfait hospitalier et de certaines dépenses
spécifiques (soins dentaires, lunetterie) et bénéficieront
dun meilleur accès aux soins (prévention, centre daccueil
de jour
).
3 - Situation actuelle : en 2003
- Le plan daide au retour à lemploi ou PARE a été
mis en place.
- La convention UNEDIC a été signée en octobre 2000 et
elle fait coïncider les offres et les demandes en matière demplois.
- À la suite de la loi du 17 janvier 2002 sur la validation des acquis
et de lexpérience, il est possible désormais de faire reconnaître
son expérience personnelle en vue dune formation et/ou dun
changement de travail.
- Le contrat dinsertion dans la vie sociale (CIVIS) concerne les jeunes
entre 18 et 25 ans qui possèdent au plus le baccalauréat et qui
ont des projets dans les domaines du social ou de lhumanitaire. 25000
contrats seront signés dici 2004 et ce, pour une durée de
trois ans. À terme, le CIVIS remplacera « le Contrat emploi jeune
» et intégrera le programme TRACE pour ce qui concerne les jeunes
en difficulté.
Cet empilement de mesures et de structures appelle des remarques sur une stratégie
des pouvoirs publics qui a fait lobjet de plusieurs études sur
le fonctionnement de ladministration française.
Toutes ces mesures qui ont pour but dinsérer et de réduire
le chômage des jeunes ne semblent conduire quà la précarisation
des jeunes et au développement du travail précaire. Sans cesse
de nouvelles formations sont créées pour en remplacer dautres.
Or, les problèmes demeurent. Le dispositif de formation et dinsertion
professionnelle des jeunes présente, en dépit de ses réorientations
successives, une efficacité limitée.
- Le rapport Charvet remis en mars 2001 souligne que : « nombre des attitudes
et des comportements des jeunes que lon serait tenté dimputer
à leur âge - linstabilité, la réversibilité
de leurs parcours, leur difficile construction didentité nont
rien de « naturels. »
En effet, ils sont le produit à la fois des mouvements de la société,
darbitrages collectifs qui ont été faits entre générations
et entre catégories sociales, de plus ces attitudes et ces comportements
existent aussi chez des « adultes » (
) affectés aussi
dune mobilité croissante et de questions identitaires.
Dès lors, peut-on définir la jeunesse comme lémergence
dun nouvel âge de la vie ? Ne convient-il pas plutôt de reconnaître
que la période de la jeunesse révèle les transformations
profondes dune société en mutation ? Les problèmes
de jeunesse ne sont plus des questions en soi, ils renvoient
largement à la capacité dune société à
se projeter dans lavenir, à formuler un projet collectif qui permette
à chacun de disposer dun cadre commun ».
« Lenjeu majeur de la société de la connaissance dans
laquelle nous sommes entrés redevient léducation qui doit
être pensée autour de la perspective de léducation
et de la formation tout au long de la vie.
Cest autour de cet enjeu que le rapport propose dorganiser le passage
de lécole à lemploi autour dun droit à
léducation mieux affirmé adossé à un droit
pour tout jeune à lexpérience professionnelle :
- La jeunesse doit être considérée comme un investissement
collectif dans lavenir et non comme une charge, comme des problèmes
à gérer. Dès lors, il convient de sinterroger sur
la nature des arbitrages intergénérationnels qui sont nécessaires
dans laffectation des ressources publiques
- L efficacité des interventions en direction des jeunes en difficulté
suppose dengager des réformes qui concernent l ensemble des
jeunes, tant en ce qui concerne le système éducatif lui-même,
que la politique dinsertion professionnelle et daccès à
lemploi et la politique familiale » (À propos du rapport
de Dominique Charvet, Jeunesse, le droit davenir mars 2001, Un autre regard
sur la jeunesse, Pierre-Jean Andrieu, Sauvegarde de lenfance, vol 57 n°3,
Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS, 2002, p.120
et 121).
Une étude réalisée en 1994 au sein de lÉcole
Nationale dAdministration
montre, par exemple, que : « la mise en place du CFI en 1989, son recentrage
sur lemploi en 1991, puis le lancement du PAQUE en 1992,
ont profondément renouvelé le dispositif de formation professionnelle
des jeunes. Il sagit de le moderniser et de lutiliser comme un instrument
de lutte contre lexclusion des jeunes sans qualification.
En dépit de ces transformations successives, les résultats en
termes de qualification et demploi se sont avérés décevants.
Aussi, le dispositif de formation et dinsertion professionnelle des jeunes
se réoriente vers une logique dindividualisation de la relation
avec les jeunes, du parcours et de la formation » (mémoire de recherche
« politiques de lutte contre le chômage et lexclusion et mutations
de laction sociale », recherche et documentation, Documentation
française, École Nationale dAdministration, Promotion Saint-Exupéry,
1994, p.136 et 137).
Individualiser au maximum les formations peut sans doute aider les jeunes mais
ne faudrait-il pas également assouplir la bureaucratie française
?
Dautres études, notamment en sociologie des organisations, avec
ce que lon appelle lécole de Michel Crozier ont donné
une connaissance sur le fonctionnement objectif de lAdministration saisie
comme une organisation : « quels que puissent être ses traits particuliers,
le défaut principal dun système dorganisation bureaucratique
reste toujours, en effet, son manque de souplesse et la difficulté quil
éprouve à sadapter à un environnement en continuelle
transformation » (Le phénomène bureaucratique, M. Crozier,
Éditions points, 1971, p.273).
Un membre de cette école, Ehrard Friedberg, analyse les caractéristiques
organisationnelles de la bureaucratie à la française. Ce sont
« le règne de la règle impersonnelle, la centralisation
du pouvoir de décision et la stratification des individus en groupes
homogènes et cloisonnés entre eux» ( lanalyse sociologique
des organisations, E. Friedberg, revue Pour, n°28, Édition Privat,
1988, p.77 et 78).
La lourdeur de notre système bureaucratique montre quil est difficile
de sadapter rapidement et explique les nombreuses mesures mises en place
en faveur des jeunes mais qui ont apporté peu de solutions jusquà
ce jour.
Nous constatons, pour notre part, quil existe une similitude entre le
rapport Schwartz de 1981 et le rapport Charvet de 2001.
Cette similitude peut sexpliquer par le fait que lAdministration
opte toujours pour une identification du public à traiter sous la forme
catégories
sociales à classer, avant dimaginer des mesures pour chacune dentre
elles. La catégorie « jeunes » est découpée
en tranches dâges qui vont désormais de 16 ans à 29
ans.
Le caractère durable du chômage avec des crises économiques
de plus en plus fréquentes oblige les pouvoirs publics à développer
continuellement cette stratégie, pour aboutir parfois à un «
véritable maquis institutionnel et juridique », qui nécessitera
à son tour une nouvelle réforme du dispositif pour plus de lisibilité
et defficacité. Et cette réforme appellera à son
tour un nouveau train de mesures pour former en définitive une véritable
« bureaucratie » de linsertion socioprofessionnelle.
Les jeunes doivent être perçus dans leur globalité et non
pas en terme de difficultés, quelles quelles soient. Envisager
leur situation de façon positive permettra de trouver des solutions pour
faire avancer la société. Pourtant ce qui est mis en place en
faveur des jeunes est très éloigné de leurs demandes, de
leurs besoins et de leurs possibilités. Il est nécessaire quils
soient acteurs de leur avenir.
Plutôt que de réfléchir pour eux, ne serait-il pas préférable
de réfléchir avec eux ?
Linsertion socioprofessionnelle est très liée à lécole
et à la formation. Quen est-il de lécole et des solutions
quelle préconise pour y répondre ?
Section 3 Le rôle social et économique de lécole
Jusque dans les années 1970, lécole était synonyme
dobtention dun diplôme qui débouchait sur un travail.
Cétait lépoque des trente glorieuses avec le marché
du plein emploi. Le ralentissement de la croissance à partir de 1974
implique la baisse des emplois pour les nouveaux entrants et il savère,
comme le remarque Philippe Frémeaux, que « les jeunes qui sortent
sans diplôme ont de plus en plus de mal à sinsérer,
parce que les emplois auxquels ils peuvent prétendre sont occupés
par des personnes mieux diplômées qui nont pas trouvé
de poste correspondant à leur niveau de qualification » ( Lécole
malade du chômage, dossier préparé par P. Frémeaux
avec la collaboration de L. Maurin et G. Vindt, Alternatives économiques
n°168, mars1999, p.25).
La crise économique a permis le passage dun modèle taylorien
produisant en grande série des biens standardisés, avec beaucoup
de main duvre peu qualifiée, vers une économie produisant
des biens et des services toujours plus diversifiés, mais qui nécessite
une main-duvre hautement qualifiée et adaptable.
« Puisque lenjeu est de sadapter aux nouvelles technologies,
il faut, pour
réduire le chômage, élever la qualité de la main-duvre.
Telle va être la nouvelle mission de lécole avec le mot dordre
des 80 % au niveau bac, lancé par Jean-Pierre Chevènement, alors
ministre de lÉducation nationale » (Lécole malade
du chômage, p.25).
Les filières techniques ont été développées,
grâce notamment à la création du bac professionnel, de manière
à élever le niveau général des anciennes filières
CAP-BEP.
« Or, face à ces nouveaux publics, les lycées denseignement
général ont continué, à quelques inflexions pédagogiques
près, à fonctionner comme avant, lorsquils accueillaient
pour lessentiel des enfants issus de milieux favorisés. Aujourdhui
encore, la pédagogie et les modes dencadrement sinscrivent
dans la tradition académique ; la culture enseignée demeure plus
facilement assimilable par les jeunes issus dun milieu aisé. Une
situation qui devient critique quand une partie des élèves, parce
que leurs parents ou leurs grands frères sont au chômage ou parce
quils vivent dans un univers marqué par la violence et la débrouille,
ne croient plus que lécole puisse leur apporter quoi que ce soit
» (Lécole malade du chômage, p.26).
Une étude parue dans une revue spécialisée montre que :
« désormais, 70% dune classe dâge arrivent au
bac, contre 34% en 1980 : un doublement en quinze ans. Et 63% lobtiennent
contre 26% en 1980. Chaque année, un peu plus de 700 000 jeunes sortent
dune formation initiale. Sur ce total, 273 000 ont une formation de type
enseignement supérieur, 203 000 de niveau bac (avec ou sans le diplôme),
172 000 de niveau CAP/BEP, 53 000, enfin, nont pas atteint ces différents
niveaux de formation. Compte tenu des candidats qui échouent aux examens,
environ 100 000 jeunes quittent lécole sans diplôme (contre
200 000 en 1980) » (Une insertion professionnelle à deux vitesses,
Denis Clerc, Alternatives Économiques n°160, juin 1998, p.42).
« Le chômage des jeunes non diplômés est dû au
trop faible nombre demplois créés et non à une insuffisance
quantitative du nombre demplois non qualifiés. La meilleure façon
de lutter contre le chômage de ces jeunes est de créer davantage
demplois qualifiés » (Une insertion professionnelle à
deux vitesses, p.44).
Le tableau « lécole malade du chômage » joint
en annexe, p.103, montre que le taux de chômage est plus important lorsque
la qualification est moindre. Toutes ces données ont amené le
gouvernement à chercher des solutions en faveur de la formation et de
lemploi des jeunes.
Les mesures suivantes proposées en matière déducation
par les pouvoirs publics se caractérisent par leur multiplicité.
a - Laction éducative périscolaire (AEPS)
Ce dispositif mis en place en 1982 concernait à ses débuts les
élèves étrangers du cours moyen. Désormais régi
par la circulaire du 10 mai 1990, il sadresse aux enfants des milieux
défavorisés. Il sapplique en particulier dans les zones
déducation prioritaires (ZEP) en permettant aux élèves
de diversifier leurs centres dintérêt et de développer
leurs capacités dexpression et de communication. Il est financé
par le Fonds dAction Sociale (FAS) et a concerné près de
40 000 élèves en 1996/1997 du cycle primaire soit 2609 actions
pour un montant de 4.88 M€.
b - La charte de laccompagnement scolaire
Elle est signée en 1992 entre le ministère de lÉducation
Nationale, le ministère des Affaires Sociales, le secrétariat
à la Ville, et des Associations et Organismes. Son but est de contribuer
à développer et faire connaître les actions daccompagnement
scolaire et ce, au travers dactions éducatives périscolaires,
les réseaux solidarité - école, et les contrats locaux
daccompagnement scolaire.
c - Le réseau solidarité - école (RSE)
Il a été mis en place en 1992 pour les élèves de
4ème et de 3ème des collèges et des lycées professionnels.
« Lobjectif est de prévenir les « décrochages
» qui se produisent souvent au collège en apportant une aide méthodologique
et/ou un accompagnement éducatif dans une ou plusieurs disciplines (français,
mathématiques, langues vivantes), en mobilisant un réseau de personnes
ressources compétentes : parents, retraités, étudiants,
enseignants, responsables associatif ».
Ce dispositif est financé par la direction de la Population, et des Migrations
(DPM), la Direction de lAction sociale (DAS) et le FAS. En 1996-1997,
450 actions ont concerné près de 8000 jeunes pour un montant de
1.30M€.
d - Le contrat local daccompagnement scolaire (CLAS)
Il concerne les enfants et les jeunes de lécole primaire au lycée
professionnel résidents des zones urbaines sensibles. Mis en place en
1996, les crédits se sont élevés en 1997 à 5.79M€
(3.05M€ financés par la Caisse Nationale dAllocations Familiales
et 2.74M€ par le Fonds dAction Sociale).
e - Dautres mesures
Le jeune peut être accueilli au collège, de la 6ème à
la 3ème et au lycée de la 2nde à la terminale, au lycée
denseignement professionnel (LEP), mais aussi en section denseignement
général et professionnel adapté (SEGPA), en 4ème
daide et de soutien et en 3ème technologique. Des stages de découverte
sont désormais proposés en 4ème et en 3ème.
Des zones déducation prioritaire (ZEP) ont été créées
en juillet 1981. À lorigine au nombre de 363, elles étaient
558 en 1999. En juin 1998, les réseaux déducation prioritaire
(REP) voient le jour. Dans ces réseaux, certains avantages des ZEP sont
maintenus (crédits pédagogiques, heures de cours supplémentaires),
mais les primes destinées aux enseignants sont supprimées.f -
Dispositif en faveur des personnes handicapées
La loi dorientation du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées
définit, dans son article 4, un droit pour les enfants et adolescents
handicapés à être scolarisés en milieu ordinaire.
La loi dorientation du 10 juillet 1989 réaffirme lobjectif
dintégration. Il existe :
- Les classes dintégration scolaire (CLIS) créées
par une circulaire de 1991 dans les écoles primaires.
- Les unités pédagogiques dintégration (UPI) dans
les collèges depuis la circulaire en 1995.
Lorientation des enfants et adolescents handicapés est étudiée
par les commissions déducation spéciale et les commissions
de circonscription de lÉducation Nationale qui sont la commission
de circonscription pré-élémentaire et élémentaire
(CCPE) et la commission de circonscription pour le second degré (CCSD).
Les élèves peuvent être également suivis par le service
dassistance pédagogique à domicile ( SEPAD).
Si les personnes handicapées ne peuvent être accueillies dans les
établissements de type classique, elles peuvent être prises en
charge en :
institut de rééducation (IR), en institut médico-pédagogique
(IMP), en institut médico-professionnel (IMPRO), ou en établissement
régional denseignement adapté (EREA) pour les enfants, et
en maison daccueil spécialisée (MAS), en foyer occupationnel,
en centre daide par le travail (CAT) ou en Atelier Protégé
pour les adultes.
La commission dorientation et de reclassement professionnel (COTOREP)
examine le dossier des personnes âgées dau moins 20 ans et
permet lobtention de lallocation pour handicapé adulte et
la reconnaissance du statut de travailleur handicapé.
Chapitre 2 - LA CATÉGORIE « JEUNES »
Le public concerné dans notre étude sera appréhendé
à partir des notions de jeunes et de la notion dadolescence. En
effet, le public accueilli dans létablissement étudié
répond à la définition de jeunes et dadolescents
daprès la présentation suivante :
Section 1- Différents aspects
La catégorie « jeunes » recouvre des définitions bien
différentes.
B. Schwartz étudie les jeunes au travers de ce qui les unit. F. Labadie
les perçoit comme une classe dâge. P. J Andrieu étudie
la familialisation accrue de leur prise en charge. O. Galland les classe selon
des stades et I. Amrouni se préoccupe des jeunes scolarisés.
Pour B. Schwartz, « les jeunes représentent tout, sauf un ensemble
homogène. Selon leur classe sociale, selon quils sont garçons
ou filles, selon le lieu où ils habitent, leurs problèmes sont
différents ou plus ou moins graves. Et, cependant, les jeunes sont unis
dans un certain nombre de comportements et didées. Ce qui les unit,
cest leur exclusion de la société.
Ce qui les unit, cest leur désespérance devant labsence
de perspectives. Cette unité est suffisante pour relever dune réflexion
où les jeunes soient pris comme une totalité définie par
leur classe dâge et cela parce que la crise atténue pour
eux, au moins en partie, les différences entre classes sociales favorisées
et défavorisées.
Leurs positions par rapport aux possibilités dinsertion professionnelle
et sociale, se rapprochent de plus en plus, en prenant la forme identique du
chômage, de lemploi précaire ou déqualifié
» (Linsertion professionnelle et sociale des jeunes p.21).
Auparavant les jeunes travaillaient plus tôt : est-ce à dire quils
étaient déjà adultes ? Au départ les mesures dinsertion
concernaient les 16-18 ans, puis les 18-25 ans, et même au-delà
avec les « Nouveaux services-emplois jeunes » créés
en 1997. Les jeunes sont scolarisés de plus en plus longtemps. Lidée
est damener 80% dune classe dâge au bac.
Qui dit baccalauréat dit études supérieures doù
lidée de poursuivre des études, ce qui permettra darriver
sur le marché du travail plus qualifié et de trouver du travail.
Le jeune dans cette situation est dépendant financièrement de
sa famille. Actuellement, avoir 18 ans ne semble rien signifier dautre
que latteinte de la majorité civique. Cela ne marque pas le passage
entre ladolescence et lâge adulte.
Pour Francine Labadie « les jeunes sont communément les 16-25 ans,
mais aussi des individus majeurs civiquement et pénalement à 18
ans, les moins de 25 ans qui nont pas accès au RMI, ou encore les
enfants à la charge de leurs parents jusquà 20 ans au sens
de la législation familiale.
En 1975, 25% des 16-25 ans relevaient, à un titre ou à un autre,
dinterventions publiques. Ils sont désormais 75% à se retrouver
dans cette situation, soit quils poursuivent leurs études, soit
quils relèvent des dispositifs de la politique de la jeunesse »
(Lévolution de la catégorie jeune dans laction publique
depuis 25 ans, Recherches et Prévisions Jeunes adultes, Allocations familiales/
CNAF n°65, septembre 2001, p.19).
Pour Pierre-Jean Andrieu « le resserrement des conditions dindemnisation
du chômage a contribué à renvoyer une fraction croissante
des jeunes à la charge de leur famille, ce dont prend acte la loi famille
de 1994 en étendant à tous les jeunes le versement des prestations
familiales jusquà 20 ans (ou 21 ans).
La familialisation accrue de leur prise en charge conduit à une vision
des jeunes comme des « grands enfants », une vision de la jeunesse
comme un ensemble de problèmes à traiter
, une vision plutôt
négative de la jeunesse. Si lon adopte cette représentation
de la jeunesse, on est amené à souligner que les problèmes
de jeunesse ne sont plus des questions en soi, quils renvoient largement
à la capacité dune société à se projeter
dans lavenir, à formuler un projet collectif qui permette à
chacun de disposer dun cadre commun.
Dans les années 1980, Pierre Bourdieu soulignait que parler du problème
de la jeunesse cétait parler de la capacité dune société
à assumer la question de la succession des générations
» (Jeunesse, le droit davenir, mars 2001).
Olivier Galland distingue cinq phases chez les jeunes « ladolescence
lycéenne, la jeunesse étudiante, les jeunes précaires chez
les parents, les jeunes actifs vivant seuls et les jeunes actifs en couple »
(Les jeunes adultes comme objet théorique, Recherches et Prévisions
Jeunes adultes, Allocations familiales / CNAF n°65 septembre 2001, p.9 ).
Isabelle Amrouni écrit que « léducation vise «
les jeunes scolarisés » et parmi eux, selon les objectifs, des
sous catégories comme les jeunes issus de familles modestes pour le versement
des bourses universitaires sur critères sociaux. Les politiques dinsertion
visent « les jeunes actifs non occupés » et, parmi eux, elles
différencient des cibles particulières en privilégiant
des critères dâge de niveau de qualification et dactivité
» (La difficile définition de la catégorie « jeunes
» : illustration avec les dispositifs publics en faveur des jeunes, Les
politiques sociales catégorielles sous la direction de P. Méhaut
et P. Mossé , Paris, Édition LHarmattan, 1996, tome1).
Section 2 Une autre approche de la notion de jeunes : ladolescence
1 Description
A Approche sociologique
Ladolescence est la période entre le monde de lenfance et
celui de ladulte. Ladolescent nest plus un enfant, il se détache
de son enfance mais il nest pas encore un adulte. Il recherche un statut
stable, hésite, et est amené à faire des choix professionnels
et de vie. Étymologiquement, le terme « adolescence » signifie
grandir, évoluer. Ladolescence varie selon les époques,
les cultures et les milieux sociaux.
a - Aspect culturel
Historiquement, jusquau 19ème siècle, la famille était
de type patriarcal avec la transmission des biens et des traditions. Les valeurs
étaient celles du passé. Les enfants travaillaient jeunes, ils
navaient pas d adolescence.
Aujourdhui, la famille se compose du couple et des enfants. Une grande
attention est accordée à léducation. Elle est symbolisée
par plus de divorces, moins de mariages et davantage de mobilité quautrefois.
Lenfant, ladolescent na plus à travailler pour aider
sa famille à vivre.
b - Aspect social
Les adolescents forment un groupe social avec son langage, ses valeurs, ses
codes. Le jeune, même sil ne se sent pas bien dans le groupe y reste,
car il sy reconnaît. Il se révolte. Il dépend du leader,
cest lui sa référence. La bande est un refuge contre langoisse.
Cest le « nous » de la bande qui lui donne le sentiment dune
identité sociale.
B Approche économique
Le modèle actuel de notre société, est celui dune
"société de consommation ". Au travers de la publicité,
la sollicitation vers le consommateur est incessante. Il lui est enseigné
de tout avoir, tout de suite. La notion « denfant roi » chemine.
Lenfant a tout pour réussir. Ladolescence dun point
de vue économique est un marché rapportant beaucoup dargent.
Ny a-t-il pas le style ado, la revue ado, la télé ado ?
En outre, cette période se prolonge du fait détudes de plus
en plus longues, dun travail que lon ne trouve pas tout de suite
mais également parce que les parents parfois se conduisent eux-mêmes
en « adulescents » cest-à-dire comme des adolescents
aussi bien physiquement en adoptant le style ado que psychologiquement.
Ceci rend difficile lidentification de ladolescent, quand personne
ne lui fixe de repère, de limite. Cela est dautant plus difficile
que parfois les parents sont au chômage, ne se lèvent pas le matin.
Pourquoi ladolescent devrait-il se lever pour aller à lécole,
à quoi cela sert-il ? Quel est son avenir ?
Avant, il ny avait pas de problèmes pour trouver du travail. Depuis
1973, il y a moins de travail et davantage de stages, de formations et de «
petits boulots ». Ladolescence dure entre 10 et 20 ans. Ladolescent
nexiste que dans un contexte social défini avec une dépendance
psychologique et économico-sociale longue. Cependant, lado fait
partie du changement dans la famille et dans la société. De par
son questionnement, il fait avancer la société.
Ladolescent vit dans sa famille plus longtemps. Quand ladolescent
sera t-il adulte? Lenfant est passif, dépendant, asexué.
Ladulte, lui, est actif, indépendant et sexué. Ladolescent
est tantôt lun, tantôt lautre. Ladolescence nest
pas seulement la période des transformations physiques, elle est aussi
celle des transformations psychologiques. Dans sa tête, il se produit
une véritable révolution.
Stanislas Tomkiewicz, écrit : « dans nos sociétés
complexes, la néoténie dure dautant plus longtemps que vous
êtes riche et de bonne famille, et ce laps de temps plus long permet une
évolution plus raffinée des capacités cognitives.
Cest ainsi un excellent moyen de maintenir les différences sociales
et de sauvegarder les privilèges des couches possédantes, bien
que les titres héréditaires aient été abolis à
la révolution française » (Prévenir adolescence ,
deuxième semestre 1992 /23, Coopérative dédition
de la vie mutualiste, 1993, p.14).
Les enfants de familles riches auront un meilleur emploi que les jeunes issus
de familles pauvres qui, eux, doivent travailler rapidement. Cela signifie t-il
que des études plus longues permettent une meilleure situation professionnelle
?
Pour Odile Naudin « dans le cadre actuel, les meilleurs résultats
signifient souvent la meilleure intégration possible dans le monde professionnel,
donc dabord dans le système éducatif. Les inquiétudes
et exigences des familles portent donc en premier, ce nest pas nouveau,
sur lécole. Belle perpétuation de la séparation entre
le corps et lesprit
Pas tout à fait, car lors dune maladie ou plus simplement quelques
malaises corporels, ce mal-être adolescent (qui nest pas toujours
reconnu comme tel) se manifeste et trouble ce sacro-saint cursus scolaire, linquiétude
portée au corps, ou également apportée par le corps, vient
en première ligne » ( Prévenir adolescence, p.36).
C Approche physiologique
1 - La pré-puberté.
Elle débute environ à 10 ans. Les pulsions sexuelles sont assez
faibles mais le développement du Moi est fort.
2 - La puberté
Les transformations physiques progressives interpellent beaucoup ladolescent
; cest comme sil devenait étranger à lui-même.
Chez le garçon, entre 11 et 16 ans :
Il est constaté, entre autres, le développement de la pilosité,
lélargissement des épaules, une croissance importante, les
premières éjaculations et la présence dacné.
Chez la fille, entre 10 et 15 ans :
Cest larrivée des premières règles, du développement
mammaire et de lacné. Aujourdhui, la puberté commence
plus tôt à cause de lalimentation. Lacné est
source de problèmes car il fait partie de limage que lon
présente à lautre, une image qui pour ladolescente
est négative.
3 - La crise doriginalité juvénile
Elle est fréquente mais pas générale. Elle est contemporaine
de la puberté avec un désir doriginalité, de singularité
avec horreur de la banalité et une propension à faire de soi quelquun
dexceptionnel, dunique. Le début peut être rattaché
à un événement affectif (chagrin damour), un changement
dans lexistence, une ambition déçue. Elle éclate
soudainement et avec violence. Elle présente deux faces qui sont dune
part, individuelle et dautre part, sociale.
La face individuelle se traduit par laffirmation de soi, la contemplation
et la découverte du Moi qui ressemble à la découverte du
corps chez le bébé. Le goût de la solitude, du secret, des
excentricités dans les vêtements et dans le comportement ou dans
le langage, avec un discours moralisateur et la passion de vouloir tout réformer,
de refaire le monde sont présents. Il y a le désir dêtre
original.
En ce qui concerne la face sociale, ladolescent éprouve de la révolte
à légard des adultes, des systèmes de valeurs et
des idées reçues ; il ne supporte plus rien. Cela sétend
à tout ce qui peut gêner laffirmation de soi. La révolte
de ladolescent na pas le même sens ni le même retentissement
selon que le milieu est informé ou pas. Reconnaître cette crise
permet de comprendre et de respecter le mode de fonctionnement, les idéaux,
et de prendre ladolescent au sérieux.
Daprès Debesse, qui a décrit cette crise, ladolescent
entre 14 et 16 ans, a besoin détonner. À 16-17 ans, laffirmation
de soi est intense. Dès 18 ans, ladolescent se détend, prend
du recul et porte un langage plus nuancé sur lui-même. Il commence
à parler de lui aux autres, aux personnes étrangères. Il
ne se compare plus à un tout, mystérieux et apprécie une
certaine tranquillité. Tout cela est lié aux poussées hormonales.
2 Problèmes rencontrés à ladolescence : maladie
mentale ou troubles mentaux
La maladie peut émerger à ladolescence car cest une
période cruciale de fragilité pour tout individu. Cela se manifeste
en premier lieu par des troubles apparaissant parfois brutalement, sans raisons
apparentes, parfois à la suite dun traumatisme qui ne représente
pas la cause mais le facteur déclenchant des troubles. Lhospitalisation
et un traitement adapté sont indispensables en période de crise.
Ces maladies sont chroniques et présentent des épisodes plus ou
moins aigus suivant la « gestion » qui est faite de la maladie.
Dune manière générale, la maladie mentale est fortement
invalidante et elle nécessite souvent une forte implication familiale,
une famille dans laquelle il est parfois difficile de déterminer la source
« pathogène » du déséquilibre. En tout état
de cause, la maladie mentale amène toute la famille à souffrir.
La maladie mentale peut apparaître sous forme de :
1 - Dysharmonie de lévolution pubertaire
Les mécanismes psychiques de défense sont ceux de lenfance.
Le développement endocrinien est très précoce ou retardé,
ce qui aboutit à un processus décalé se traduisant par
de langoisse, doù des fugues, de la délinquance, ou
la présence de traits caractériels et de problèmes scolaires
entre 12 et 14 ans.
2 - La phobie scolaire
Ladolescent refuse daller à lécole. Il présente
une réaction de panique et danxiété très vive
qui est plus fréquente chez le garçon que chez la fille. Plus
on avance vers ladolescence plus la phobie scolaire risque dêtre
intense et durable. Ce comportement irrationnel porte sur le travail scolaire,
les examens, les contrôles. Le jeune a peur du regard et de lagressivité
des autres, il a du mal à prendre sa place par rapport à lautre
sexe.
Le désinvestissement scolaire peut se produire à la suite de transformations
corporelles ou après les premiers rapports sexuels. Ladolescent
désinvestit son corps et fait de même avec lintellect. Le
fléchissement peut être dans une matière et sétendre
à toutes les autres et peut ainsi mener à léchec.
Parallèlement, il risque de se mettre en retrait du milieu familial,
de devenir taciturne, et dêtre plus ralenti.
Quant à la famille, en général, elle tolère assez
bien linterruption scolaire. Dans certains cas la mère est phobique
et dépressive, le père est parfois absent et effacé.
Le désinvestissement scolaire et la marginalisation progressive à
long terme peuvent conduire à la marginalisation sociale, à la
délinquance. Parfois elle est aussi le signe dun état limite,
dune psychose, dune névrose.
3 - La rupture scolaire
Elle se produit quand le jeune veut arrêter ses études pour des
raisons difficiles à contrer. Souvent une dépression sous-jacente
accompagne un processus de détérioration se traduisant par lisolement.
4 - Les troubles alimentaires
a - Lanorexie
Elle touche davantage les filles que les garçons. En effet, seuls 20%
des anorexiques sont des garçons.
- Chez le garçon
Lanorexie est présente plutôt pendant lenfance que
pendant ladolescence. Le garçon craint entre autre de devenir obèse.
- Chez la fille
Lanorexie peut apparaître vers 13-14 ans mais le plus souvent les
symptômes se déclarent entre 15 et 18 ans.
Au départ, ladolescente veut suivre un régime pour perdre
quelques kilos. Ce régime, qui commence par un simple refus de salimenter,
fait parfois suite à une perte affective. Elle ne sinquiète
pas de son amaigrissement et veut maigrir de plus en plus. Elle veut maîtriser
son corps et détenir le pouvoir de lérotiser. La féminité
est rejetée et la sexualité ne lintéresse pas. Elle
est très centrée sur elle et développe toujours son hyperactivité.
Le but recherché est de perdre des calories, doù par exemple
le refus de sasseoir pour faire ses devoirs ou de laisser la fenêtre
de la chambre grande ouverte en plein hiver.
b - La boulimie
Elle consiste à se remplir, à remplir le vide pour apaiser langoisse.
Le corps est mis en jeu pour fuir la sexualité. La personne se jette
sur la nourriture quand elle est seule. Elle peut manger pendant quelques minutes
ou une heure et ce, jusquà se faire vomir.
5 - Les maladies psychosomatiques
Ladolescent a un fort langage somatique pour diverses difficultés
mais aussi comme moyen de relation. La pathologie psychosomatique se substitue
à lélaboration psychique. Pierre Marty évoque un
mode de pensée opératoire ; ladolescent a du mal à
mentaliser les choses, il est dans lagir. Il utilise son corps, ses besoins
physiologiques (sommeil, alimentation) pour maintenir sa sexualité à
distance.
Le corps est instrumenté et devient un instrument narcissique alors que
conjointement, il est soumis à dénormes pulsions agressives.
Le corps peut être caché ou regardé pendant des heures.
Lautomutilation matérialise ce malaise sur le corps. Il y a également
recherche de la maîtrise corporelle.
6 - La dépression
Ladolescent doit faire un travail de séparation, de deuil et renoncer
à la quiétude de lenfance. Certains adolescents ny
parviennent pas et sombrent dans la dépression. Ils nont envie
de rien et ne se projettent pas dans lavenir.
7 - Le suicide
Cest la deuxième cause de mortalité chez ladolescent.
Des idées noires précèdent le passage à lacte.
Il faut le rassurer, le protéger et laider à verbaliser
: plus il en dira, moins il en fera. Il est également indispensable de
mobiliser lentourage. Le jeune veut éprouver ses limites, tester
sa survie, et sombre de plus en plus dans la dangerosité. Le jeu du foulard
en est un exemple.
8 - La scarification
Il sagit de se faire mal physiquement pour être moins mal mentalement.
Ladolescent cherche à se confronter à lui-même. Physiquement,
il montre sa douleur, sa souffrance dans le but de se défaire des parents
et déprouver ses limites.
9 - Les conduites transgressives
a - Le vol
Cest la conduite délinquante la plus fréquente à
ladolescence. Le premier vol est souvent commis dans un contexte dangoisse
: on agit pour faire baisser langoisse sans réaliser quon
rentre dans une spirale et ce, jusquà la confrontation avec la
justice. Les vols les plus répandus se produisent dans les grandes surfaces
et dans les magasins.
b - Les toxiques
En ce qui concerne le tabac et lalcool, les conduites transgressives se
font de plus en plus jeunes. Le corps est attaqué. Seule compte la représentation
de soi et non son corps. Fumer prouve que lon est un grand, presque comme
un adulte.
Par la drogue, le jeune rentre dans un réseau de distribution illicite.
Celle-ci est synonyme de plaisir et permet doublier. Lalcool est
plus admis que la toxicomanie. Du fait de la prépondérance de
la dimension sociale, il sagit de partager un verre de convivialité.
(Les éléments recueillis pour cette section sont extraits de la
formation « Psychopathologies de ladolescent du 24-09-02 au 28-09-02
à Paris »)
Chapitre 3 - LE CADRE JURIDIQUE DE PRISE EN CHARGE DE LINSERTION
Section 1 - Les hôpitaux : principe de gestion et organisation actuelle
Linsertion des jeunes en difficulté est encadrée sur le
plan institutionnel par les hôpitaux et une administration centrale et
locale régis par un ensemble de textes dont nous rappelons ici les principales
dispositions législatives.
Ce cadre a connu une évolution dans ce quil est convenu dappeler
« la réforme hospitalière. » Cette réforme
a pour objectif de faire « évoluer » le
service public de la santé. Elle vise une gestion plus « efficace
» des hôpitaux et de la santé en général, par
une politique de maîtrise des dépenses de santé et au moyen
dune évaluation et dune accréditation.
Cette évolution vise aussi une meilleure prise en charge du patient en
introduisant le critère de « la qualité » des soins.
Il sagira de montrer limpact de cette réforme sur la prise
en charge des jeunes.
A Une politique de « maîtrise des dépenses »
de santé
« Jusquau début des années 1980, les dépenses
de soins hospitaliers sont celles qui ont augmenté le plus vite, leur
proportion saccroissant structurellement dans la consommation des soins
et des biens médicaux : 39 % en 1950, 53,2 % en 1980, 48,5 % en 1990,
49,5 % en 1995. Entre 1970 et 1980, le nombre de lits a augmenté de 60
000 unités, et leffectif des personnels, de 250 000 personnes.
Il devient important pour les pouvoirs publics de maîtriser des dépenses
de santé. Cest pourquoi, la loi du 30 décembre 1970, en
créant une carte sanitaire, a prévu lélaboration
dune planification des infrastructures et équipements hospitaliers,
afin de ne pas privilégier certaines régions au détriment
des autres.
La loi du 31 juillet 1991 a apporté des correctifs, en définissant
un schéma régional dorganisation sanitaire (SROS). Lordonnance
du 24 avril 1996 a conduit à une réforme hospitalière qui
institue une régulation régionale du système hospitalier
» (Les politiques sociales en France, Patrick Valtriani, Édition
Hachette Supérieur, p.43 et 44).
Le programme de médicalisation du système dinformation (PMSI)
va dans le même sens. Importé des Etats Unis en 1982, il est expérimenté
entre 1985 et 1989. Il permet détablir les règles de financement
ou les tarifications des établissements publics ou privés. Il
nest pas encore appliqué dans tous les hôpitaux.
B Une administration de tutelle
Le ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité
et le ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées,
regroupent un ensemble de services : Travail - emploi, Sécurité
sociale, Santé - emploi, Sécurité sociale, Santé
- handicapés, populations - migrations.
Au sein du ministère de la santé, de la famille et des personnes
handicapées, outre la Direction de l'administration générale,
du personnel et du budget (DAGPB), la Direction générale de la
santé (DGS), la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des
soins (DHOS) et la Direction de la recherche, des études, de lévaluation
et des statistiques (DREES), jouent un rôle éminent en matière
de politique hospitalière.
C Des services en régions
Parmi les structures territorialisées chargées de la mise en oeuvre
de la politique hospitalière, on distingue : les directions régionales
des affaires sanitaires et sociales (DRASS) et les directions départementales
des affaires sanitaires et sociales (DDASS), qui, au terme d'une histoire institutionnelle
mouvementée, sont devenues les interlocuteurs privilégiés
des établissements sous compétence tarifaire de l'État
dans le cadre de la procédure de dotation budgétaire. Avec la
généralisation du PMSI, elles sont désormais destinataires
des données médicales et comptables transmises par les établissements,
et responsables de leur traitement.
Les 26 agences régionales d'hospitalisation (ARH) ont été
créées par l'ordonnance du 24 avril 1996 pour mettre en place
la réforme de l'hospitalisation publique et privée.
Les établissements publics de santé sont soumis à un contrôle
de tutelle et sont administrés par le biais dinstances de décisions
:
- le conseil dadministration et le directeur et dinstances de consultations
- le comité technique détablissement, la commission médicale
détablissement et la commission des soins infirmiers.
D Les hôpitaux : évolutions du service public de la santé
La loi du 30 juin 1838 stipule quil convient à chaque département
dassurer lhospitalisation de ses habitants et que loffre de
soins est limitée aux établissements. Elle explique les types
de placement, la garantie de la liberté individuelle et le régime
dadministration des biens des malades.
La loi du 21 décembre 1941 classe les hôpitaux selon un critère
géographique.
Selon la circulaire du 15 mars 1960 relative au programme dorganisation
et déquipement des départements en matière de lutte
contre les maladies mentales, « le dispositif consiste essentiellement
à diviser le département en un certain nombre de secteurs géographiques,
à lintérieur de chacun desquels la même équipe
médico-sociale devra assurer pour tous les malades, hommes et femmes,
la continuité indispensable entre le dépistage, le traitement
sans hospitalisation quand il est possible, les soins avec hospitalisation et
enfin, la surveillance de postcure ».
La loi n° 70-1318 du 31 décembre 1970 stipule que la psychiatrie
générale soigne la population âgée de plus de 16
ans. « Chaque secteur de psychiatrie infanto-juvénile correspond
à une aire géographique desservie par un ou plusieurs secteurs
de psychiatrie générale. La psychiatrie en milieu pénitentiaire
est conçue pour répondre « aux besoins de santé mentale
de la population incarcérée dans les établissements relevant
dune région pénitentiaire ». Elle instaure également
la carte sanitaire traduisant une classification selon la nature des soins.
La circulaire du 16 mars 1972 relative au programme dorganisation et déquipement
des départements en matière de lutte contre les maladies et déficiences
mentales des enfants et des adolescents stipule que : « lenfant
est un être dont la personnalité est foncièrement différente
de celle de ladulte. Il possède une pathologie mentale propre.
Il faut que lenfant ou ladolescent puisse être pris en charge
tout en continuant à vivre dans son milieu familial ou, en cas dimpossibilité,
den être un peu éloigné ».
Il est indispensable de travailler avec la famille de lenfant.
La prévention est très importante. Il faut travailler en concertation
avec toutes les institutions dont relève lenfant.
La circulaire GDS/892/MS 1 du 9 mai 1974 relative à la mise en place
de la sectorisation psychiatrique infanto-juvénile affirme que la maladie
de lenfant peut évoluer et quil ne faut pas lenfermer
dans une catégorie immuable.« Il y a nécessité de
créer ou de conserver des moyens dhospitalisation localisés
». Afin de soccuper au mieux des enfants, le personnel bénéficiera
de formation.
La loi du 30 juin 1975 stipule que : « la prévention et le dépistage
des handicaps, les soins, léducation, la formation et lorientation
professionnelle, lemploi, la garantie dun minimum de ressources,
lintégration sociale et laccès aux sports et aux loisirs
du mineur et de ladulte handicapés physiques, sensoriels ou mentaux
constituent une obligation nationale ».
La loi n° 78-11 du 4 janvier 1978 précise la nouvelle typologie sanitaire
:
« les services de court séjour recouvrent les unités dhospitalisation
pour une pratique médicale, chirurgicale ou obstétricale courante
ainsi que des unités dhospitalisation pour soins hautement spécialisés,
les unités de moyen séjour pour convalescents, cure, réadaptation
ou traitement des maladies mentales, ont pour mission principale, lhospitalisation
pendant une durée limitée de personnes qui requièrent des
soins continus, les unités de long séjour concernent lhébergement
des personnes nayant plus leur autonomie de vie et dont létat
nécessite une surveillance médicale constante et des traitements
dentretien » (Le service public hospitalier, D. Stingre, Que sais-je?,
PUF n°3049, janvier 1997, p.6 et 7).
Le service public hospitalier est donc regroupé en centre hospitalier
général et en centre hospitalier spécialisé, en
centre de moyen séjour, en centre de long séjour et en hôpital
local.
La circulaire DGS/DH n°132 du 16 mars 1988, relative à lamélioration
des conditions dhospitalisation des adolescents, stipule quil faut
« évaluer les conditions daccueil et de séjour des
adolescents à lhôpital, améliorer les conditions daccueil
et dhospitalisation et participer à la mise en place de structures
hospitalières pour les adolescents ».
La loi n°90-527 du 27 juin 1990 vise à « promouvoir les droits
des malades librement hospitalisés dans tout établissement public
ou privé accueillant des malades mentaux, à mieux garantir les
droits des personnes hospitalisées sans leur consentement dès
lors quune telle prise en charge
savère inévitable et à instaurer un meilleur contrôle
a posteriori des conditions dhospitalisation en psychiatrie au regard
des libertés individuelles » (Psychiatrie et santé mentale,
ministère la solidarité, de la santé et de la protection
sociale, édition la documentation française, 1990, p.9, 10 et
11).
La loi du 31 juillet 1991 la complète avec le schéma régional
dorganisation sanitaire et social (SROSS) portant réforme hospitalière,
dont larticle L 712-1 qui stipule quil faut « prévoir
et susciter les évolutions nécessaires de loffre de soins
en vue de satisfaire de manière optimale la demande de santé .
Le droit du malade au libre choix de son praticien et de son établissement
de santé est un principe fondamental de la législation sanitaire
».
Elle distingue deux catégories d'établissements : les centres
hospitaliers généraux et spécialisés et les hôpitaux
locaux.
Lordonnance n°96-346 du 24 avril 1996 portant réforme de lhospitalisation
publique et privée concerne la qualité de la prise en charge des
patients et lévaluation, laccréditation et lanalyse
de lactivité des établissements de santé.
Laccréditation qui doit assurer lamélioration continue
de la qualité et de la sécurité des soins. « Tous
les établissements de santé publics et privés doivent faire
lobjet dune procédure daccréditation. Cette
procédure, conduite par lAgence Nationale dAccréditation
et dÉvaluation en Santé vise à porter une appréciation
indépendante sur la qualité dun établissement ou,
le cas échéant, dun ou plusieurs services ou activités
dun établissement à laide de plusieurs indicateurs,
de critères et de référentiels portant sur les procédures,
les bonnes pratiques cliniques et les résultats des différents
services et activités de létablissement ».
E Les centres hospitaliers spécialisés
Le secteur psychiatrique a été créé par la circulaire
du 15 mars 1960.
La loi du 25 juillet 1985 prévoit les conditions de création des
secteurs et de mise en uvre de la planification psychiatrique. Larticle
8 de cette même loi stipule que : « la lutte contre les maladies
mentales comporte des actions de prévention, de diagnostic et de soins
».
À cet effet, les Centres exercent leurs missions dans le cadre de circonscriptions
géographiques, appelées secteurs psychiatriques, les établissements
assurant le service public hospitalier, les services dépendants de lÉtat,
ainsi que toute personne morale de droit public ou privé, ayant passé
avec lÉtat une convention précisant les objectifs poursuivis,
les catégories de bénéficiaires, les moyens mis en uvre
et, le cas échéant, les relations avec les autres organismes agissant
dans le domaine de la santé mentale » ( Mémento de droit
hospitalier, Jean-Marie Clément, Éditions Berger Levrault 9ème
édition, juillet 2000, p.214).
« Larrêté du 14 mars 1986 précise les divers
équipements et services de lutte contre les maladies mentales, selon
quils comportent ou non des possibilités dhébergement
» (Mémento de droit hospitalier p.216).
Ce sont pour les structures sans hébergement : les centres médico-psychologiques,
les centres daccueil permanent, les hôpitaux de jour, les ateliers
thérapeutiques, les centres daccueil thérapeutiques à
temps partiel et les services dhospitalisation à domicile. Pour
les structures avec hébergement, il sagit des unités dhospitalisation
à temps complet, des centres de crise, des hôpitaux de nuit, des
appartements thérapeutiques, des centres de post-cure et des services
de placement familial thérapeutique.
a - La charte de lusager en psychiatrie
Lusager est :
1 ) Une personne à part entière,
2 ) Une personne qui souffre,
3 ) Une personne informée de façon adaptée, claire et loyale,
4 ) Une personne qui participe activement aux décisions la concernant,
5 ) Une personne responsable qui peut sestimer lésée,
6 ) Une personne dont lenvironnement socio-familial et professionnel est
pris en compte,
7 ) Une personne qui sort de son isolement,
8 ) Une personne citoyenne, actrice à part entière de la politique
de santé,
et dont la parole influence lévolution des dispositifs de soins
et de prévention.
b - Les droits des malades mentaux hospitalisés en psychiatrie
Pour voir si loffre de soins est adaptée à la demande de
santé, lordonnance du 24 avril 1996 crée une instance indépendante
et professionnelle chargée de la mise en uvre de laccréditation
: lAgence nationale daccréditation et dévaluation
en santé (ANAES).
LANAES est chargée de la production de référentiels
de qualité, élaborés avec les professionnels de santé,
de la diffusion de ces référentiels et de laccréditation
de létablissement. Ses missions sont : lévaluation,
laccréditation et lavis sur ladmission au remboursement
des actes, des prestations et des fournitures de la nomenclature. Les établissements
publics et privés disposent de 5 ans pour se faire accréditer.
Section 2 Le Centre Psychothérapique de Nancy : une de ses composantes,
le Centre de Soins des Glacis
A Le Centre Psychothérapique de Nancy (CPN)
1 - Historique
Le 4 avril 1597, Anne Feriet, «Noble Dame» lègue par son
testament une somme de 30 000 francs destinée à la fondation dun
hôpital pour les pestiférés.
En 1749, Stanislas, Roi de Pologne, fait venir les Frères des Écoles
Chrétiennes à Maréville ; lun deux va diriger
létablissement du même nom. Il a alors pour vocation de soccuper
des enfants pauvres et des « jeunes en correction ».
En 1814, la Maison de Maréville compte 170 malades.
Le 15 avril 1815, celle-ci devient « LHôpital Central des
Aliénés ».
Aujourdhui, le CPN se compose de 5 services adultes et de 3 services infanto-juvéniles.
La Lorraine étant une région pilote en matière de douleur
et de prévention
du suicide, les équipes du CPN y sont particulièrement sensibilisées.
2 - Situation actuelle
Le Centre Psychothérapique de Nancy, établissement public de santé,
est un centre hospitalier spécialisé en psychiatrie. Doté
de lautonomie juridique et financière, placé sous la tutelle
de lÉtat, il est administré par un Conseil dAdministration
de 23 membres et par un Directeur nommé par le Ministre chargé
de la santé. Traditionnellement implanté à Laxou, il est
présent dans plusieurs villes de Meurthe et Moselle (Lunéville,
Toul, Pont-à-Mousson) et sur plusieurs sites de lagglomération
nancéenne.
Lors de laccueil du patient, il lui est remis un document présentant
le Centre Psychothérapique de Nancy avec les modalités daccueil,
les modes dhospitalisation, la prise en charge financière et les
renseignements sur son séjour et sa sortie.
La charte du malade hospitalisé est affichée dans tous les services
adultes et la charte de lenfant dans les services infanto-juvéniles.
La politique hospitalière évolue vers une réduction de
lhospitalisation. La prise en charge à temps complet se raréfie.
Lhospitalisation à temps partiel est préconisée.
Les prises en charge en centre médico-psychologique (CMP), en centre
daccueil thérapeutique à temps partiel (CATTP) et les visites
à domicile (VAD) augmentent. Il existe des structures à Nancy
et dans sa banlieue, et ce, afin que les gens soient soignés au plus
près de chez eux. Ainsi le CMP intersectoriel pour adolescents de Nancy,
situé rue du Cardinal Tisserant, est situé au centre ville à
proximité des collèges et des lycées.
Le premier service Infanto-Juvénile comprend des structures pour enfants
et pour adolescents assurant des prises en charge en externat et en internat,
en hôpital de jour, en CMP , CATTP et VAD.
Horizon est un service dans lenceinte de lhôpital qui accueille
des adolescents, le Centre de Soins des Glacis est situé hors de lhôpital,
lun étant « contenant » et lautre oeuvrant pour
linsertion des adolescents.
B le Centre de Soins des Glacis
1 Présentation de la structure
Le Centre de Soins des Glacis est situé au 11 rue des Glacis, en centre
ville, et accueille 10 adolescents en internat et 5 en hôpital de jour.
a - Le personnel
Léquipe soignante est constituée dun médecin
psychiatre, dun interne en médecine, dun cadre infirmier,
dune psychologue à mi-temps, de 6 infirmiers, de 4 éducateurs
spécialisés et moniteurs-éducateurs, dune assistante
sociale à mi-temps et dune monitrice datelier.
b - Les moyens matériels et financiers
Le Centre de Soins des Glacis, ancienne maison bourgeoise, a été
acheté et réaménagé par le CPN. Il est financé
par la dotation globale de lhôpital. Un budget annexe est octroyé
pour le financement des activités de la structure (pour le fonctionnement
des ateliers, des week-end, des vacances
).
2 Les patients
a - Les pathologies prises en charge
Elles sont très diverses et peuvent être de type psychose, névrose,
phobie scolaire, dépression, comportement à risque, troubles alimentaires,
et /ou troubles de la personnalité
Les symptômes de ces troubles
sont une déscolarisation, voire une exclusion de lécole,
une violence latente ou exprimée, des fugues, des tentatives de suicide,
de lautomutilation.
b - Ladmission dun patient
Lhospitalisation se fait sur décision médicale ou judiciaire
: dans ce cas si ladolescent arrive avec une mesure dite « ordonnance
de placement provisoire » (OPP ). Le placement en OPP est une décision
du juge et le médecin ne peut pas le refuser. Il a souvent lieu dans
un contexte social et familial particulier, à la suite de fugues avec
mise en danger
À son arrivée, ladolescent reçoit le règlement
intérieur de la structure. Les parents sont également informés
de la prise en charge aux Glacis et signent des autorisations dopérer
et de sorties libres.
Le patient est en observation durant deux semaines afin dévaluer
son comportement et ses difficultés. Il en découle un projet thérapeutique
mis en place lors dune réunion déquipe.
La séparation davec la famille est souvent nécessaire pour
permettre au jeune daller mieux. Le placement en internat est généralement
lié à ce besoin de distance pour pouvoir réfléchir
et prendre du recul. Il est nécessaire que ladolescent ait un lieu
« où se poser ».
Cest difficile, car cest souvent la première fois que le
jeune est séparé de sa famille. Le travail est réalisé
avec le jeune mais aussi en collaboration avec sa famille qui bénéficie
également dentretiens daide familiaux et médicaux
avec léquipe soignante et/ou médicale.
c - La souffrance psychique
Les jeunes sont en difficulté par rapport à leur personne, leur
histoire, dans leur relation aux autres, que ce soit dans leur vie scolaire
ou dans leur famille.
Plusieurs situations peuvent se présenter :
- Cest la première fois que ladolescent rencontre des difficultés.
Le jeune est admis aux Glacis suite à une soudaine apparition de troubles
psychiques : bouffée délirante, tentative de suicide, phobie scolaire
Le suivi de ces troubles sera assuré aux Glacis, il permettra de porter
un diagnostic médical sur le caractère pathologique ou non des
troubles.
Le patient fait souvent lobjet dun suivi dans un Centre Médico-Psychologique
(exemple : le CMP intersectoriel adolescents), et/ou dune mesure daide
éducative en milieu ouvert (AEMO), mais ce suivi est insuffisant. Il
est alors complété par une prise en charge au quotidien dans la
structure des Glacis.
- Ladolescent est déjà suivi par un service du CPN.
La prise en charge aux Glacis sinscrit alors dans le cadre dun projet
thérapeutique avec un retour à la vie normale entre autres par
un retour à lécole.
Au cours de lobservation, il peut savérer que le jeune ne
relève pas dune prise en charge en psychiatrie ou bien que la structure
des Glacis ne soit pas assez « contenante » pour un jeune qui se
met en danger. Une amélioration rapide de son état ou de ses relations
familiales peut être constatée du fait de la séparation
ou encore quau vu de sa pathologie, il a toute sa place aux Glacis, un
contrat de soins est alors passé avec le patient.
Certains jeunes narrivent pas à dire leurs difficultés autrement
quen «maux de corps. » Les adolescents qui souffrent, nosent
pas, ils ne savent pas le dire, et bien souvent ils somatisent ou fuient dans
la violence.
Parfois, la maladie est niée aussi bien par ladolescent que par
sa famille. Le jeune est mal et na plus le désir de vivre. Il peut
avoir des hallucinations auditives et des hallucinations visuelles. Il na
pas de désir ; il ne vit pas pour lui mais en fonction du désir
des autres. Les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) lhandicapent.
Avant de faire quelque chose, il se soumet à des rituels.
3 La prise en charge aux Glacis
La priorité est daider le patient à verbaliser ses difficultés
psychiques. Le soin est prioritaire. Souvent, il est dans lagir et il
nous faut laider à mentaliser. La prise en charge peut aller de
quelques jours à quelques mois, voire une année scolaire. Ladolescent
bénéficie dune prise en charge pluridisciplinaire et dun
soutien psychologique important du fait de la présence permanente des
soignants.
Cette prise en charge comporte ainsi des entretiens individuels et familiaux.
Les Glacis sont également le lieu où les adolescents ont des projets
individuels : aller en classe, apprendre la vie en groupe, participer à
des activités extérieures.
Dans le groupe dadolescents, le leader peut-être aussi bien négatif
que positif ; cela dépend. Cest loin dêtre facile car
parfois le groupe peut être confronté à des patients qui,
du fait de leur pathologie, ne parviennent pas à se supporter, ce qui
engendre de langoisse. Ils sont alors constamment en conflit.
La « réunion adolescents » est le seul moment de la semaine
où les adolescents sont tous présents et ensemble. Elle a lieu
une fois par semaine, le mercredi à 13h30, et regroupe la psychologue
du service et des membres de léquipe. Seuls les éléments
relevant de la vie de groupe sont discutés, les problématiques
individuelles sont abordées en entretiens individuels.
Lors de cette réunion, il peut être débattu aussi bien des
problèmes dhygiène que de la gestion dun ordinateur
avec lutilisation dInternet, de la fête de Noël, de la
rentrée scolaire
Un adolescent volontaire prend les notes au cours
de la réunion. Le compte-rendu est transmis au surveillant et à
léquipe soignante qui étudient les demandes et suggestions
des adolescents.
La prise en charge en journée concerne les adolescents non scolarisés
ou ayant repris leurs études à temps partiel et seffectue
dans les ateliers. Dans le cas dadolescents scolarisés à
temps plein, ils viennent déjeuner à midi, et peuvent si besoin
à ce moment-là bénéficier dentretiens réguliers
aux Glacis. Cela nous permet de voir comment cela se passe à lécole.
Peu à peu, si tout va bien, le jeune peut déjeuner à la
cantine.
Une des finalités du projet de soins aux Glacis est de rescolariser certains
patients. Mais auparavant, un travail est à réaliser aux Glacis
dans le cadre des ateliers. Le travail se fait également avec les familles.
En effet, parfois cest la famille toute entière qui est malade,
ladolescent nen est que le symptôme.
Léloignement parental, même sil permet de travailler
avec ladolescent et sa famille, amène parfois la famille à
le rejeter. La famille vit mieux sans lui ou à linverse cela révèle
un disfonctionnement familial et lorsquil rentre chez lui, il na
plus de chambre, il se retrouve parfois sans aucun espace à lui.
La prise en charge aux Glacis est parfois également une mesure de protection
en faveur de ladolescent.
De nombreux adolescents sont scolarisés mais selon leurs difficultés,
ils ne le sont pas forcément en continu, doù le recours
à une prise en charge pendant la journée aux Glacis.
4 Lécole
Très souvent les problèmes sont détectés à
lécole. Ladolescent ne peut plus se concentrer, il sisole
ou a des comportements inadaptés voire violents. Il est difficile pour
lui de rester concentré pendant les cours, de ne pas montrer ses symptômes,
de rester dans la norme. Il a des difficultés à vivre en groupe.
Ladolescent peut avoir les capacités pour suivre la classe, mais
ce sont ses problèmes qui len empêchent.
Ladolescent est en grande souffrance psychique. Lécole est
la référence normative. Cependant, linvestissement à
lécole est difficile pour un adolescent en échec ou en souffrance.
Il se situe en effet par rapport aux autres et veut prouver quil est quelquun.
Sil a de bons résultats scolaires cela est possible, sinon il va
chercher un échappatoire (fuguer, chahuter, sisoler) pour exister.
Que va t-il trouver ?
Parfois, lorsquun adolescent ne parvient pas à suivre, lécole
donne le sentiment de renforcer léchec. La réponse apportée
par lÉducation Nationale est quà 16 ans, il pourra
faire un apprentissage. Que se passe-t-il sil est en échec à
12 ou 13 ans ? Comme les classes de type SEGPA, 4èmedaide et de
soutien ont quasiment disparu, que lui est-il proposé pour le valoriser
? Cest un peu comme si notre société niait lexistence
des jeunes en difficulté. Ne renforce-t-on pas ainsi le sentiment déchec,
voire le dégoût daller à lécole ?
Que proposer à un élève en difficulté psychique
pour quil ait envie de rester en classe ? Heureusement, la convention
dintégration signée avec lÉducation Nationale
permet de réfléchir à ce problème.
5 Les ateliers
Lactivité est le support, le moyen de mettre en place la relation
et daborder également la resocialisation, la vie en groupe, le
respect des règles et lautonomie. En cas de difficultés
en atelier, le patient peut bénéficier dentretiens (non
organisés à lavance) avec un membre de léquipe.
Quel que soit le type dactivité pratiquée, le but recherché
est de le revaloriser, de le motiver dans ce quil fait, de laider
à progresser dans ses acquis, de rétablir la relation avec ladulte
et avec les autres qui est souvent défaillante au début.Les ateliers
suivants sont proposés :
a - latelier cuisine, au cours duquel le repas du midi est confectionné.
b - les ateliers de création et dexpression où les patients
peuvent sexprimer librement.
c - latelier théâtre : le groupe est composé dadolescents
et dadultes qui travaillent dans des cycles dimprovisation, de clown,
de voix et décriture dune durée de 7 semaines chacun.
d - latelier musique et chant : lapprentissage de la guitare et
le travail de
la voix sont pratiqués.
e - latelier esthétique concerne les soins du visage et des mains
et permet de restaurer lestime de soi.
f - latelier relaxation : le travail se fait essentiellement en groupe
et permet de travailler la confiance en soi et dans le groupe.
g - latelier bois : il faut scier, découper, poncer, coller et
vernir le bois en utilisant des outils afin de créer des animaux et des
personnages daprès un modèle.
h - latelier sport : la piscine, le sport collectif en salle au CPN, les
sports de plein air au parc de la Pépinière, le ping-pong, le
volley et le badminton sont pratiqués.
i - atelier jardinage : les adolescents avec laide dune infirmière
et dune monitrice datelier cultivent des légumes, quils
pourront le moment venu manger au cours des repas confectionnés en atelier
cuisine. Le fait de voir les légumes pousser, arriver à maturité,
montre quil faut du temps et que cest comme dans la vie «
il faut du temps pour que les choses arrivent à maturité.»
Avec un peu deau et de la terre, les plantes poussent. Parfois, il en
est de même pour les adolescents, un petit quelque chose suffit pour les
aider.
j - les autres activités
Les week-ends
Dautres types dactivités sont proposés : visites culturelles,
cinéma, sport,
courses en ville, randonnée.
Les séjours thérapeutiques
Ils ont lieu dans une maison appartenant à lhôpital située
à La Bresse, dans les Vosges. Ils permettent de voir les adolescents
dans un autre cadre, sur un temps de vacances, ce qui induit un autre fonctionnement.
Lors du séjour le même personnel est présent 24 heures sur
24, ce qui permet dobserver un fonctionnement différent des adolescents
et de découvrir dautres facettes de leur personnalité. Les
échanges et les discussions permettent davancer dans le travail
thérapeutique avec eux.
Les stages
Les adolescents peuvent effectuer des stages.
Les stages leur permettent de se rendre compte dun travail et de pouvoir
choisir entre plusieurs métiers.
La vie quotidienne
Le jeune doit également participer aux tâches de la vie quotidienne.
Il doit faire son lit, ranger sa chambre et gérer son linge. À
tour de rôle, il doit mettre ou débarrasser la table. Respecter
les règles de la vie en collectivité est indispensable pour lintégration
de chacun. Cela nest pas facile car chez les jeunes lindividualisme
est très prégnant.
Les loisirs
Ils peuvent être : soit la pratique dun sport (escalade, cheval
),
soit la participation à des activités manuelles, soit faire de
la danse ou dautres activités dans des Maisons des Jeunes et de
la Culture. Il est possible aussi de se rendre seul en ville lors des permissions
autorisées qui sont de deux fois deux heures par semaine.
6 Latelier scolaire
Il sera étudié dans la deuxième partie du mémoire,
il forme la partie principale de laction dinsertion.
7 Travail avec les structures extérieures
Dans le cadre de la resocialisation, léquipe des Glacis travaille
en partenariat avec l Éducation Nationale, lInspection Académique,
le centre dinformation et dorientation (CIO), le dispositif daide
à linsertion professionnelle (DAIP), lassociation daide
scolaire bénévole aux adolescents malades (AISCOBAM), les ateliers
pédagogiques personnalisés (APP), lagence nationale pour
lemploi (ANPE ), lassociation de formation pour adultes (AFPA),
le centre de formation pour adultes (CFA) et la Justice.
a - LÉducation Nationale
Lorsquun adolescent est scolarisé, une convention dintégration
est signée avec le jeune et ses parents, létablissement
fréquenté, le Centre
de Soins des Glacis et lInspection Académique.
Ce document spécifie les conditions dintégration à
temps partiel ou à temps plein, les dates de réunions et le suivi
scolaire. Ladolescent peut également demander lorganisation
dune réunion. Cela a également un côté rassurant
pour le collège ou le lycée de ladolescent qui sait quen
cas de problème, le jeune peut être déscolarisé et
pris en charge aux Glacis.
b - Le Centre dInformation et dOrientation
Le conseiller dorientation aide le jeune à élaborer son
projet professionnel et ce par un entretien, des tests de niveaux, des questionnaires
de choix des métiers, la mise à disposition de documentation audiovisuelle
et écrite. Il peut également aider à une réorientation.
c - LAide Scolaire Bénévole aux Adolescents Malades
Grâce à cette association, des adolescents ne pouvant pas être
scolarisés à un moment donné, ou létant partiellement,
suivent des cours avec des professeurs bénévoles retraités
ou en activité.
Les professeurs peuvent faire un bilan de niveau, donner leur avis pour la rescolarisation.
Ils sont très investis et participent en fin dannée à
la décision de passage dans la classe supérieure. Les cours sont
individuels : soit le professeur suit le programme de lélève
soit il assure une remise à niveau.
Un cours dune heure en individuel équivaut à 2 ou 3 heures
de classe. Les adolescents peuvent également bénéficier
de cours informatiques, ceux-ci sont assurés par deux personnes «
Emplois Jeunes ». Cela leur permet daller sur Internet, de faire
des recherches, de réaliser des exposés et de participer au journal
des Glacis en lien avec le travail réalisé
en atelier pédagogique.d - Les Ateliers Pédagogiques Personnalisés
Ils se situent au Haut du Lièvre dans un quartier de Nancy.
Après avoir passé des tests pour déterminer son niveau,
il est proposé au jeune une remise à niveau en vue dun projet
de rescolarisation ou professionnel. Le jeune travaille seul et peut bénéficier
de laide dun professeur quand il se sent en difficulté. Ceci
nécessite de la part du jeune une certaine autonomie quant à la
gestion du temps et du travail. Cette possibilité ne convient pas à
tous les ados car ils ont parfois du mal à réussir à travailler
seuls.
Deuxième partie :
LINSERTION SOCIALE AU CENTRE DE SOINS DES GLACIS
Chapitre 1 : LESPÉRANTO COMME MOYEN DINSERTION PAR LE
LANGAGE
Section 1 Définitions et rôle du langage dans linsertion
A Définitions du langage
Le Petit Larousse 2002 définit le langage comme la : « faculté
propre à lhomme dexprimer et de communiquer sa pensée
au moyen dun système de signes vocaux ou graphiques ».
Selon Le Petit Robert, la langue est : « le système dexpression
et de communication commun à un groupe social. La parole est : «
un élément simple du langage articulé ».
Cest lexpression verbale de la pensée, la faculté
de communiquer la pensée par un système de sons articulés
émis par les organes de la phonation ».
Le langage est un « système de signes pouvant servir de moyen de
communication » (Vocabulaire technique et critique de la philosophie,
Lalande, 1926). Il peut être également « nimporte quel
moyen de communication entre les êtres vivants » (Encyclopaedia
Britannica, Jespersen).
Selon Roman Jakobson, « tout acte de parole met en jeu un message et quatre
éléments qui lui sont liés : lémetteur, le
receveur, le thème du message et le code utilisé ».
Pour Ferdinand de Saussure : « le langage a un côté individuel
et un côté social. Le côté individuel est la parole
« qui correspond à lusage que font les locuteurs dune
langue donnée. Le côté collectif, la « langue »
est l ensemble de conventions nécessaires, adoptées par
le corps social pour permettre lexercice de cette faculté par les
individus ».
La langue est le répertoire social dune communauté politique,
historique ou géographique. Le langage et la communication sont nécessaires
pour sinsérer.
B Rôle du langage dans linsertion
Le langage est primordial. Nous nous identifions et nous sommes identifiés
par rapport au langage.
Le physique et le langage sont les premières expressions de quelquun
et ils traduisent également la première impression sur lautre.
Nous sommes jugés au travers de ce que nous disons, sur la manière
dont nous le disons et sur notre comportement non verbal. En effet, en parlant
nous disons beaucoup sur nous-mêmes. Nous avons des préjugés
sur lautre, il en a également sur nous. Savoir parler et pouvoir
parler sont indispensables. Le langage reflète nos sentiments : des paroles
désagréables peuvent être dites sans hausser le ton.
Le langage nest pas seulement verbal ou non verbal, il existe aussi le
langage écrit. Dans le premier cas, nous sommes face à notre interlocuteur,
dans le deuxième cas non, le langage est plus élaboré.
Pour pouvoir adapter son langage, il faut connaître son interlocuteur
et savoir ce quil veut ou peut entendre. Cest la technique adoptée
par exemple en vente.
Chaque secteur a son langage. Le langage utilisé dans la publicité
nest pas celui qui est employé dans linformatique. Les abréviations
utilisées ne sont comprises que par les personnes dun même
groupe où dun même secteur par exemple dans lÉducation
Nationale. Un groupe différent en utilisera dautres comme par exemple
à lhôpital.
Que dire du langage dun groupe ?
Il est propre au groupe auquel on appartient ; le cadre supérieur aura
un langage châtié, celui de louvrier sera moins élaboré.
Le langage des jeunes est quelque peu éloigné du langage des adultes.
Parfois il est un peu agressif et appelle une réaction de la part des
adultes.
Les adolescents adoptent également une tenue, un style, pour se connaître
et se reconnaître. Pour se faire adopter dans un groupe, il faut changer
son langage, son comportement, sa manière de faire, de penser et adopter
les us et coutumes du groupe afin dêtre intégré par
lui.
Cest également une façon de se démarquer des autres
groupes. Savoir adapter son langage aux autres est également un point
fort pour être entendu. Si nous ne comprenons pas le langage parlé
dans le groupe par exemple le dialecte alsacien, nous en sommes exclus.
Bernstein a montré que « les classes populaires utilisent un code
restreint tandis que les classes supérieures utilisent un code élaboré,
code que linstitution scolaire utilise également. Le code élaboré
se traduit par une syntaxe riche, élaborée, beaucoup de vocabulaire,
des mots de liaison et davantage dabstraction que dans le code restreint.
Dans celui-ci les phrases sont courtes et il y a moins de connexion logique
et délaboration syntaxique que dans lautre code » (Langage
et classes sociales, codes sociolinguistiques et contrôle social, Édition
de Minuit Paris, 1975).
La théorie néoclassique du capital humain apparaît au début
des années 1960 sous limpulsion des travaux de Théodore
Schulz et de Gary Becker. Les différences qui sont constatées
dans la répartition des revenus résultent des différences
dinvestissement dans les niveaux de formation. Les avantages en termes
de revenus sexpliquent par le fait que ceux qui en bénéficient
ont auparavant « investi » en sacrifiant leur jeunesse, leur temps
libre, leurs loisirs, leurs ressources, pour acquérir un avantage en
terme de formation.
C Le langage dans linsertion des jeunes en difficulté psychique
Le jeune se sent en difficulté. Sil narrive pas à
verbaliser ses sentiments, ou bien ce quil a à dire par le langage
oral, il utilise le langage du corps. Cela se traduit par de la violence. Il
veut prouver son identité, sil ne peut pas parler, il agit. La
parole est de moins en moins utilisée et les passages à lacte
sont de plus en plus nombreux.
Chez les jeunes, le langage et la tenue vestimentaire sont très importants.
Chez eux « tout est langage » : il en est de même pour les
tatouages, les scarifications, les percings, les conduites additives. Tout cela
symbolise leur appartenance au groupe, mais aussi parfois leur mal être.
Le jeune a déjà du mal à se comprendre, à se connaître
alors il lui est très difficile de communiquer avec les autres.
La socialisation du petit enfant sopère en premier lieu dans sa
famille. Or pour réussir scolairement, constate Bernstein, « un
enfant de classe populaire doit non seulement apprendre à percevoir et
à produire des structures linguistiques qui ne sont pas de mise dans
son milieu familial et social, mais il doit plus profondément encore,
changer de mode de communication et de relation aux choses et aux personnes.
Il doit transformer sa « vision du monde » et adopter une autre
stratégie sociale».
Un enfant de milieu aisé naura pas à faire tout ce travail.
Il part donc favorisé. Cest ainsi que Bourdieu, Muller, Coleman,
Magrid disent que légalité face à lécole
nexiste pas.
P. Bourdieu et J. C. Passeron avaient noté que les étudiants issus
des milieux sociaux les plus favorisés bénéficiaient de
privilèges sociaux qui aidaient à leur réussite. (Les Héritiers.
Les étudiants et la culture, Éditions de Minuit, 1964). Ils ont
démontré que le système scolaire confortait les inégalités
parce quil les ignorait. « Lindifférence aux différences
» fait des inégalités des différences « naturelles
» dues à des dons ou des aptitudes innées. ( La reproduction,
Éditions de Minuit, 1970).
Jacques Lautrey rappelle le rôle des principes éducatifs et des
systèmes de valeurs. Les familles populaires subissent des contraintes
liées à leur position sociale, qui les obligent à avoir
une « forme de structuration rigide » où le mode de lautorité
prime (Classe sociale, milieu familial, intelligence, PUF, 1980).
Ce style éducatif, qui met au premier plan lobéissance et
la soumission aux adultes, est susceptible de freiner le développement
de la curiosité et de lesprit critique. Cest pourquoi lélève
aura tendance à se soumettre à lécole et à
peu sexprimer, doù peut-être un manque de pratique
à loral ? Un style plus souple sollicitant la coopération
entre les adultes et les enfants valorise lactivité propre de lenfant,
développe son initiative et sa créativité.
Le langage nest pas seulement un élément de la culture parmi
dautres, il est aussi le véhicule de tous les autres apprentissages
culturels. En effet lenfant apprend à connaître les us et
coutumes, les règles, les interdits et les obligations. Cest parce
que son entourage lui a parlé, quil a appris à comprendre
et à parler cette langue.
C. Baudelot et R. Establet prononcent un réquisitoire contre lécole
quils analysent comme un instrument du maintien et de la diffusion de
lidéologie des classes dominantes. Le système capitaliste,
inégalitaire, ne peut fonctionner que parce quil existe un système
de valeurs et de règles qui légitime son existence. Cette idéologie
est véhiculée par lécole et est le reflet de la division
sociale entre classes antagonistes (ouvriers et bourgeois) en préparant
chacun à un rôle spécifique dans la société.
Cette école « de classes » comprend deux réseaux,
lun destiné au « travail intellectuel » et lautre
« au travail manuel ». Les classes sociales (les dominantes exerçant
des travaux intellectuels, et les dominées cantonnées dans des
activités moins nobles) se reproduisent ainsi. (Lécole capitaliste
en France, Maspero, 1971).
Pour certains sociologues, lécole est « un filtre »,
elle sélectionne. La fonction de lenseignement nest pas doctroyer
des compétences, mais plutôt de certifier que lélève
est apte à suivre une formation qui lui conférera un certain statut.
Cette formation de masse ne remplit plus sa fonction de filtrage, de sorte que
vont apparaître dautres formes de sélection, plus cachées.
Ainsi tous les baccalauréats ne se valent pas.
Pour Raymond Boudon et les sociologues du courant de « lindividualisme
méthodologique », « les inégalités scolaires
résultent des comportements individuels et de leurs familles, qui effectuent,
à chaque étape du cursus scolaire, des choix en fonction dune
analyse des coûts escomptés par rapport aux coûts subis »
(Linégalité des chances. La mobilité sociale dans
les sociétés industrielles, PUF, 1973).
Cela dépend également du niveau dinformation acquis par
les parents. Ils peuvent alors choisir létablissement scolaire
dans lequel ils souhaitent inscrire leurs enfants et sollicitent une dérogation
par rapport à la carte scolaire.
Létude de A. Prost met en évidence lexistence de sections
« de relégation » dans lesquelles les enfants des classes
populaires sont plus fortement représentés, alors quexistent
des sections normales (actuellement les sections L et ES) ou de prestige (la
section S) dans lesquelles les enfants des classes moyennes et supérieures
sont surreprésentés.
Cest pourquoi la réussite au cours préparatoire (CP) détermine
déjà les réussites ultérieures. Les familles les
moins aisées doutant de linvestissement éducatif, limitent
volontairement les vux de leurs enfants, alors que les autres familles,
plus averties, par le choix des options ou des redoublements, utilisent pleinement
le système éducatif.
Et lon aboutit ainsi à de très importantes inégalités
: « un enfant de cadre supérieur de valeur faible a 63.4% de chances
daccéder au second cycle long, contre seulement 15.8% à
un fils douvrier de même valeur ». (Les scolarités
de la maternelle au lycée, M. Duru-Bellat, J.P.Jarousse, A. Mingat, Revue
française de sociologie, 1993, p.10). Le même comportement se retrouve
devant les propositions de redoublement.
Les grandes écoles symbolisent « un recrutement toujours plus élitiste.
Ainsi le nombre « détudiants dorigine populaire à
lécole nationale dadministration (ENA) est passé de
18,3 pour la période 1951-1955 à 6,1 en 1989-1993. Pour lécole
des hautes études commerciales (HEC), les chiffres sont respectivement
passés de 38.2 à 11.8 » (Lécole malade du chômage,
Alternatives Economiques n°168, mars 1999, p.27).
Ce nest pas forcément par manque dargent que les livres à
la maison sont peu nombreux mais par désintérêt. Lenfant
nest pas habitué à voir ses parents lire, où parfois
lécole est dénigrée. Les parents nosent pas
ou
nont pas envie daller aux réunions parents professeurs car
cela les renvoie à leur propre échec. Il est alors plus difficile
dans ces conditions pour lenfant dinvestir lécole et
dapprendre à lire.
Section 2 Lespéranto : historique et action pédagogique
A Son historique
Ludwik lejzer Zamenhof est né le 15 décembre 1859 à Bialystok.
Cette ville située de nos jours en Pologne était alors «
sur une terre disputée et opprimée, à un confluent dethnies
et dinfluences, la province balte de Lituanie, partie intégrante
de lEmpire russe » (Lespéranto Pierre Janton Que sais-je
? n° 1511, PUF 1989 p.27).
Dans cette ville se côtoient des Allemands, des Russes, des Polonais,
des Juifs et plusieurs minorités. Chaque communauté pratique sa
religion et parle sa langue. Les gens ne se comprennent pas, ils sont en conflit
et il existe des ghettos. Zamenhof a vécu « lexpérience
directe de la souffrance engendrée par les heurts entre groupes sociaux
». Il ressent au plus profond de sa sensibilité cette division
que la pluralité des langues exacerbe.
« La création dune langue internationale est donc pour lui
le premier pas dune démarche de réconciliation qui en comprend
bien dautres : démarche désintéressée et altruiste,
foncièrement idéaliste, au profit de tous ceux qui souffrent effectivement
de ne pas comprendre et de rester incompris » (Lespéranto
p.29).
Zamenhof pense que si le problème de communication pouvait être
résolu, les peuples pourraient sentendre. « Brillant élève,
doué pour les langues, il sattache à en construire une dans
laquelle nul ne se sentira dominé par lautre, dans laquelle chacun
pourra mieux connaître lautre, lapprécier » (extrait
du document « Raconte-moi lespéranto »).
Ses objectifs sont les suivants: « rendre sa langue facile au point que
chacun puisse lapprendre en peu de temps ; la rendre immédiatement
utilisable grâce à la logique et à la simplicité
de sa structure ; trouver un moyen dinciter le public à la pratiquer
en masse » (Espéranto ou Babel : faut choisir, André Cherpillod
, Autoédition 1995 p.13).
« Zamenhof avait voulu une langue simple pour quelle soit démocratique
et permette à tous les hommes, et pas seulement à une élite,
de communiquer entre eux » (Espéranto : Une langue sans frontières
Bibliothèque de Travail second degré n°257, Publications de
lécole moderne française 1993 p.12).
Son père est professeur dallemand et de français. Zamenhof
a appris le russe, le polonais, lallemand, lhébreu, le yiddish,
le latin, le grec ancien, langlais, le français et litalien.
Il étudie les langues, les compare, étudie ce quelles ont
en commun et ce qui les sépare.
Cest pourquoi à lâge de 19 ans après 4 années
de travail, il présente un projet de langue appelé « lingwe
uniwersala », projet quil teste auprès de ses camarades de
classe.
Par crainte de voir la police tsariste mettre la main sur les travaux linguistiques
de son fils, Mark Zamenhof détruit les documents. Zamenhof naura
de cesse que de reconstruire la langue. Il fait des études pour devenir
médecin, se spécialise en ophtalmologie. Il soigne les gens défavorisés
souvent gratuitement et la nuit il travaille sur sa nouvelle langue. Il vit
plutôt mal que bien.
Le 26 juillet 1887, il publie, un manuel en russe : « Lingvo Internacia
, Antaùparolo kaj plena lernolibro » ( Langue Internationale, préface
et livre détude complet ) sous le pseudonyme « Doktoro Esperanto
» en raison de la censure tsariste. « Esperanto » signifie
« celui qui espère ».
L'évolution de la langue est lente mais constante sur les cinq continents
. Grâce à son réseau de correspondants en 1890, lespéranto
a déjà plus de 2000 locuteurs (même en Australie). Elle
existe dans plus de 100 pays dans le monde aujourd'hui, elle est bien conforme
à sa pensée et à ce qu'il
écrivait en 1887 : « Que je vive ou que je meure, que je conserve
ou que je perde mes forces physiques et intellectuelles, la Langue Internationale
est désormais étrangère à tout cela, de même
que le sort d'une langue vivante est étranger aux vicissitudes survenant
dans la vie de telle ou telle personne ». Il était alors âgé
de 28 ans.
Zamenhof comprit, dès le lancement de sa langue, que celle-ci devait
être la propriété de l'humanité, mais ne jamais appartenir
à un groupe, à une personne, à une association, à
une nation. Il utilisa pour la réalisation de sa langue son amour illimité
pour l'homme et l'humanité, un amour tel quil y puisa toutes les
forces de son esprit et de son corps.
Max Müller, éminent linguiste de lépoque et Léon
Tolstoï en 1894 sont favorables à lespéranto. Tolstoï
déclare : « Les sacrifices que fera tout homme de notre monde européen,
en consacrant quelque temps à létude de lespéranto,
sont tellement petits, et les résultats qui peuvent en découler
tellement grands, quon ne peut se refuser à faire cet essai »
(Espéranto : Une langue sans frontières, p.10).
Cette déclaration conduisit aussitôt la censure tsariste à
interdire le journal « La Esperantisto », qui paraîtra désormais
en Allemagne. Malgré la censure du régime tsariste en 1895, la
langue franchit lEmpire russe et sétendit aux autres continents.
Des sociétés despéranto sont créées
: il y en a 44 en 1902 et 308 en 1905.
Les propos qui suivent résument les thèmes de l'exposé
de Zamenhof extraits de sa thèse « Essence et Avenir de l'Idée
de Langue Internationale », présentée en 1900 à Paris
lors de l'Exposition Universelle, au Congrès de l'Association Française
pour l'Avancement des Sciences :
Ý l'adoption d'une langue internationale apporterait un grand bienfait à
l'humanité,
Ý l'adoption d'une langue internationale est tout à fait possible,
Ý tôt ou tard l'adoption d'une langue internationale sera effective, quelles
que soient les positions routinières contre cette idée,
Ý comme langue internationale, jamais une autre langue qu'une langue construite
ne sera choisie,
En 1905, le premier Congrès Universel dEspéranto a lieu
à Boulogne-sur-Mer avec 688 participants de 20 pays. Il est la preuve
vivante que lespéranto fonctionne également à loral,
lécrit étant utilisé jusque là. C'est la consécration
avec l'adoption du « Fundamento de Esperanto » (Grammaire Fondamentale
d'Espéranto), de la Déclaration sur l'Espérantisme, et
la création du Comité Linguistique qui donnera naissance à
l'Académie d'Espéranto en 1908.
Les congrès universels vont se succéder, ils ne seront interrompus
que par les deux Guerres mondiales.
En 1906, lespéranto pénètre en Chine et en 1912 au
Japon. En 1912, on enregistre 1575 groupes espérantistes : 1245 en Europe,
247 en Amérique, 39 en Asie, 28 en Océanie et 16 en Afrique.
En 1905, le savant Paul Berthelot fonde la revue « Espéranto ».
En 1908, le suisse Hector Hodler créé lUniversala Esperanto-Asocio
(UEA : Association Universelle dEspéranto).
Dautres congrès espérantistes ont lieu à Genève,
Cambridge, Dresde, Barcelone, Washington, Anvers, Cracovie, Berne. Lespéranto
se développe à travers le monde, surtout au Japon et en Chine.
Le congrès à Paris doit avoir lieu le 2 août 1914 avec 3789
participants de 50 pays. Il naura pas lieu en raison de la première
Guerre Mondiale qui vient déclater.
Zamenhof ne verra pas le renouveau de la langue après la guerre puisquil
décède à lâge de 58 ans, le 14 avril 1917 à
Varsovie.
Beaucoup de groupes sont dissous pendant la première Guerre mondiale.
Les espérantistes seront aussi victimes des dictatures : beaucoup périront
dans les camps nazis. Dune manière générale les dictateurs
nont jamais aimé lespéranto. Cest ainsi quen
Espagne sous Franco, au Portugal avec Salazar ou au Japon après 1936,
les espérantistes seront persécutés. Staline, anéantit
le mouvement en URSS entre 1937 et 1954.
La seconde Guerre mondiale et la guerre froide confirmeront le déclin
de lespéranto.
Les traductions ont permis en outre à Zamenhof de faire en même
temps la démonstration de la solidité et de la souplesse de la
Langue, son adaptation à toutes les formes de la pensée et de
l'expression dans toutes les activités de la vie. C'est en effet par
la littérature que la langue a acquis sa perfection linguistique, pour
devenir un véhicule culturel. Au lieu d'élaborer une grammaire
détaillée, Zamenhof a préféré traduire, sur
la base de la grammaire fondamentale, autant de chef-duvres qu'il
le pouvait.
Parmi les premières traductions de Zamenhof, nous pouvons citer de grandes
uvres littéraires, la Bible et des contes.
Ý La Bataille de la Vie, de Dickens (1891, première traduction)
Ý Hamlet, de Shakespeare (1894)
Ý Fundamenta Krestomatio (1903)
Ý Le Revizor, de Gogol, (1907)
Ý La Sainte Bible (1907, 1908 et 1909) (extraits)
Ý Iphigénie en Tauride, de Goethe ( 1908)
Ý George Dandin, de Molière (1908)
Ý Les Brigands, de Schiller (1908)
Ý Les Proverbes, de Salomon (1909)
Ý Marta, d Eliza Orzeszko (1910)
Ý Les Contes d'Andersen (en trois éditions: vol I, 1923 ; vol II, 1926
; vol III, 1932 ; vol IV, 1963)
Ý L'Ancien Testament (revu par le Comité biblique en 1926).
Les origines juives de Zamenhof renforcent sa souffrance. Ainsi il écrit
:« Si je n'étais pas un juif du ghetto, l'idée d'unir l'humanité
ou bien ne m'aurait pas effleuré l'esprit, ou bien ne m'aurait pas obsédé
si obstinément pendant toute ma vie.
Personne ne peut ressentir autant qu'un juif du ghetto le malheur de la division
humaine. Personne ne peut ressentir la nécessité d'une langue
humainement neutre et anationale aussi fort qu'un juif, qui est obligé
de prier Dieu dans une langue morte depuis longtemps, qui reçoit son
éducation et son instruction d'un peuple qui le rejette, et qui a des
compagnons de souffrance sur toute la terre, avec lesquels il ne peut se comprendre
...
Ma judaïcité a été la cause principale pour laquelle,
dès la plus tendre enfance, je me suis voué à une idée
et à un rêve essentiel, au rêve d'unir l'humanité
... » (Leteroj de Zamenhof, n° 92, page 105, lettre du 21 février
1905 à Alfred Michaux, Éditions SAT,1948).
Il affirme : « Les hommes sont égaux : ce sont des créatures
de la même espèce. Ils ont tous un cur, un cerveau, des organes
générateurs, un idéal et des besoins ; seules la langue
et la nationalité les différencient ».
B Valeur pédagogique
1 - Les valeurs de lespéranto : fraternité, universalité,
pacifisme et égalité
Le but de Zamenhof est la réconciliation entre les hommes.
Grâce à lespéranto « des hommes de divers pays
se comprennent et se parlent en frères. Ce ne sont plus des Français
qui parlent à des Anglais ni des Russes à des Polonais, mais des
hommes qui parlent à des hommes. Lusage dune langue artificielle
dans les relations internationales a lavantage de ne pas froisser les
nationalismes, de ne pas humilier certains peuples devant dautres et de
reconnaître légalité foncière de toutes les
langues naturelles ».
Dans une assemblée despérantistes, dit Zamenhof, «
il nexiste pas de nations fortes ni de nations faibles, des privilégiés
et des non-privilégiés ; personne nest humilié, personne
ne se sent gêné ; nous nous tenons tous sur un fondement neutre,
nous sommes tous pleinement égaux en droits ; nous nous sentons membres
dune seule nation, membres dune seule famille » (Lespéranto
p.33 et 34).
Lespéranto nest la langue de personne mais il appartient
à tout le monde. Sa culture est anationale et nenferme pas les
gens dans un type de culture. La langue prône le pacifisme et légalité
entre les hommes. Tous les hommes sont égaux, il ny a ni dominant,
ni dominé. Les espérantistes sont souvent des gens chaleureux
et non violents tournés vers les autres, sintéressant beaucoup
aux peuples des autres pays.
2 - Dimension pédagogique de lespéranto
« Linstitut de cybernétique de Paderborn en Allemagne a comparé
scientifiquement un groupe denfants ayant commencé par 160 heures
despéranto et un autre groupe ayant commencé directement
par langlais. Le groupe qui a commencé par langlais est rattrapé
puis dépassé par celui qui a dabord appris lespéranto.
Dautres expériences donnent le même résultat. En effet,
lespéranto donne à lélève loccasion
de maîtriser ce qui est le plus difficile : savoir se
décentrer par rapport à sa propre langue, apprendre à structurer
autrement son langage et sa pensée.
Mais cet apprentissage, au lieu de le plonger en même temps dans les complications
et exceptions dune autre langue, le confronte à la structure logique
et régulière de lespéranto » (Espéranto
: une langue sans frontière p. 20).
Zamenhof sattache à travailler plus particulièrement la
facilité dapprentissage et linternationalité du lexique.
« Si une langue universelle se doit dêtre riche et précise
afin dexprimer toutes les nuances de la pensée et de lactivité
humaine, elle doit aussi être régulière et simple de formation,
donc facile à apprendre» (Monnerot-Dumaine: Précis dinterlinguistique
générale et spéciale Paris, Éditions Du Scorpion,1960,
p. 24).
Pour Andrew Large, « lespéranto est un modèle de régularité,
de simplicité et de beauté. Il reconnaît à lespéranto
la régularité du système grammatical et également
une grande simplicité de la prononciation et de la phonétique
» (The artificial language Movement, B.Blackwell, Oxford, 1985, p.20).
Selon P. Janton, « par sa structure, il se prête particulièrement
à lexpérimentation pédagogique (
). Il est prouvé
que lespéranto est la seule langue où, compétence
et performance peuvent sacquérir rapidement.
Des études ont montré « quun français apprend
autant despéranto en 150 heures que danglais en 1500. Ces
études font ressortir, outre la facilité de lespéranto,
son apport positif à lapprentissage de la langue maternelle, son
rôle propédeutique à létude des langues étrangères
et sa valeur déveil aux autres cultures » (Lespéranto
p.117).
3 - Les aspects sociolinguistiques
Les représentations sur la langue et lhostilité par rapport
à lespéranto.
Le mouvement international espérantiste ne dispose pas des moyens financiers
et les partisans de lespéranto ne sont pas assez riches pour lancer
les campagnes de publicité qui seraient nécessaires pour faire
connaître lexistence de la langue.
« En tant que phénomène sociolinguistique, lespéranto
ne peut pas davantage être connu dans sa réalité, car on
ne peut le découvrir par les sources habituelles dinformation :
école, conversations, livres et médias. Dans leur grande majorité,
ces sources lignorent ou en donne une image gravement déformée.
Dépourvue de personnalité juridique, une langue ne peut se défendre
quand on la calomnie. Sa diffusion est donc limitée aux contacts individuel
» (Le défi des langues : du gâchis au bon sens, Claude Piron,
Éditions lHarmattan, 1994, p.210).
4 - Présentation lexicale et grammaticale de lespéranto
Cest une langue à la fois précise et facile.
La prononciation est simple : une lettre est égale à un son ;
un son est égal à une lettre.
Tous les noms se terminent par « o », les adjectifs par «
a », les adverbes par « e ». Pour former le pluriel, il faut
ajouter un « j ».
Les familles de mots sont logiques, faciles à construire et à
retenir. Comme il ny a pas dexception, il est possible de généraliser
le savoir acquis.
Ainsi :
naturo la nature natura naturel / le nature naturellement
Sur le plan de la conjugaison :
Au présent, tous les verbes se terminent par « as », au passé
par « is » et au futur par « os ». Seul, le pronom personnel
change.
Ex :
mi parolas : je parle ni parolis : nous parlions vi parolos : vous parlerez
Ainsi avec 12 terminaisons, nous pouvons conjuguer tous les verbes à
tous les temps.
Des affixes, à signification constante, modifient le sens des mots, ce
qui permet une grande économie de vocabulaire :
Exemples :
Le préfixe MAL signifie « le contraire de
»
beau = bela malbela = laid
Le suffixe INO signifie « le féminin de
»
ami = amiko amikino = amie
Le suffixe IDO signifie « le descendant de
»
chat = kato Katido=chaton
Le suffixe EJO signifie « lendroit pour
»
chien = hundo hundejo = chenil
Lespéranto suit le principe de lassimilation généralisatrice
:
« Le psychologue suisse Jean Piaget a exposé le principe de lassimilation
génératrice, selon lequel nous avons tous commencé à
parler. Un enfant de cinq ans, par exemple, a entendu les mots fermier, serrurier,
poissonnier. À partir de là, il fabrique chaussurier pour «
cordonnier », fleurier pour « fleuriste ». Lesprit humain
a donc tendance à assimiler un élément plus fréquemment
entendu que dautres, puis à le généraliser »
(Espéranto ou Babel : faut choisir p.13 et 14).
Ce principe symbolise la simplicité dapprentissage de lespéranto.
Les règles sont généralisées. De fait, la mémoire
nest pas encombrée et il est possible de créer ses propres
mots, ses propres phrases et de sapproprier la langue et dêtre
ainsi acteur de son apprentissage.
5 - Exemple dune application pratique : lAssociation Réinsertion
et Espéranto
Création de lassociation
Lassociation « Réinsertion et Espéranto », association
régie selon la loi de 1901, a été créée en
septembre 1997 à Montpellier. Son but est « la réinsertion
par lapprentissage de la langue internationale, des chômeurs, des
bénéficiaires du revenu minimum dinsertion (R.M.I .) et
des jeunes en difficulté ». Ainsi elle propose à des jeunes
en recherche demploi dapprendre la langue pour ensuite être
embauchés comme espérantistes professionnels afin denseigner
et de développer la langue internationale.
Réinsertion et Espéranto se donne pour vocation de devenir à
terme « un centre despéranto professionnel spécialisé,
basé à Montpellier, et destiné à assurer la promotion,
linformation et lenseignement de la Langue Internationale ainsi
que des services de traductions à partir et vers nimporte quelle
langue ». Son champ daction sétend déjà
dans toute la région Languedoc-Roussillon, mais également en région
Midi-Pyrénées et en Provence Alpes-Côte dAzur.
Le projet de cette association avec sa composante sociale mais également
linguistique sinscrit bien dans le cadre de la construction européenne
et de la mondialisation, lespéranto pouvant servir de langue-pont
non seulement pour améliorer la communication au sein des différents
pays mais également entre les simples citoyens.
Missions de cette association
Son but est de promouvoir, denseigner et de développer lespéranto.
Pour cela, et compte tenu du peu dintérêt porté par
les pouvoirs publics à lencontre de cette langue, cette association
sest donnée pour mission dinformer les collectivités
territoriales, le monde associatif, le grand public et le milieu scolaire aussi
bien au niveau primaire, quen collège et au lycée par le
biais de conférences, de cours et dexpositions.
En outre, tout est mis en uvre pour se rapprocher de ceux qui militent
également pour faire progresser la culture de la paix, la tolérance
et légalité linguistique et pour que les enfants au moins
sachent quil existe une autre langue internationale que langlais.
Moyens de cette association
Ils sont humains et financiers.
Moyens humains :
Il est proposé à des jeunes au chômage dacquérir
par le biais dune formation gratuite la connaissance de la langue internationale
afin de disposer dune possibilité supplémentaire pour sinsérer
ou se réinsérer dans la vie.
Lassociation a formé et embauché des chômeurs. Elle
a créé 2 postes. Comme nous lavons dit plus haut, ces personnes
ont appris lespéranto et ont passé les examens pour pouvoir
lenseigner. Elles ont été embauchées dans le cadre
des Emploi-Jeunes, mais surtout avec un contrat à durée indéterminée
(CDI). Enfin un animateur sous contrat emploi consolidé (C.E.C.) a été
embauché en décembre 2002, également en CDI. Il est chargé
de développer les projets de lassociation, dencadrer léquipe
et dassurer les fonctions de direction et de gestion.
Moyens financiers :
Pour 2003, le budget de fonctionnement, alimenté par les dons, les cours
et la vente de livres, est de 40 000€.
Public concerné
Lassociation travaille surtout avec les écoles primaires , les
collèges et les lycées.
Fonctionnement
Des conférences sont organisées pour le grand public sur les trois
thèmes suivants : « lUnion Européenne et les langues
: mythes et réalités », « la langue internationale
Espéranto : une vraie langue vivante portée par un idéal
», enfin « la langue internationale Espéranto : un véritable
outil propédeutique à la disposition de linstituteur ».
Dautres conférences sont organisées dans les lycées
et les collèges généralement dans les classes pour présenter
aux élèves lespéranto et ses valeurs morales. Parfois
une initiation à lespéranto en est la conséquence.
Des cours sont organisés dans certains collèges et lycées.
Ainsi lespéranto est enseigné depuis 2 ans au Lycée
Professionnel Robert Schuman dAvignon en classe de 3ème technologique
à raison de 2 heures par semaine. Le groupe délèves
étant divisé en deux, les élèves suivent un cours
de 2 heures tous les 15 jours.
Un cours despéranto a également lieu une heure par semaine
dans les foyers socio-éducatifs des collèges « Jean Brunet
» à Avignon, « les Oliviers » à Nîmes
et « Marcel Pagnol » à Montpellier.
En ce qui concerne les écoles primaires, il est souhaitable de sensibiliser
les enseignants à la valeur pédagogique de lespéranto
tant dans la découverte par les enfants de la richesse de la langue française
que dans léveil aux structures linguistiques étrangères
tout en leur offrant une ouverture desprit vers les valeurs universelles
promues par cette langue.
Lassociation Réinsertion et Espéranto étant un organisme
de formation enregistré auprès des services compétents
de la Direction du Travail de lHérault, lenseignement de
lespéranto peut être dispensé dans le cadre de la
formation continue au personnel des entreprises. Ces dernières ont également
la possibilité dutiliser le système international de traduction
INTRASYS.
Pédagogie pratiquée
Les méthodes utilisées sont :
- « la méthode Cseh » : lenseignant nutilise
aucun mot des langues maternelles des élèves. Il sexprime
uniquement en espéranto à laide dobjets, de gestes,
de mimiques et de dessins,
- « le nouveau cours rationnel et complet despéranto»
: il se compose
dun manuel et dune cassette.
- Avec les jeunes, il sagit plutôt de cours oraux, ludiques et proches
des préoccupations des jeunes.
Difficultés rencontrées par lassociation
LAssociation mérite dêtre aidée, développée
et entendue. Or, elle a peu dappuis aussi bien politiques que financiers.
La formation en espéranto nétant pas rémunérée,
de nombreux jeunes candidats à lembauche ont abandonné la
formation, une difficulté qui aboutit au non développement de
lespéranto et qui ralentit le projet. Il faudrait davantage de
personnes dans lassociation pour la faire fonctionner dans de bonnes conditions.
Le fonctionnement propre de lÉducation Nationale fait que chaque
année scolaire remet en question les accords passés. La structure
doit donc sans cesse démarcher, même auprès des établissements
qui lont accueillie lannée précédente (par
exemple dans le cas où léquipe dirigeante a changé).
Projets
Le but essentiel est de poursuivre le développement de lespéranto
par le biais de cours, de conférences et dactions pour sensibiliser
le grand public.Nos réflexions personnelles à propos de lassociation
Réinsertion et Espéranto
Il faut aider au développement et au renforcement de lassociation.
Pour ce faire, il faut trouver dautres personnes intéressées
par le projet. Il est peut-être également possible de la copier
ou de créer des antennes de Réinsertion et Espéranto dans
dautres régions.
Cest la seule association dans le monde qui soccupe de réinsertion
et despéranto en même temps. Elle est tournée vers
lextérieur et se préoccupe aussi bien des jeunes que des
adultes par le biais de cours, de conférences et dexpositions.
Cela montre également que lespéranto nest plus le
rêve de quelques-uns mais bien une réalité.
Le fait quil y ait des donateurs et des adhérents dans toute la
France montre également que des personnes croient et soutiennent lespéranto
et la réinsertion des jeunes.
Au départ, cette association fonctionnait grâce à des bénévoles.
Depuis février 2001, deux personnes sont salariées. Cest
également la première fois que des jeunes qui sont formés
à lespéranto en vivent. Ce nest plus un loisir ; cest
un travail. Ainsi lespéranto est au service de lespéranto.
La mission de ces jeunes est dinformer, de donner des cours et de développer
lespéranto. Et qui peut mieux le faire que des jeunes surtout lorsquil
sagit den parler à dautres jeunes ? Dautant plus
que ces jeunes qui étaient en difficulté connaissent bien les
problèmes des autres jeunes et ils sont la preuve que quelle que soit
la situation de départ, il est possible de sen sortir. Cest
également la preuve que lespéranto redonne confiance et
permet de faire des projets, cest ce que montre également le travail
réalisé aux Glacis.
Inutile de dire que ce que nous vivons dans nos clubs, bien confinés
et à labri du regard des autres est loin de cette réalité.
Il faut sortir du club et aller vers les autres car si nous appartenons à
un groupe despéranto, cest parce que nous y croyons. Or,
ce sont les autres quil faut convaincre en leur montrant lutilité
dapprendre lespéranto.
Pourquoi lassociation « Réinsertion et Espéranto »
rencontre t-elle des résistances ?
Selon le Docteur Thierry Saladin, directeur de lassociation, « par
le message quelle tente de faire passer auprès du grand public,
cette association dérange. Son activité de prospection la met
en effet chaque jour au contact de gens qui ne sont pas forcément contre
lespéranto (bien souvent ils ne connaissent même pas son
existence), mais ces personnes ont des clichés, des phrases toutes faites
en guise de réponse, persuadées de leur compétence dans
le domaine des langues et de la communication.
Mais elles sont complètement dans lidée reçue. Or,
ce qui est étonnant et hélas quotidien, cest limpossibilité
de faire passer un quelconque message basé sur un raisonnement. Tout
se passe comme si le rationnel subissait la loi de lémotionnel.
Malgré la démonstration cartésienne, le message ne passe
pas. Vous venez de démonter un argument, on vous en donne immédiatement
un autre qui ne supportera pas non plus lépreuve des faits et ainsi
de suite.
Combien de personnes avons nous rencontré dont lérudition
pour ne pas dire la culture mérite le respect et qui deviennent tout
à coup incapables dintégrer un message avec un raisonnement
clair dès quil sagit des langues ! Cest très
curieux.
En outre, lidée dominante véhiculant dautres vérités,
toujours sans preuves, chacun suit le mouvement et ce mouvement dit quil
faut connaître langlais pour sen sortir, ce qui est vrai évidemment
et nous ne le contestons en aucune façon, mais tout cela risque dêtre
lourd de conséquences si personne ne veut y prendre garde ».
La langue internationale espéranto fonctionne correctement et ce avec
peu de moyens financiers. Cela montre à quel point notre système
est défaillant en ce qui concerne lapprentissage des langues étrangères
et leur utilisation aussi bien à lécole que dans les organisations
internationales comme lOrganisation des Nations Unies ou lUnion
Européenne.
Les sommes investies dans lapprentissage des langues et la traduction
sont faramineuses pour des résultats médiocres. Dans ces conditions,
pourquoi persister à ne pas essayer lespéranto en tant que
langue-pont ?
LÉducation nationale et les diverses institutions du pays vont
du côté de langlais par habitude, par conformisme, par peur
de linconnu. Selon lAssociation Réinsertion et Espéranto,
« 95% des enseignants nont pas une idée très précise
ou ne connaissent pas du tout lespéranto. Sur ces 95%, 9 sur dix
refusent den parler avec nous et ne souhaitent pas en parler à
leurs élèves ». Dans ces conditions, rencontrer des personnes
proposant lespéranto dans les écoles nest pas à
lordre du jour.
Lassociation « Réinsertion et Espéranto » propose
une dynamique de formation qui débouche sur un véritable emploi.
En effet, elle permet à des jeunes en difficulté de recevoir une
formation en espéranto puis de passer des examens en vue dêtre
embauchés:
- niveau 1 : Atesto pri lernado (équivalent du BEPC)
- niveau 2 : Atesto pri praktika lernado (équivalent du baccalauréat)
- niveau 3 : Atesto de Kapableco (équivalent de la Maîtrise dans
une langue)
Une seule année de cours suffit pour atteindre ce niveau en espéranto.
- niveau 4 : Altaj studoj (équivalent du doctorat)
Ce dernier examen ne leur est pas demandé. La kapableco (capacité)
va leur permettre davoir un emploi de type CDI. À leur tour, ils
vont promouvoir lespéranto.
Le problème est que les stagiaires ne sont pas rémunérés
pendant la formation, les pouvoirs publics ne le veulent pas et lassociation
nen a pas les moyens. De ce fait, pour des raisons financières
des jeunes abandonnent. Largent est nécessaire pour continuer ce
travail. Cest pourquoi laide des donateurs est importante, il faut
la poursuivre et lamplifier.
Vouloir développer lespéranto chez les jeunes et à
lécole est capital. En effet, quand on sait que lespéranto
facilite lapprentissage des autres langues telles que lallemand,
langlais, lespagnol
, il faudrait commencer par lenseigner
en premier.
Rappelons-nous la valeur pédagogique de lespéranto. Les
enseignants dans les écoles primaires auraient sans doute moins de problèmes
à lapprendre et à lenseigner plutôt que dessayer
de faire la même chose
avec une langue comme langlais, ce qui, sans formation préalable
nest pas forcément facile.
De plus, les enfants seraient peut-être davantage intéressés
par lapprentissage des langues. En effet, lenseignement de la langue
que lenfant apprend en premier est déterminant pour son avenir.
Aussi lenseignement de la langue, la méthode utilisée et
le choix de la langue sont importants. Cela pourrait également redonner
à lenseignement davantage dattrait.
Nous montrons dans ce mémoire comment lespéranto redonne
confiance.
Avoir un capital confiance permettrait sans doute à lélève
déchapper à léchec scolaire plus tard.
La facilité de lespéranto nest pas son unique avantage
auprès des jeunes, il véhicule aussi lidée de paix,
douverture sur le monde, déchanges fraternels entre les peuples.
Il apporte une image positive dans ce monde où souvent cest le
pessimisme qui domine avec lannonce de guerres, de catastrophes, de fermetures
dusines, de meurtres
Les jeunes ont besoin despoir, davoir un petit coin de paradis pour
pouvoir rester en bonne santé dans notre société.
Chapitre 2 : DISPOSITIF PÉDAGOGIQUE DINSERTION : LESPÉRANTO
AU CENTRE DE SOINS DES GLACIS
Section 1 Difficulté scolaire et marginalisation sociale
A La perception de lécole par ladolescent en difficulté
psychique
Différentes situations peuvent se présenter :
Ladolescent ne se sent pas bien à lécole, il sennuie,
il subit lenseignement. Il narrive pas à se concentrer car
il est trop préoccupé par ses problèmes : comment investir
un cours de mathématiques par exemple lorsque son esprit est préoccupé
par des problèmes qui lui semblent insurmontables ? Ladolescent
est soumis à trop de pressions. Il se trouve donc en déchec
permanent et cette situation perdure.
Lécole peut être source dangoisse et de panique. Il
a désinvesti lécole car il na pas de bons résultats
scolaires. Il se sent trop « nul » et a peur de ne pas être
à la hauteur. Il souhaite réussir mais ny parvient pas.
Il est isolé dans le groupe, il est mal à laise dans son
corps, dans sa tête. Il peut parfois avoir de bons résultats scolaires
mais il nest pas intéressé par lécole. Parfois,
il a limpression de déranger linstitution scolaire, de ne
pas être compris, dêtre rejeté.
Ladolescent est en opposition par rapport à ses parents pour qui
lécole est très importante. Lécole est un enjeu
important dans la famille : Il se sent contraint dy aller par sa famille
et par la société. Cest une obligation. Les parents souhaitent
que leur enfant réussisse mieux queux. Lentourage du jeune
lui a expliqué quil devait réussir pour se préparer
un bon avenir alors quil a peut-être constaté que quelquun
qui lui était proche est au chômage et ne parvient pas à
trouver du travail.
Dans ces conditions, quel peut être lintérêt dapprendre,
de travailler à lécole si cest pour se retrouver sans
emploi plus tard ? Lécole est alors synonyme de surinvestissement
ou de rejet. Il est difficile de pouvoir investir la classe alors que le désir
des parents, des adultes, de linstitution scolaire est tout autre que
celui de ladolescent. Ainsi en est-il pour Ophélie qui veut faire
un BEP alors que ses parents veulent quelle continue sa classe de première
au lycée.
Lécole représente la norme. Armand, alors quil est
en difficulté aux Glacis dit : « à lécole,
je dois être normal et me comporter comme les autres, aux Glacis, je peux
me montrer malade. »
Le scolaire est un enjeu très important pour soi, pour sa famille, envers
les autres, pour son avenir. Il traduit limage de la réussite future.
Parfois, quand les adolescents arrivent aux Glacis, ils ont épuisé
toutes les filières de lÉducation Nationale, aussi bien
dans le public que dans le privé ; ils changent décole chaque
année voir même en milieu dannée. Le scolaire est
pour eux synonyme de souffrance, de mise à lécart par rapport
à la norme.
Les relations avec les autres sont mauvaises, ladolescent est parfois
le bouc-émissaire, il est rejeté. Il est en grande souffrance.
À force déchecs à répétition et de
souffrances, le jeune nen peut plus et il va mal. Il se dévalorise
et na plus confiance en lui.
Cette situation est dautant plus difficile à vivre que les jeunes
se sachant en échec se rendent compte de leurs difficultés. Cependant,
ils narrivent pas à y faire face en partie à cause du fait
que le langage parlé à lécole est éloigné
du leur, quil ny a pas de passerelle entre les deux et que dans
notre société, seul ce qui est fait à lécole
a de la valeur, mais également car leurs préoccupations sont très
éloignées de lécole. Cest pourquoi, il faut
construire avec ces jeunes des projets qui les valorisent et qui leur permettent
de reprendre confiance en eux.
La plupart des jeunes qui fréquentent latelier scolaire sont en
échec scolaire, ils se sentent « trop mal » pour étudier,
ils se sentent « nuls », ils sont saturés, ils nont
plus confiance en eux et nont pas envie détudier.
Notre but professionnel est de leur redonner envie dapprendre afin de
retourner à lécole, de suivre une formation, un apprentissage
ou de changer dorientation. Apprendre, pouvoir apprendre, acquérir
des connaissances, une langue est très important dans la reconstruction
du jeune.
B La position de la société par rapport aux jeunes
La société a du mal à gérer les jeunes en difficulté
; il y a peu de structures et surtout peu de structures adaptées. Que
faire avec un adolescent qui est mal dans sa peau, qui ne suit pas en classe,
qui a des résultats médiocres ? Quel avenir peut-il espérer
? Quel avenir notre société propose-t-elle aux jeunes ? Reportons-nous
aux conclusions du rapport Charvet.
Souvent on reporte léchec sur le jeune. Cest de sa faute
: il ne travaille pas assez, il est fainéant. Et la société,
cest-à-dire nous, lécole, les enseignants, les travailleurs
sociaux, ne devrions-nous pas nous interroger sur les raisons de ces échecs
et sur les moyens dy remédier ? Malheureusement, nous remettons
rarement en cause « le système ».
Les jeunes rêvent dun monde meilleur, de paix et non de guerre.
Ils veulent un monde où les gens se parlent, où cela ne soit pas
la course « à largent ». Ils espèrent trouver
un travail alors que parfois leurs parents sont au chômage et vivent dans
des conditions difficiles.
Cest également pour cela que les adolescents ont du mal à
sinvestir dans lécole car même sils sont bons,
sils ont des bons résultats ils ne sont pas sûrs de trouver
du travail. Compte tenu de ce quils entendent ou perçoivent de
la société, de lincertitude qui plane sur leur avenir, et
de leur propre devenir ils sinquiètent. De plus, cest la
course aux diplômes, à la réussite, à lindividualisme.
Il nest pas possible de rêver.
Section 2 La pédagogie aux Glacis : ladolescent est un acteur
En tant quéducatrice spécialisée de formation, nous
avons en charge latelier pédagogique des Glacis. Notre but est
damener les adolescents à pouvoir intégrer une démarche
dapprentissage, dans le cadre du soutien scolaire et de laide aux
devoirs, en vue dun retour en classe ou dune réorientation.
Les jeunes qui ne sont pas scolarisés viennent en soutien scolaire, les
adolescents scolarisés viennent après leurs cours pour une aide
aux devoirs. Quils soient scolarisés ou non, le but recherché
en classe est de maintenir leurs acquis et de les faire progresser. Pour pouvoir
investir lactivité, il est nécessaire que ladolescent
comprenne lintérêt de venir en atelier pédagogique.
Au début, souvent, il ne veut pas venir. La porte de latelier est
constamment ouverte ; il sarrête ou passe son chemin. Parfois, il
pose des questions, il vient chercher du matériel pour un autre atelier.
Il peut aussi lire « lactu » (quotidien auquel nous sommes
abonnés), des bandes dessinées ou demander à utiliser lordinateur
pour aller sur Internet.
Le jeune vient voir aussi les adolescents avec lesquels il sentend bien
et qui sont des « éléments moteurs ». Ces derniers
peuvent peut-être désamorcer son angoisse pour laider à
entrer. Le cours na pas forcément
lieu. Cela peut être des échanges ou des discussions sur des thèmes
divers. Ainsi nous essayons de privilégier louverture et de donner
à ladolescent le sentiment quil a le choix.
A Latelier pédagogique
La plupart des jeunes qui fréquentent latelier pédagogique
sont en échec scolaire, ils se sentent « nuls », ils nont
plus confiance en eux et nont pas envie de faire du scolaire. Ils sont
mal dans leur être, ils fuient donc la classe. Notre but est de leur redonner
envie dapprendre afin de retourner à lécole, de suivre
une formation, un apprentissage ou de changer dorientation.
Nous nous préoccupons davantage du scolaire que dorganiser des
sorties. En effet, il faut maintenir le scolaire car quelle que soit son orientation
plus tard, le jeune sera très certainement dans un processus dapprentissage
et au vu du programme et de ses activités, il reste très peu de
temps à consacrer à des activités sur lextérieur.
Proposer aux patients des mathématiques ou du français les renvoient
à ce quils ont connu auparavant et nest peut être pas
le meilleur moyen pour les attirer en classe. Nous nous sommes aperçus
quil fallait proposer autre chose quun enseignement de type classique.
Nous avons réfléchi à ce qui pourrait les intéresser
et leur donner envie de fréquenter latelier pédagogique.
Nous étions alors à la recherche dune activité qui
les valorise et qui leur permette de reprendre confiance en eux. Notre but est
de leur donner envie dinvestir les activités scolaires sans reproduire
ce quils ont déjà connu .
Que proposer ? Nous nous sommes souvent posé cette question en présence
des jeunes peu ou pas motivés pour le scolaire. Avec léquipe
soignante, nous avons beaucoup échangé sur latelier scolaire,
sur notre fonction, sur les attentes de la structure et des jeunes.
Cest ainsi que nous avons débaptisé latelier. Il est
donc devenu atelier pédagogique avec lespoir que la notion de scolaire,
qui induit souvent de la souffrance sestompe. De plus, nous pensions que
les parents, prendraient conscience de la réalité et des difficultés
de leur enfant car suivre les cours ne résout pas tout.
Le terme « atelier pédagogique » rassure peut-être
ladolescent car les mots « scolaire, classe » lui rappellent
ses difficultés. Latelier pédagogique ouvre alors le champ
de la prise en charge avec lutilisation de lordinateur, la réalisation
du journal, les sorties culturelles, une aide aux devoirs et du soutien scolaire.
Cependant, si modifier le nom de latelier scolaire était un premier
pas, cela na pas résolu le problème. Les adolescents ninvestissaient
pas plus latelier pédagogique que lécole. Comment
leur redonner envie dapprendre ? Au vu de limage négative
du scolaire, que faire, que leur proposer ?
Nous arrivions également à un moment où nous nous demandions
sil ne fallait pas faire autre chose que du scolaire pour redonner espoir
à ces jeunes. Il fallait apporter un changement pour redonner de la vie
mais comment et sous quelle forme ?
Nous avons tenté de travailler avec dautres supports. Nous avions
un vieil ordinateur à disposition. Cependant, les activités proposées
restaient assez scolaires avec lutilisation de logiciels éducatifs
et le traitement de texte pour réaliser le journal des Glacis.
Les sorties, les visites dexpositions, notamment au Carrefour Santé
(lieu présentant des expositions en rapport avec la santé), au
Kiosque CAF (service appartenant à la Caisse dAllocations Familiales
qui informe la population en matière de gestion de la vie quotidienne,
en matière de budget, dalimentation
), à la bibliothèque
étaient intéressantes dun point de vue culturel, de la vie
en groupe, dans la société dite « normale » mais elles
apportaient peu de choses sur le plan de lapprentissage.
Il nous fallait donc trouver un support qui permette lapprentissage. Nous
sentions également quil nous fallait proposer des activités
différentes, nouvelles en transformant la classe en un espace où
les adolescents ne seraient pas en échec mais au contraire valorisés.
Cest pourquoi nous avons participé activement à des expositions
:
- la fête de la lecture avec Lecturique (cest une association qui
aide au développement de la lecture) en 1992. Un travail fut présenté
sous forme de jeux à partir dun livre qui donnait envie de lire
aux enfants. Un article relate cette expérience en annexe p.104.
- le SIDA au Carrefour Santé en 1999 : nous y avons réalisé
et présenté un jeu du type trivial poursuite.
Ce type de travail nest plus possible actuellement car les jeunes ne restent
plus assez longtemps aux Glacis.
Face à des prises en charge de plus en plus courtes et notre désir
de redonner confiance aux jeunes, lactivité choisie devait se mettre
en place rapidement.
Le choix de lespéranto releva du pur hasard. En effet, nous-mêmes
apprenions cette langue à la MJC P.Desforges à Nancy et nous débutions.
Nous la percevions comme un moyen doffrir du nouveau par rapport à
ce que les jeunes avaient connu. Cest ainsi que nous avons commencé
à donner des cours à des adolescents volontaires sans savoir ce
que cela pourrait leur apporter.
Nous trouvions cette langue facile à apprendre avec une philosophie orientée
vers la paix, légalité entre les hommes, la correspondance
et les voyages. Ce qui nous attirait également était le fait quavec
une seule langue en plus de notre langue maternelle, nous étions en mesure
de communiquer avec des gens du monde entier et que nous étions sur un
même pied dégalité avec les autres locuteurs espérantistes.
Ce nest que beaucoup plus tard que nous avons perçu lespéranto
comme un moyen de réinsérer les adolescents. En effet, comme nous
le verrons, il aide à se valoriser, à reprendre confiance en soi
et à avoir envie de faire des projets.
Dans le cadre de latelier pédagogique, il est possible de suivre
ou bien du soutien scolaire, ou bien de laide aux devoirs, ou bien encore
un mixage des deux pour certains.
1 - Le soutien scolaire
Il se fait en fonction du projet mis en place avec ladolescent et également
en fonction de ses goûts. En effet, pour pouvoir investir, il faut trouver
un intérêt dans lactivité. Le soutien est individualisé
et sera différent selon que lobjectif est de retourner en classe
ou de faire un apprentissage. Nous avons davantage de temps pour revoir ce qui
nest pas compris, il y a moins dimpératifs quen aide
aux devoirs. Le patient peut travailler à son rythme mais également
sur son comportement.
Le point commun à tous ces jeunes est le problème que lécole
leur pose. Il est difficile dans ces conditions de repenser les études
dune manière classique. Il faut alors trouver le moyen de redonner
confiance au jeune, cest une des raisons entre autres qui nous a amenées
à utiliser lespéranto.
La visite dexpositions, les sorties à la médiathèque
sont également possibles. Le travail sur lextérieur nest
pas à négliger car lextérieur fait également
partie de la vie.
Pour ceux qui suivent des cours Aiscobam nous leur proposons également
une aide aux devoirs.
2 - Laide aux devoirs
Sa finalité nest pas de faire les devoirs à la place de
ladolescent mais de laider à les faire et de lamener
à travailler en autonomie. Le programme donné par lÉducation
Nationale est impératif. Les dates des devoirs sont fixées et
il nest pas possible de déroger à ces règles.
Le groupe dadolescents est hétérogène avec des âges
et des niveaux différents. Ceci leur permet de sentraider et créer
une relation daide et de convivialité entre eux. Ceux qui savent
aident les autres.
Néanmoins, il existe parfois des tensions car nous ne pouvons pas répondre
à toutes les demandes en même temps. Les adolescents doivent attendre
et ne le supportent pas forcément. Leur niveau sétend de
la 6ème à la terminale et, devant lampleur de la tâche
à répondre à une aide individualisée, nous avons
mis en place un travail de soutien avec des collègues et des stagiaires.
Cela permet de mieux répondre à leurs demandes. En effet, une
seule personne ne peut couvrir à elle seule tous les programmes.
Avec certains jeunes, cest très difficile car ils sont en échec
scolaire et ils doivent suivre le programme même sils nen
ont pas le niveau et les capacités. Comment faire pour progresser quand
on ne maîtrise pas les bases en français ou en mathématiques
? Ne renforçons-nous pas léchec scolaire ?
Le problème, cest que certains jours, avec les devoirs qui arrivent
de toutes parts, le risque est grand de « faire les devoirs à la
place de » plutôt que dexpliquer, de revoir des notions non
assimilées ou inconnues.
Nous devons également faire face au mal-être de ladolescent,
faire face à
ses difficultés, à ses tensions, aux nôtres, et respecter
les délais pour rendre le travail à faire.
Certains adolescents demandent à suivre des cours Aiscobam dans les matières
où ils sont en difficulté. Ce sont des cours en plus de leur programme
scolaire. Dautres sont en intégration partielle à lécole
et suivent avec Aiscobam les cours quils nont pas au collège.
Laide aux devoirs tout comme le soutien scolaire nest pas uniquement
orientée vers lécole ; elle permet aussi de se poser, de
pouvoir parler de sa journée, de ses joies, de ses peines, et de ses
notes si on en a envie.
B Lintérêt de lespéranto aux Glacis
1 - Le choix de ladolescent
Aux Glacis, on peut apprendre lespéranto seul, par correspondance,
par Internet ou ne pas en faire. Cest ladolescent qui choisit. Ne
pas avoir envie à un moment ne signifie pas ne pas changer davis
à lavenir. Cela veut dire ne pas se sentir prêt tout de suite,
lespéranto est et restera une porte ouverte. On peut tenter et
renoncer. Ceux qui tentent lexpérience prennent un risque : essayer
et peut-être aller mieux, avoir accès à lespoir, lavenir.
Il faut oser et pouvoir se projeter dans lavenir.
La position des parents, du personnel soignant et des jeunes face à ce
projet est déterminante. Les parents qui rejettent l espéranto,
disant que cela ne sert à rien, quil ne les mènera nulle
part. Ils empêchent leur enfant de sinvestir, dessayer et
davoir des projets personnels. Pourtant lespéranto est un
moyen détourné pour apprendre car il permet de se mettre dans
une démarche dapprentissage, de travailler en autonomie et de se
conformer à des règles.
Lespéranto napporte pas les mêmes choses à chacun
mais il peut être une aide pour certains jeunes quand ils « vont
mal ». Pour Anne-Marie cest le contraire ; à ce moment là,
elle ne peut suivre le cours. Elle perd tous ses moyens et ne peut pas se concentrer.
2 - La finalité de lespéranto aux Glacis
Le but de lenseignement de lespéranto aux Glacis nest
pas de faire des adolescents de futurs espérantistes, mais quavec
laide dautres prises en charge, ils aillent mieux, quils reprennent
espoir et quils puissent faire des projets et être, en fin de compte,
rescolarisés.
La langue est inconnue des adolescents. Ils nont donc pas le sentiment
davoir déjà été en échec. Cest
une ouverture sur autre chose que sa propre maladie et ses problèmes.
Cest souvrir au monde et ne pas se limiter à leur pays et
connaître la manière dont vivent des personnes dans dautres
pays. Cest découvrir dautres cultures que la culture française
et pouvoir échanger avec dautres jeunes sans difficulté
de compréhension.
Lespéranto créé une situation où la réussite
sera assurée et cela, le plus souvent possible. Il permet de créer
un climat de confiance, dapprendre à
sorganiser, de retrouver lestime de soi, de se motiver à
étudier. Il permet aussi de progresser dans les domaines suivants : lattention,
la motivation, la concentration et lautonomie.
Lespéranto permet également de reprendre confiance en soi.
Cest ne pas se sentir seul, cest échanger par courrier ou
par message électronique, cest voyager, rêver à un
monde de paix dans lequel la guerre nexisterait plus et où les
peuples se comprendraient. Dun point de vue plus scolaire, il sagit
de se remettre dans une démarche dapprentissage.
Aux Glacis, les jeunes écrivent à des correspondants au bout de
quelques leçons par le biais dInternet. Le but est de se remettre
dans une démarche dapprentissage et de communiquer.
Pratiquer lespéranto pendant que les autres font leurs devoirs
est non seulement une démarche scolaire mais cest également
valorisant, car on est comme tout le monde : on fait des devoirs donc on est
dans la norme.
3 - Lapprentissage de la langue et le rôle de lélève
En apprenant lespéranto, ladolescent montre quil est
capable dapprendre, et dy trouver du plaisir. Il a des capacités,
donc il nest pas nul. Il y a donc valorisation de soi, confiance en soi
et assurance. Le but est de reconstruire une image de soi positive.
Bien que la langue soit facile, il est nécessaire de lapprendre
un minimum pour progresser. Seul Oscar, qui ne travaillait pas en dehors des
cours a progressé sans apprendre. Mais il était dit « surdoué
». Noublions pas que si lobjectif est au départ de
retrouver confiance, daller mieux, il est également de se remettre
à apprendre. En effet, quel que soit le projet ou lavenir de ladolescent,
il devra apprendre, se mettre en situation dapprentissage, doù
lintérêt de travailler.
Le fait que ladolescent trouve la langue facile rend le travail moins
fastidieux. Une vision positive de lespéranto diminue considérablement
les contraintes du moins dans sa tête. Mais il faut quand même apprendre
et pratiquer pour progresser. Cest un des points communs avec les autres
langues.
Quand le jeune se rend compte quapprendre est possible, quil est
capable de le faire, cela modifie sa vision de la réalité et rassure
sur lavenir.
Le fait quil ny ait pas de contraintes de type scolaire, à
savoir être obligé de suivre le cours, détudier, dêtre
interrogé, dêtre noté, de passer un examen, aide ladolescent
à sinvestir dans un but autre que scolaire et à se faire
plaisir. Cela revient à apprendre pour soi parce quon le souhaite.
Le fait de pouvoir maîtriser quelque chose est important. De plus, il
sait que les personnes avec qui il communiquera sont comme lui. Elles ont appris
également la langue internationale. Elles et lui se trouvent sur un même
pied dégalité ; chacun a fait la moitié du chemin
pour communiquer.
Apprendre lespéranto, cest acquérir des règles,
des bases. Ladolescent saperçoit alors quil peut agir
sur la langue et former des nouveaux mots et des phrases bien à lui.
Ces phrases quil créé lui permettent dagir, dêtre
acteur, de maîtriser, de prendre du plaisir. Cest un peu comme un
rayon de soleil dans la nuit. Cest également un peu comme un jeu
de construction où le but est de se construire une maison.
4 - Lespéranto est une aide à lapprentissage dautres
langues
« Lespéranto donne à lélève loccasion
de maîtriser ce qui est le plus difficile : savoir se « décentrer
» par rapport à sa propre langue, apprendre à structurer
autrement son langage et sa pensée. Mais cet apprentissage, au lieu de
le plonger en même temps dans les complications et exceptions dune
autre langue, le confronte à une structure logique et régulière,
une structure familière par certains côtés mais très
étrange par dautres. Le Français qui a découvert
dans lespéranto la façon de distinguer « lagent
» dune action, de celui qui la subit, grâce à laccusatif,
ou la façon dobtenir des mots en « agglutinant » dautres
mots, se sent beaucoup plus à laise pour apprendre lallemand
» (Espéranto : Une langue sans frontières, p.20).
Ludivine, grâce à lapprentissage de lespéranto
a beaucoup progressé en allemand.
Lespéranto permet de réviser les autres langues, car en
apprenant un mot en espéranto, il nous revient dans une autre langue
: exemple « la hundo » qui signifie « le chien » en
français et « der Hund » en allemand, « la kato »
pour « le chat » en français, « the cat » en
anglais et « die Katze » en allemand.
Reconnaître dans lespéranto des mots dautres langues
connues rassure les jeunes, car ils savent déjà des choses sur
lesquelles ils peuvent sappuyer et cela leur permet aussi de réviser.
Ainsi, ils se rendent compte quils avaient déjà un savoir
et quils ne sont pas nuls.
Lespéranto aide aussi à retravailler dautres matières
scolaires comme par exemple le français, car cela permet de revoir des
notions comme par exemple la différence entre les adjectifs et les adverbes.
À lécole, lapprentissage dune langue est obligatoire,
on ne peut pas sen dispenser. Mais dans quel but apprenons-nous cette
langue ? Il nous est dit quil faut apprendre langlais et quavec
cette langue nous pouvons nous « débrouiller » partout dans
le monde.
Les adolescents nont pas la même notion du temps que nous. Quen
est-il concrètement ? Ils aimeraient expérimenter la langue rapidement.
Malheureusement, il y a de moins en moins de classes qui font un séjour
à létranger, en grande partie du fait que les séjours
coûtent cher et que de plus en plus de familles ont des difficultés
financières pour financer le séjour. De plus, les systèmes
de correspondances par courrier ou par Internet ne semblent pas très
développés.
C La méthode utilisée : le Junulkurso
Cest une méthode créée pour les jeunes avec comme
support un livre et une cassette.
1 - Le manuel
Il attire les adolescents en raison des dessins et du texte qui nest pas
très important par rapport aux manuels quils utilisent habituellement
en classe. À chaque fin de leçon, Jeanne et Charles (les personnages
du livre) rendent visite à des correspondants dans un pays différent.
Ainsi, ils visitent le monde. Ils vont à Amsterdam, Berlin, Pékin,
en Russie
Cest sécurisant de retrouver les mêmes personnages.
Le livre rassure. Le Junulkurso a été créé pour
les cours par correspondance. De ce fait, si les adolescents le souhaitent,
ils peuvent apprendre seuls. On répète beaucoup. Cela permet dassimiler,
dapprendre et de progresser. Il permet aussi de travailler seul, à
son rythme. En effet, il y a 20 leçons alors que la méthode 11
(plutôt conseillée
aux adultes) aboutit au même résultat mais nen contient que
10. Lespéranto étant une langue facile à apprendre,
ladolescent peut rapidement parler et faire des phrases. Ces résultats
rapides et concrets le rassurent sur ses capacités dapprentissage
et le revalorisent.
Étudier avec un livre est sécurisant, mais très vite, généralement
dès la leçon 2 ou 3, les jeunes expriment le désir de sortir
du livre et de faire des phrases à eux, de jouer avec les mots et de
ce fait de sapproprier la langue. Sortir du livre est intéressant.
Apprendre les nouvelles règles sans livre, ne semble pas leur poser de
problème.
En principe, il est conseillé davoir des correspondants après
avoir étudié 10 leçons. Aux Glacis, les adolescents ont
très envie den avoir rapidement et la correspondance leur permet
à la fois de communiquer et dapprendre.
2 - La cassette
Les jeunes apprécient aussi la cassette accompagnant le livre et plus
particulièrement la chanson entraînante du début. Disposer
de la cassette, cest aussi pouvoir se gérer.
Utiliser la cassette nest pas facile, car pour certains, le débit
de parole est trop rapide. En effet, cela demande beaucoup defforts de
concentration, concentration difficile à maintenir au vu des difficultés
des jeunes.
Néanmoins, les jeunes qui le souhaitent vont dans une autre salle afin
dêtre au calme pour pouvoir écouter la cassette. Cest
pourquoi lenseignement est propre à chacun. La cassette est cependant
peu utilisée car les adolescents préfèrent parler, communiquer.
D Les adolescents ayant appris ou apprenant lespéranto
En 5 ans (de 1998 à 2003), sur une centaine dadolescents, 21 ont
suivi les cours despéranto.
Voici quelques unes de leurs réflexions à propos de lespéranto
:
« Il ny a pas dexception, tout ce quon entend sécrit,
on ne fait pas de
faute dorthographe. Cest sécurisant. Ce nest pas noté.
Ce qui est important cest de se faire comprendre, de communiquer même
si les phrases ne sont pas très correctes. Très vite on peut faire
des phrases. Cela fait réviser les autres langues et revoir des points
de français. Lactivité est libre et non obligatoire. Si
on veut arrêter, on arrête. »
Les adolescents considèrent lespéranto comme une activité
valorisante : ils ont « un plus » par rapport aux autres, y compris
par rapport au personnel soignant et à leur famille.
ALEXANDRE
Il était âgé de 18 ans, nétait pas scolarisé
et a suivi les cours pendant 3 mois.
Pour lui, apprendre lespéranto était obligatoire. Cela faisait
partie du projet thérapeutique décidé en accord avec le
médecin et léquipe soignante. Cest également
parce quil navait pas de désirs, pas envie de se projeter
dans une activité, quil nous fallait choisir pour lui et établir
un projet pour lui mais peut-être sans lui. Il étudiait pour faire
plaisir au personnel.
Nous nous demandions sil navait pas perdu ses capacités dapprentissage.
Au vu des résultats, Alexandre était tout à fait en mesure
dapprendre. Il ne travaillait pas les cours mais sen sortait relativement
bien. Il est allé jusquà la dixième leçon.
Ensuite, il a quitté le Centre des Glacis.
Nous ne pouvons pas dire quAlexandre se soit situé dans une démarche
dapprentissage. Il ne travaillait pas en dehors des cours et si nous nétions
pas à côté de lui, il ne travaillait pas du tout. Il avait
constamment besoin dêtre sollicité. Après sa sortie,
il a abandonné lespéranto.
ANNE- MARIE
Elle est âgée de 16 ans, est non scolarisée et a suivi les
cours pendant 4 mois.
Auparavant, elle était en troisième dinsertion. Elle dit
« je ne comprends rien en cours et mes relations avec les autres sont
difficiles. » Son vécu scolaire lui semble être une succession
déchecs.
Anne-Marie est instable. Son humeur est fonction des adolescents présents
en atelier pédagogique. Un jour, où elle allait particulièrement
mal, nous lui avons proposé décrire un article sur lespéranto
(document qui figure en annexe p.111) pour le journal des Glacis. En entendant
le mot espéranto, elle sest quelque peu calmée et a écrit
son article puis un début de lettre à son correspondant brésilien.
« Espéranto » serait-ce un mot magique ?
Néanmoins, elle a toujours eu le désir dapprendre. Désormais
elle est capable de se concentrer sur un travail. Elle dit : « je parle
plus facilement
espéranto quanglais car en anglais je narrivais pas à
faire des phrases alors que jy parviens en espéranto. Cela me met
en joie. Cela est facile et cela maidera à apprendre dautres
langues et à retourner à lécole».
Elle cherche des correspondants sur Internet, sapplique à traduire
de lespéranto en français. Elle a écrit une lettre
en espéranto à un Brésilien dont elle avait trouvé
ladresse sur un site de correspondants sur Internet. Cela sinscrit
dans la démarche de sortir de son monde individuel pour aller vers les
autres.
Anne-Marie a écrit une lettre de bienvenue à Oscar dans laquelle
elle lui expliquait que lespéranto « cest super ».
Elle fait de la publicité en faveur de lespéranto aux autres
jeunes. Cela la soutient. Le fait que cela soit positif laide à
travailler dans les autres matières notamment en mathématiques
et en français. Quand elle se trouve avec les autres patients, elle a
« quelque chose en plus » par rapport à eux, cela la met
en valeur.
Anne-Marie na pas confiance en elle et se dit « nulle » en
informatique. Elle ne sest pas mise à utiliser lordinateur
tout de suite. Elle la utilisé pour faire de lespéranto.
Lespéranto était le but premier, lordinateur nétait
que secondaire. Elle maîtrise aujourdhui loutil informatique.
Elle a une démarche très scolaire. Elle note tous les mots nouveaux,
et de ce fait a du mal à suivre le cours : elle ne sait jamais où
nous en sommes. Elle a du mal à modifier son comportement. Elle a toujours
peur de faire des fautes alors quelle sait que les mots sécrivent
comme ils se prononcent. Pour elle, le scolaire consiste à apprendre
par cur des listes de vocabulaire. Dès quelle est en cours,
elle retrouve cela. Cest ce quelle a connu en classe traditionnelle.
En revanche, lorsquelle écrit à son correspondant au Brésil,
elle séloigne de ses listes de vocabulaire et utilise son livre
et le dictionnaire. Elle adopte alors une démarche plus active et plus
valorisante pour elle.
Anne-Marie a quitté le centre des Glacis et est scolarisée depuis
la rentrée de septembre 2003.
ANNE- SOPHIE
Elle était âgée de 16 ans, était non scolarisée
et a suivi les cours pendant deux semaines.
Nous avons étudié la première leçon ensemble. Puis
Anne-Sophie a travaillé seule. Dès la leçon 3, elle voulait
une correspondante. Sa correspondante est allemande. Elle a rapidement progressé
en lui écrivant et en continuant à apprendre la langue.
Anne-Sophie a quitté le Centre des Glacis et est scolarisée depuis
la rentrée de septembre 2002. Elle napprend plus lespéranto.
CLAUDE
Il est âgé de 14 ans, est scolarisé et a suivi 2 cours.
Grâce à lespéranto, il a compris la différence
entre les adjectifs et les adverbes. Ces éléments lui posaient
problème en français.
CORALIE
Elle est âgée de 16 ans, est déscolarisée et a suivi
des cours pendant 2 semaines.
Elle refusait de faire du scolaire et refusait toutes nos propositions de travail.
Dans « espéranto » elle a entendu le mot « espoir ».
Elle a suivi 4 leçons et a demandé à avoir des cours Aiscobam
pour retourner en seconde. Elle avait beaucoup de travail et a choisi darrêter
lespéranto par manque de temps. Depuis septembre 2003, elle est
scolarisée en seconde.
PHILIPPE
Il est âgé de 16 ans, est non scolarisé et a suivi les cours
pendant 2 semaines.
Il était intéressé et motivé quand il a appris la
langue avec les stagiaires. A leur départ, il a refusé de poursuivre
lactivité. Peut-être était-ce pour lui un moyen dentrer
et dêtre en relation avec eux ?
FRANÇOIS
Il était alors âgé de 18 ans, nétait pas scolarisé
et a suivi les cours pendant 6 mois.
Il est le premier adolescent à avoir appris lespéranto aux
Glacis en 1998.
Il est également allé à la Maison des Jeunes P. Desforges
à Nancy et en stage à Villers les Nancy. Il souhaitait également
participer à un stage international de jeunes en Allemagne mais il na
pu sy rendre par manque dargent.
Il a quitté le centre des Glacis. Il nétudie plus lespéranto
aujourdhui mais en parle volontiers en disant « que cela fait partie
des bons souvenirs ».
LUDIVINE
Elle était âgée de 16 ans, était déscolarisée
et a suivi les cours pendant 4
mois.
Elle a appris lespéranto.
Elle a quitté les Glacis en 2001 et a fait un BEP de fleuriste. Elle
a dailleurs fait un exposé sur lespéranto. Après
son départ, elle a continué détudier cette langue
par Internet et lapprend désormais par correspondance.
OSCAR
Il est âgé de 18 ans, est déscolarisé et a suivi
les cours pendant 10 jours.
Il vient pour la seconde fois aux Glacis. Il était venu il y a deux ans
et navait pas suivi les cours despéranto. À lépoque,
il était scolarisé.
Pendant le cours il ma expliqué que son beau-père connaissait
17 langues mais pas lespéranto.
En une semaine, il a étudié 7 leçons. Il travaille seul,
le soir dans sa chambre et fait les exercices à haute voix.
Il dit « je trouve cela très facile à apprendre et à
parler et le système pour utiliser les chiffres est très simple.
Avec neuf chiffres vous pouvez tout dire. Cest facile aussi car jai
appris langlais et lespagnol auparavant. »
Il ne fait pas tous les exercices mais seulement ceux qui lui permettent daborder
les nouveaux éléments. Oscar est très dépendant
de son livre : peut-être parce quil apprend tout seul. Peut-être
apprend-il lespéranto non pour communiquer mais pour acquérir
un savoir ? Il a quitté la structure en emportant le livre de cours et
la cassette. Sans doute veut-il poursuivre lapprentissage de lespéranto
?
SOPHIE
Elle est âgée de 14 ans, est scolarisée et a suivi 2 cours.
Elle est triste, parle de son parcours et de sa vie. Nous lui proposons lespéranto
pour essayer de lui faire quitter ses idées noires. Sophie débute
lactivité. Au bout dun moment, elle sourit. Elle dit :«
lespéranto mégaie ! Cest simple. Cela me rappelle
lespagnol avec beaucoup de « a » et de « o » mais
en plus facile. Je me sens moins bête quen classe».
LES AUTRES JEUNES
Certains comme Mickaël ou Ophélie nont pas eu le déclic,
le désir dapprendre et ont arrêté au bout de un ou
plusieurs cours. Ophélie dit « je vais peut-être reprendre
les cours ».
Cela montre que les adolescents ont des souhaits et des attentes différentes.
Certains reprennent espoir, lespéranto sert alors de tremplin en
vue dune rescolarisation. Dautres, comme Ludivine, trouvent en lespéranto
un choix de vie. Dautres encore essaient mais abandonnent rapidement car
ils ne sont pas prêts à faire cette expérience, du moins
pour le moment. Ils ne sont pas intéressés ou pensent que cela
ne sert à rien.
En ce qui concerne les patients qui ont quitté les Glacis, à ma
connaissance aucun dentre eux na poursuivi lapprentissage
de lespéranto sauf Ludivine qui a également beaucoup investi
le mouvement espérantiste nancéen.
Les adolescents entendent souvent « lespoir » dans le mot
« espéranto ».
Lespéranto cest une part de rêve. Ils ont sans doute
besoin du rêve pour accepter et vivre dans la réalité. A
la question : pourquoi lapprenez-vous ? Ils répondent : «
pour correspondre, pour voyager dans dautres pays ». Concrètement,
quen sera t-il ? Peu importe. Si leur rêve leur a permis davancer,
de retrouver la confiance en eux, cest une réussite.
Lactivité est parfois quelque peu frustrante de part et dautre
car nous souhaiterions continuer les cours despéranto, mais les
cours sarrêtent car ladolescent rentre chez lui et/ou retourne
à lécole. Peu importe. Si avoir entendu parler despéranto
les a aidés à reprendre confiance en eux et à refaire des
projets, le but est atteint. Souvent les adolescents partent avec les livres
despéranto. Peut-être emportent-ils lespoir avec eux
? Peut-être
en voyant le livre se souviendront-ils de cette expérience positive qui
les aidera sil sont confrontés à de nouveaux échecs
?
E Lespéranto en atelier pédagogique
Lorsquils écoutent et reconnaissent des mots ou des sonorités
quils ont déjà entendus dans dautres langues, les
adolescents demandent les origines de lespéranto. Ils ont besoin
de savoir comment cette langue a été créée. Cela
fait écho en eux et généralement, ils sont capables de
le présenter à dautres jeunes.
Ils sont très sensibles aux motivations de Zamenhof qui, adolescent,
a créé lespéranto. Zamenhof souffrait de voir que
les gens ne se comprenaient pas en raison des ghettos dans la ville où
il vivait et des guerres. Peut-être y a t-il un lien entre sa souffrance
et la leur ? Que Zamenhof qui a souffert propose quelque chose fait écho
chez certains : il était sensible à la souffrance des hommes et
souvent les jeunes qui arrivent aux Glacis sont également en souffrance.
Lidée dapprendre une langue avec laquelle ils puissent comprendre
des personnes dautres pays les séduit.Ils ont envie de savoir,
de comprendre comment les gens vivent ailleurs. Cest aussi quelque chose
de positif pour eux, un avenir
Peut-être est-ce un rêve mais
si cela les aide pourquoi pas ?
Venir en classe signifie respecter des horaires. Le cours est prévu à
telle heure et il faut y aller muni de son cahier, ses livres et ses crayons.
Pendant les cours, il faut travailler, et en dehors réviser et faire
les exercices. Il y a un travail personnel à fournir. Il faut apprendre
à sorganiser et à organiser son travail.
Travailler à son rythme est important. Il faut être en mesure daccepter
les contraintes : dans ce créneau horaire les patients sont là
pour travailler et, en loccurrence, apprendre lespéranto.
Cela nest pas facile pour Anne-Marie qui a du mal à se concentrer,
qui réagit différemment selon les personnes présentes dans
la classe. Elle fonctionne sur le mode affectif.
La classe est un lieu avec des règles, qui reconnaissent à chacun
droits et devoirs et qui nous protègent. Il faut respecter les autres,
les écouter, ne pas les rejeter, se faire respecter et se respecter soi-même.
Lavantage du groupe est quil peut y avoir une aide.
Comment accueillir, recevoir laide des autres et apporter la sienne ?
Il faut tolérer le comportement dautrui même sil semble
inadapté. Même si une seule personne suit le cours, il ne faut
pas ennuyer les autres qui sont dans la même pièce car eux aussi
travaillent. Cela renvoie à lidée dintégration
dans un groupe.
Le rythme dapprentissage est propre à chacun.
Ainsi, avec Oscar, cela va vite, il ne fait pas tous les exercices. Il a envie
dapprendre la suite et davancer. Il a la cassette mais ne lutilise
pas. En une semaine, il a étudié 7 leçons. Par contre,
Anne-Marie a besoin de faire tous les exercices par écrit pour retenir.
Quand il y a deux ou trois élèves en même temps, cest
intéressant et plus dynamique mais très rapidement nous nous rendons
compte que si un élève suit bien, les autres ont plus de difficultés.
Très souvent, les cours ont lieu même temps que dautres activités
scolaires.
Même ceux qui ne font pas despéranto interviennent parfois.
Avec Oscar, nous nous sommes retrouvés en train de faire cours dans le
bureau du médecin car les élèves en classe étaient
trop dissipés et nous ne parvenions pas à travailler correctement.
Lespéranto, cest un jeu de construction. Le patient construit
petit à petit sa maison et se construit lui-même. Il essaie et
met un petit mot avant ou après le radical. Cest ce qui fait la
différence avec une situation scolaire classique. En effet, ladolescent
ne subit pas lenseignement mais est acteur de son apprentissage. Oscar
dit « cest super, on peut apprendre et il ny a pas de notes.
Javais toujours peur pour les interrogations de langues : japprenais
et devant ma feuille, je paniquais. Au moins ici on peut apprendre seul et aller
à son rythme. »
A partir des règles de base, il peut composer de nouvelles phrases et
parler. Cest un peu comme en cuisine donner la recette et ensuite expérimenter.
Dautant plus quil ny a pas de faute, la sanction est donc
évitée.
Ne pas craindre lerreur est ici synonyme de liberté. Avec ses connaissances,
le patient peut faire des phrases, oser, essayer. Le but est de se faire comprendre
de lautre, de communiquer. Pouvoir maîtriser la langue est valorisant.
Ladolescent sapproprie quelque chose. Cela prouve quil peut
agir, agir sur la langue, apprendre : il prend conscience quil nest
pas « nul ». Il peut travailler à son rythme.
Il se remet à apprendre et il est capable dapprendre. Les jeunes
sont souvent étonnés de leurs capacités. Le jeune existe
en tant que personne à part entière et non comme un élève.
Le jeune est alors du côté du positif et séloigne
de léchec.
Les notions de partage et dentraide sont très importantes. Parfois,
labsence momentanée de léducatrice amène les
adolescents à travailler ensemble et en autonomie, à se prendre
en charge et à saider. Cest celui qui explique à lautre,
qui apprend sa leçon. On napprend jamais seul. Aider les autres
fait progresser, donne de lassurance et développe la confiance
en soi.
Cette mise en situation contribue à se voir plus positif et à
refaire des projets. Elle permet également un travail en autonomie, de
travailler, de faire quelque chose et de se conformer à des règles.
Cette activité que nous partageons est également, en quelque sorte,
un code entre nous. Des adolescents utilisent souvent la langue, non seulement
en atelier pédagogique entre eux, mais également au cours des
repas.
Même si cest sous une forme ludique, déchange ou de
correspondance, le but est toujours de favoriser linsertion.F Une
application concrète de lespéranto : la correspondance
Aux Glacis, Internet est installé depuis décembre 2002.
Pour les adolescents, cest la preuve vivante de lexistence de la
langue. En effet, ils peuvent trouver des correspondants et leur envoyer des
messages électroniques. Bien quils le souhaitent, ils ne peuvent
pas échanger en direct car pour linstant aucun dentre eux
ne maîtrise suffisamment la langue pour pouvoir écrire ou parler
assez rapidement pour mener une conversation. De plus, cela prend du temps.
Certains suivent des cours par Internet, par exemple Anne-Marie avec le cours
de JEFO (Association des jeunes espérantistes français).
Les adolescents privilégient la communication. Ils ont envie de parler,
déchanger. Aux Glacis, ils sont considérés comme
des patients. Ils ont envie dêtre considérés comme
des adolescents et non pas en fonction de leurs problèmes. Cest
pourquoi, ils souhaitent avoir des contacts avec des
jeunes qui ne les connaissent pas et avec qui ils pourront échanger sur
leurs préoccupations dadolescents mais aussi sur la façon
de vivre dans tel ou tel pays.
La correspondance est un moyen douverture sur les autres, sur le monde.
Cest aussi un moyen de ne dévoiler de soi que ce que lon
veut bien dire, une façon de se montrer de manière positive. Cest
aussi une façon dapprendre des choses sur lautre, sur les
autres. Cela revient un peu à dire : « plus je me préoccupe
des autres et moins de moi ; plus je prends conscience quen fait mes problèmes
ne sont pas si importants que cela ». La manière de vivre dautres
gens leur permet de relativiser leurs problèmes et de prendre de la distance.
Parfois ils privilégient des choses qui en réalité ne sont
que des détails.
La correspondance aide à apprendre. On pratique, on cherche des mots
dans le dictionnaire, on sentraîne. Anne-Béatrice ne sest
pas mise à utiliser lordinateur tout de suite. Elle la utilisé
pour faire de lespéranto. Désormais, elle sait utiliser
lordinateur peut-être car lespéranto était le
but premier, lutilisation de la machine nétait que secondaire.
Même sil faut un minimum de connaissances en espéranto pour
pouvoir écrire, la correspondance montre bien que lespéranto
fonctionne et quavec une seule langue on peut réellement communiquer
avec des jeunes du Japon, de Russie, dItalie, dAngleterre
Cest du concret. Pouvoir sexprimer, créer ses mots, ses phrases
est bien supérieur au cours. Il faut voir la joie dAnne-Marie quand
elle reçoit un courriel de son correspondant.
Depuis que nous avons lordinateur et Internet, nous communiquons par message
électronique et non plus par courrier car les adolescents ne restent
pas très longtemps au Glacis. Cela leur permet dutiliser loutil
informatique et déchanger davantage, car la réponse arrive
plus rapidement. Cest aussi une façon de sautogérer
et de pouvoir échanger à tout moment.
Les adolescents ont envie de ces échanges, de savoir ce qui se passe
ailleurs, comment vit un adolescent au Brésil (pour Anne-Marie). Cest
une ouverture sur autre chose que sa propre maladie, ses problèmes
Cela permet le rêve, lespoir, la réalité, la vie et
lavenir.
Cest montrer que les patients sont capables dapprendre et de comprendre
des notions non acquises. Lespéranto met tout le monde sur un plan
dégalité puisquil faut lapprendre, quelle que
soit la nationalité, son quotient intellectuel, son savoir, ses difficultés.
Chapitre 3 : PERSPECTIVES
Section 1 Lespéranto dans la mondialisation et dans la construction
européenne
Lespéranto est un moyen de voir la construction européenne
et la mondialisation autrement que par des choix uniquement basés sur
léconomique, qui non seulement appauvrissent toujours plus les
plus pauvres mais de surcroît enrichissent les plus riches. Lespéranto
envisagé comme ambassadeur de la paix, de légalité,
des échanges entre
les peuples a toute sa place. Apprendre lespéranto permet de communiquer
avec des personnes du monde entier aussi bien par lettre, par Internet quà
loccasion de voyages.
Avec lassociation Espéranto France Est nous nous préoccupons
de la mondialisation puisque nous subventionnons lAssociation Espérantiste
de Madagascar, ce qui lui permet dassurer des cours et déditer
la revue « inter ni » (revue réalisée sur support
papier en France). Un autre de nos objectifs est daider à la poursuite
du projet interculturel « kvazaùa lernejo ». Il sagit
dune école virtuelle qui travaille par Internet avec des jeunes
de tous les continents. Notre aide pour ce projet est essentiellement matérielle.
Il nest pas question que lespéranto remplace les langues
maternelles mais que nous lapprenions en seconde langue. Ainsi il pourrait
servir de « langue-pont » entre les européens et également
entre les peuples du monde entier. Cela permettrait aux habitants de la terre
de se comprendre sans difficulté et dêtre sur un même
pied dégalité.
Section 2 Notre projet
Par comparaison avec le travail de lassociation « Réinsertion
et Espéranto » notre expérience est modeste. Mais le premier
pas est fait, à savoir montrer que des adolescents en difficulté
peuvent apprendre lespéranto et que cela les aide, quils
reprennent confiance.
Il faut désormais que nous travaillons avec lextérieur de
la structure. Pourquoi ne pas envisager de donner un cours despéranto
dans un collège ou un lycée en y intégrant un adolescent
non scolarisé. Cela demande de travailler à la fois avec la psychiatrie
et lÉducation Nationale et de vaincre les résistances de
part et dautre.
En effet, concrètement il sagit de mêler deux mondes : celui
des élèves scolarisés relevant de lÉducation
Nationale et celui des jeunes non scolarisés relevant de la psychiatrie.
Mais est-ce compatible dêtre malade et daller à lécole
?
Cela risque dêtre dautant plus difficile que nous souhaitons
intervenir pendant notre temps de travail, quil soit reconnu comme un
travail et quil fasse partie intégrante de lemploi du temps
des élèves, et non pas sous forme de loisirs. Nous pensons que
cela est indispensable à la reconnaissance de lespéranto.
Nous souhaitons mettre en place un cours despéranto avec des établissements
scolaires que nous connaissons déjà grâce à lintégration
dadolescents dans des classes. Peut-être que le fait davoir
déjà travaillé ensemble dans un autre cadre, davoir
établi une relation de confiance permettra t-il de démystifier
et de mettre en place des cours despéranto ?
Il nous faudra alors passer les examens despéranto car si nous
voulons être reconnus, cela passera par les diplômes. Nous sommes
donc entrain de préparer les examens pour mener à bien notre projet.
Les espérantistes ont déjà demandé et à plusieurs
reprises que lespéranto soit reconnu comme langue optionnelle au
baccalauréat. Jusquà présent, les gouvernements qui
se sont succédé nont pas retenu cette proposition. Coralie
et Armand souhaiteraient vivement pouvoir passer lespéranto au
baccalauréat. Cela serait une motivation supplémentaire pour lapprendre.
Nous souhaitons également porter à la connaissance des associations
françaises et étrangères les résultats du travail
réalisé aux Glacis et ce, afin de développer laction
entreprise et déchanger sur ce travail. À cette fin, nous
avons créé un site Internet dont les coordonnées sont :
http://claudisite.multimania.com. Un résumé du mémoire
traduit en espéranto figure dans les annexes p.112. Il figurera également
aux côtés du mémoire sur le site.
Par rapport à lintégration des adolescents dans les établissements
scolaires, signer la convention dintégration avec les écoles
ne suffit pas, il
faut également permettre à ces jeunes de suivre les cours et de
passer les examens dans de bonnes conditions. À ce jour, les troubles
psychiques ne sont pas reconnus. Cest pourquoi nous envisageons au niveau
des Glacis mais également avec des associations comme Aiscobam de mener
des actions au plan national afin de favoriser au maximum lintégration
scolaire des adolescents en difficulté psychique.
CONCLUSION
Dans notre étude, nous avons présenté dans un premier temps
un état des lieux sur une question dactualité : linsertion
sociale des jeunes. Nous avons caractérisé la politique publique
dinsertion de « bureaucratique ». Le caractère bureaucratique
apparaissait dans la méthode danalyse dune catégorie
sociale appelée « jeunes » sous la forme dune classification
par le critère de lâge avant ladoption dune série
de mesures. Cette attitude a conduit à lheure actuelle à
un empilement de structures, de programmes et dactions divers.
Nous avons montré cette politique dans une période historique
suffisamment longue pour nous donner un enseignement sur cette politique publique
dinsertion. Nous avons également rappelé le rôle de
lécole dans cette politique.
Notre étude a consisté dans un second temps à faire un
parallèle entre les rapports Schwartz de 1981 et Charvet de 2001 afin
de montrer le caractère durable du phénomène de linsertion
sociale des jeunes en difficulté. Ces deux auteurs préconisent
des mesures à la suite dun diagnostic. Certaines de ces mesures
ont connu une suite sous la forme de décisions publiques.
Par contre dautres dispositions, notamment celles qui mettent au centre
de linsertion les jeunes en tant quacteurs, nont pas été
suivies.
Enfin, notre étude avait pour objet détudier cet aspect
méconnu de lespéranto en mettant en valeur une expérience
menée aux Glacis à Nancy. En effet, le public des jeunes en difficulté
psychique est acteur de son insertion par sa participation à une pédagogie
dinsertion scolaire.
Le problème de linsertion est toujours dactualité.
Au départ le programme concernait les jeunes de 16 à 18 ans, désormais
la prise en charge sétend jusquà 29 ans.
Il est indispensable de ne pas penser pour les jeunes mais de réfléchir
avec eux. Il vaut mieux travailler à partir de leurs demandes, de leurs
intérêts, de leurs envies et de leurs besoins. Les jeunes ont besoin
de se sentir acteurs et responsables de leur vie et non dêtre «
assistés ». Ils veulent être reconnus comme membres à
part entière de la société. Comme laffirme B.Schwartz,
« il faut associer les jeunes à toutes les décisions qui
concernent la société et agir sur la société dans
son ensemble ».
Il est nécessaire de prendre conscience de la nécessité
daborder la question de linsertion dans sa globalité tant
sur le plan scolaire, social que professionnel.
Lenseignement de lespéranto au Centre de Soins des Glacis
permet à ladolescent de reprendre confiance en lui, dêtre
valorisé, davoir envie de faire des projets, de se voir avec un
avenir possible et dêtre acteur de et dans sa propre vie. Aussi,
ce travail doit être poursuivi, multiplié et étendu à
tous les jeunes en difficulté mais également à tous les
jeunes en général. Il est donc indispensable denseigner
lespéranto dans les écoles.
La langue internationale sinscrit dans une logique tout à fait
nouvelle. Le sentiment daisance créatrice quelle procure
dès la première leçon mérite dêtre enfin
reconnu comme pédagogique. Lespéranto, par notre travail
et les résultats présentés ici devrait faire lobjet
dune étude officielle. Cela fait déjà 116 ans que
lespéranto est à la disposition de lhumanité
et les pouvoirs publics en France notamment lui accordent peu dimportance.
A lheure de la construction de lEurope et de son élargissement
vers lEst, quid dune langue européenne commune ? Une langue
permettant des échanges aisés et égalitaires entre tous
les citoyens européens. Une langue qui donne envie dapprendre.
Cette langue existe, mais elle reste méconnue, il sagit de lespéranto
Y aurait-il une fatalité ? Le bon sens aurait-il pour corollaire dêtre
systématiquement écarté pour nêtre ensuite
reconnu que seulement de nombreuses années plus tard ? Il en est de même
pour les rapports Schwartz et Charvet. Il est indispensable de revoir le dossier
de linsertion
mais avec les jeunes pour quils soient au cur du dispositif et acteurs
de leur insertion, de leur vie et de leur avenir.
Cest pourquoi les jeunes ne doivent pas être définis comme
une catégorie à part, une catégorie en difficulté
mais faire partie intégrante de la société. Quel avenir
voulons-nous pour la société et pour les jeunes en particulier
?
BIBLIOGRAPHIE
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Mémoire de recherche « politiques de lutte contre le chômage
et lexclusion et mutations de laction sociale », recherche
et documentation,
Documentation française, École Nationale dAdministration,
Promotion Saint-Exupéry, 1994
ANNEXES
Document 1 : Une entrée toujours plus tardive dans la vie active p.103
Document 2 : la fête de la lecture p.104
Document 3 : lespéranto selon Anne-Marie p.111
Document 4 : résumé du mémoire dans la langue internationale
p.112
espéranto
Extrait de « Lécole malade du chômage »
Alternatives économiques n°168, mars 1999
Article extrait de « Horizon social : la personne handicapée (1)
»
Éditions de lEst n°6, septembre 1992
Article extrait du journal des Glacis davril 2003
LESPÉRANTO« Lespéranto est une langue internationale
avec laquelle on peut communiquer avec des gens du monde entier. Elle a été
conçue en mélangeant neuf langues différentes : français,
polonais, hébreux, russe, allemand, anglais, latin, grec et espagnol.
Lespéranto est pour moi une langue facile et amusante à
apprendre. Elle facilite lapprentissage des autres langues. Je corresponds
avec un brésilien en espéranto.
Lespéranto comme son nom lindique est la langue de lespoir.
Un jour, elle sera peut-être parlée par tout le monde et on pourra
tous se comprendre. Je pense que cest ce qui permettra la paix entre les
peuples dici quelques années car si tout le monde est uni par le
même langage, il ne peut plus y avoir de guerre ».Anne-Marie
Résumé du mémoire en esperanto présenté sur le site Internet : http://claudisite.multimania.com
Resumo de la memuaro en la internacia lingvo EsperantoChar mi estas faka
edukistino, mia rolo konsistas en la instruado al adoleskantoj suferantaj pro
psikaj problemoj.
Tiu laboro estas duparta :
- alporti al ili kompletigan kurson se ili ne estas lernantoj en lernejo mem
pro psikaj problemoj
- helpi aliajn, kiuj estas ja lernantoj, sed ne kapablaj fari siajn taskojn
tute solaj ankaù pro psikaj problemoj
Ghis nun mi instruis al tiaj gejunuloj matematikojn, la francan gramatikon,
ktp
Chu vere estis taùge ? Chu mi helpis ilin, farante tion ?Mi
deziris trovi novan instru-agadon por ke pli eme ili lernu kaj ankaù
por ke ili akiru pli belan ideon pri si.
Tute hazarde, kaj eble char niaj provoj ghis nun montrighis nefruktodonaj, mi
komencis instrui Esperanton al volontaj adoleskantoj.Tiu memuaro rakontas la
instruadon de la lingvo dum 5-jara periodo, de 1998 ghis 2003. Ghi pruvas, ke
Esperanto ebligas valorighon al gejunuloj, char dankal la reguleco de
la lingvo ili akiras memfidon, emon por de nove plani projektojn. Ili do sentas
sin agademaj kaj kapablaj regi la lingvon. Krome, ili estas aktoroj de sia lernado.
Tiamaniere, Esperanto ebligas integrighon lernejan, socian kaj eble profesian.