Parmi les 500 projets de langues internationales,
seul l'espéranto a réussi. Seul l'espéranto est
non seulement sorti du laboratoire, mais est devenu une réalité
sur le terrain, in vivo, et de plus cette langue a survécu à
son inventeur.
Précisément, on peut se demander pourquoi ce projet est
devenu une réalité, une langue vivante, riche et nuancée.
Pourquoi son inventeur Zamenhof, qui est souvent présenté
à tort comme un linguiste, a réussi alors que d'autres,
vrais linguistes ceux-là, ont échoué puisque leur
oeuvre est tombée dans l'oubli ?
On peut faire un rapprochement entre la naissance de l'espéranto
et l'apparition de la vie sur terre. En effet, la vie apparut dans une
soupe primitive composée de macro-molécules s'organisant
toujours plus, vers la complexité sous l'action de la lumière
solaire.
Il y avait donc des conditions qui peu à peu s'étaient
créées pour que la matière devienne des acides
aminés eux-mêmes s'organisant en protéines, elles-mêmes
amenées à constituer des êtres cellulaires vivants.
De même l'espéranto, organisme vivant est né d'un
milieu où les conditions étaient extrèmement favorables
à l'émergence d'une telle idée. Ce milieu c'était
Bialystok, une ville de Pologne où au siècle dernier cohabitaient
plusieurs ethnies, des Polonais, des Russes, des Allemands et des Juifs,
chacun avec sa langue et méprisant l'autre, de préférence
le juif.
C'est dans ce milieu de violence, d'intolérance et d'anti-sémitisme
que naquit le 15 décembre 1859 Lazare, Louis Zamenhof, l'ainé
d'une famille de huit enfants.
Très vite, ce jeune garçon fut confronté à
la dure loi de la vie et à sa réalité .
Celle-ci se manifestant par des rixes quotidiennes et des vexations
surtout à l'encontre des juifs, ce qui l'émeut et lui
fit prendre conscience de la confusion des langues et de la nécessité
d'une langue transnationale qu'il se convainc à créer
lui-même afin de réunir les hommes.
Dans une lettre écrite en 1905 à l'avocat Michaux il précisera
:
|
"
Si je n'étais pas un juif du ghetto, l'idée d'unir
l'humanité ou bien ne m'aurait pas éffleuré
l'esprit, ou bien ne m'aurait pas obsédé si obstinément
pendant toute ma vie. Personne ne peut ressentir autant qu'un juif
du ghetto le malheur de la division humaine. Personne ne peut ressentir
la nécessité d'une langue humainement neutre et anationale
aussi fort qu'un juif, qui est obligé de prier Dieu dans
une langue morte depuis longtemps, qui reçoit son éducation
et son instruction dans la langue d'un peuple qui le rejette, et
qui a des compagnons de souffrance sur toute la terre, avec lesquels
il ne peut se comprendre.....Ma judaïcité a été
la cause principale pour laquelle, dès la plus tendre enfance,
je me suis voué à une idée et à un rêve
essentiel -- au rêve d'unir l'humanité ". |
C'est donc un rêve d'enfant qui va se réaliser
puisque le 26 juillet 1887 paraît à Varsovie le "Unua
Libro", une méthode en russe d'initiation à la langue
internationale.
Ensuite, cette méthode paraît en polonais, en allemand,
en français et en anglais.
C'est une brochure d'une quarantaine de pages avec une préface
et une grammaire, un recueil d'exercices et un lexique. Le problème
pour Zamenhof résidait dans l'attrait que cette langue nouvelle
pourrait susciter auprès du public. Il était bien conscient
du fait que sa langue devait réunir trois atouts:
D'abord être ludique donc assez facile.
Ensuite être utile immédiatement: à quoi servirait-il
d'apprendre une langue si personne ou plus précisément
très peu de personnes ne la connaissent.
Enfin, qu'elle permette de traduire toutes les nuances de la pensée
humaine et en particulier un sentiment poétique.
En ce qui concerne le deuxième
point, il était annexé au Unua Libro deux feuillets de
huit coupons détachables que le lecteur se devait de retourner
au Docteur Espéranto en mentionnant son engagement d'apprendre
complétement la langue s'il était démontré
officiellement que dix millions de personnes avaient fait le même
engagement.
Pour Zamenhof, il était clair que
seul un nombre significatif de promesses engagerait les indécis
et ce nombre était, selon lui, évalué à
dix millions de personnes.
En fait, il est intéressant de remarquer
que la plupart des personnes ayant retourné la promesse n'attendirent
pas l'annonce officielle des dix millions de personnes et se mirent
d'emblée à apprendre la langue du Docteur Espéranto,
ce qui permit à Zamenhof d'éditer un annuaire de plus
de mille adresses dès l'année 1888.
En 1888, Zamenhof fit paraître le
Dua Libro, puis en 1889, dans le complément à ce dernier
il déclarait que c'était le dernier ouvrage qu'il écrivait
en tant qu'initiateur de la langue et qu'il convenait désormais
pour lui de n'être plus qu'un espérantophone parmi les
autres. Quelle preuve d'humilité et de modestie! Il faisait don
de sa langue à l'humanité car pour lui une langue ne pouvait
pas, ne devait pas appartenir à un homme mais bien sûr
à une collectivité. C'est ce que Johan Martin Schleier,
l'inventeur du Volapûk dix ans plus tôt, n'avait pas compris.
Ce dernier concevait le Volapük comme sa propriété
et il s'opposa à la plupart des propositions de réformes,
jugées pourtant nécessaires par ceux-là mêmes
qui avaient appris cette langue et qui, déçus, allèrent
très vite grossir les rangs des espérantistes dans la
mesure où l'espéranto était poussé par un
idéal et un esprit très différents. Zamenhof mourut
en pleine guerre (1917) mais il savait que son projet avait été
reconnu internationalement: notons ici que la République Française
lui accorda la Légion d'Honneur en 1905 à titre étranger
(ce qui était exceptionnel déjà à l'époque)
et que Schleier mourut, quant à lui, après le profond
déclin de son oeuvre en 1922.
Cette reconnaissance officielle française donc internationale
eut lieu quelques jours avant la tenue du premier congrès internationale
d'espéranto. Celui-ci eut lieu à Boulogne-sur-Mer et réunit
plus de six cents participants. au cours de ce congrès plusieurs
résolutions furent proposées par l'inventeur de la langue
internationale et en particulier le Fundamento, véritable "table
de la loi" de l'espéranto. Cet ouvrage a une importance
considérable car nul n'a osé remettre en cause sa validité.
En 16 règles de grammaire les bases de la langue sont ainsi jetées.
bine qu'intangible, le Fundamento n'a
pas empêché la langue de s'enrichir et d'évoluer
comme n'importe quelle langue vivante.
(à suivre),
mais pour en savoir plus, tout de suite cliquer sur le lien
ouvrages.
Les premiers Congrés Internationaux d'Espéranto
Boulogne-sur-mer 1905
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Genève 1906
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Cambridge 1907
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